Le jeu rapporte gros

Enormément de jeux en ligne sont aujourd’hui proposés gratuitement, ce qui ne les empêche pas de représenter plus de 80% des revenus des sociétés spécialisées, grâce à ce que l’on appelle les micro-transactions. Celles-ci sont tellement nombreuses qu’elles tirent véritablement les profits vers le haut.

Le jeu est aujourd’hui un secteur d’activité, et même un big business, à part entière. Ce constat s’est imposé pendant le confinement, à l’occasion duquel le streaming en direct a fait exploser la consommation de données; selon les opérateurs télécom, ce bond s’explique certes par la multiplication des vidéoconférences, mais aussi et surtout par l’engouement pour les jeux en ligne. Estimé à quelque 150 milliards de dollars l’an dernier, ce marché devrait atteindre 160 milliards cette année et 200 milliards en 2022. Ses actions sont très prisées, ce qui se reflète dans les valorisations.

Le secteur est un vaste écosystème composé d’entreprises diverses – pure players qui développent jeux ou logiciels de jeux, fournisseurs de matériel (Nvidia, AMD), fabricants de consoles (Nintendo, Sony, Microsoft), exploitants de plateformes de sports virtuels et autres spécialistes du cloud gaming et du streaming (Amazon). En raison de sa taille et des segments dans lesquels il opère et bien que cette activité ne représente qu’un tiers de son chiffre d’affaires, le chinois Tencent Holdings est, de loin, la plus grande société de jeux au monde; il est connu pour ses titres Fortnite et League of Legends, entre autres.

Les jeux mobiles s’adjugent 36% du marché; ils sont suivis par les jeux pour consoles (30%) et ceux pour PC (24%). Sony (PlayStation 5) et Microsoft (Xbox Series X) comptent commercialiser une nouvelle console cette année, ce qui devrait dynamiser le segment.

Un certain nombre de tendances relativement récentes influencent le modèle d’affaires des développeurs de jeux, dont la vente de jeux a longtemps été la principale source de revenus. Cela semble couler de source mais en réalité, énormément de jeux sont aujourd’hui proposés gratuitement, ce qui ne les empêche pas de représenter plus de 80% des revenus, grâce à la croissance de ce que l’on appelle les micro-transactions (ajout, pour une somme modique, de fonctionnalités à un jeu gratuit). Les micro-transactions sont tellement nombreuses qu’elles tirent véritablement les profits vers le haut. Idem pour la publicité: pour jouer gratuitement, il faut accepter de regarder les pub. Ce qui rend au passage de plus en plus floue la distinction entre les divers segments.

Activision Blizzard: pipeline fourni

Cette société californienne (Nasdaq; ticker ATVI) est connue grâce à Call of Duty, World of Warcraft et Overwatch, ainsi que pour s’être offert King (Candy Crush). Malgré ses titres à succès, son chiffre d’affaires n’a pratiquement pas augmenté ces cinq dernières années (6,5-7 milliards de dollars), en raison de la concurrence féroce et de la pression qu’elle exerce sur les prix. Cette absence de croissance est toutefois largement compensée par l’envolée de la rentabilité, elle-même due aux micro-transactions ainsi qu’à la réforme du modèle de vente, qui se veut de plus en plus numérique, au détriment des canaux traditionnels. Au cours des quatre derniers trimestres, Activision a généré pour 1,4 milliard de dollars de cash-flows disponibles, ce qui porte sa trésorerie à 6 milliards de dollars, un record. Il a donc les moyens de développer lui-même de nouveaux produits, et d’acquérir des opérateurs plus petits. Il dispose d’une sérieuse réserve de nouveaux titres, dont les droits de propriété intellectuelle lui appartiennent intégralement. Son rapport cours/bénéfice (C/B) ayant été multiplié par deux ces 12 derniers mois, nous attendrions une correction avant d’acheter.

Electronic Arts: fort dans l’eSport

Electronic Arts (Nasdaq; ticker EA) domine le segment des jeux depuis des années. Si ses titres les plus connus sont sans doute Les Sims et Command and Conquer, il est particulièrement bien implanté dans les titres sportifs, tels que FIFA, NFL (football américain) et NHL (hockey). Il commercialise par ailleurs Star Wars Jedi sous licence Disney. Sa rentabilité est très élevée – il a achevé son exercice décalé sur une marge brute de plus de 75% et un chiffre d’affaires de 5,2 milliards de dollars, lequel devrait passer à 5,5 milliards à l’issue de l’exercice en cours. Son bénéfice net s’établit à 1,4 milliard de dollars et les cash-flows disponibles, qui atteignent 1,7 milliard, portent sa trésorerie nette à 4,5 milliards. Electronic Arts est moins cher qu’Activision, mais son pipeline est également beaucoup moins bien garni (la première véritable nouveauté n’est attendue qu’en 2022). Le programme de rachat d’actions est finalisé, et la décision de le prolonger éventuellement a été reportée au trimestre prochain. Le titre peut être conservé.

Take Two Interactive: croissance la plus rapide

Take Two Interactive (Nasdaq; ticker TTWO) se distingue par son impressionnant pipeline, même si l’investisseur est condamné à patienter encore un peu – 93 titres, dont 48 totalement nouveaux, seront mis sur le marché entre 2021 et 2025, mais surtout après 2022. Dans l’intervalle, NBA et Grand Theft Auto sont ses produits-phares. Ses formules d’abonnement sont une source très importante de revenus récurrents (+40% en glissement annuel au dernier trimestre, un peu plus de la moitié des recettes désormais). Take Two, qui a achevé le dernier exercice sur un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars, prévoit pour cette année une évolution stable de ce poste, pour une trésorerie nette de plus de 1,8 milliard de dollars. Sa valorisation se situe entre celles d’Activision et d’Electronic Arts. Compte tenu de son pipeline et de sa position financière, le groupe compte parmi les favoris à long terme. Vu la hausse vigoureuse de l’action ces derniers mois, l’on attendra de préférence une correction.

Zynga: jeux mobiles

L’acquisition des marques Gram Games et Small Giant Games a fait de Zynga (Nasdaq; ticker ZNGA) l’un des plus grands acteurs dans le domaine des jeux mobiles. Estimé à 60 milliards de dollars, ce marché affiche une croissance de 15% l’an. Zynga s’est récemment offert Peak Games, entreprise non cotée aux 12 millions d’utilisateurs actifs quotidiennement, pour laquelle il a déboursé 1,8 milliard de dollars. Cette transaction ouvre des possibilités de synergies pour les jeux Zynga existants, notamment en termes de revenus publicitaires. Sa stratégie de reprise permet au groupe de réaliser des chiffres de croissance tout à fait satisfaisants. Il a enregistré en 2019 un chiffre d’affaires de 1,3 milliard de dollars et un bénéfice net de 326 millions; son chiffre d’affaires passera cette année à 1,9 milliard de dollars, puis à 2,4 milliards, sans doute, l’an prochain. Zynga disposait au terme du premier trimestre d’une trésorerie nette de près de 500 millions de dollars, laquelle se muera toutefois, après l’acquisition, en une dette nette (gérable). Le plus grand désavantage du groupe est sa valorisation tendue; là encore, l’action ne pourra faire l’objet d’une recommandation d’achat qu’après une nette correction.

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