Une mégafusion de mines d’or

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La fusion entre Barrick Gold et Randgold Resources a été annoncée fin septembre. La valeur boursière de New Barrick dépassera 18 milliards de dollars.

Les investisseurs négligent totalement l’or et l’argent cette année. Il faut dire que leurs rendements sont, depuis belle lurette, négatifs. L’or a perdu un tiers de sa valeur depuis le sommet atteint il y a sept ans; l’argent a, lui, chuté de non moins de 70%. Les actions des producteurs ne sont pas davantage épargnées.

Tout peut pourtant aller très vite dans ce secteur: après avoir touché le fond fin 2015, l’indice Van Eck Gold Miners (GDX) a gagné 151% en moins de six mois au premier semestre de 2016; mais l’élection de Donald Trump, en novembre de la même année, a brutalement interrompu son envolée. Après une sévère correction, les actions des producteurs d’or se sont consolidées pendant un an et demi, pour reculer à nouveau cet été.

Aucun pouvoir de fixation des prix

La principale cause de la contre-performance des actions minières est le repli du métal jaune. Les producteurs d’or n’ont aucun pouvoir de fixation des prix – ceux-ci sont décidés par le marché et aucun cartel, au sein duquel ils pourraient s’accorder sur la production, n’existe. Pour briser la tendance, le cours de l’or doit résolument franchir la barre des 1.370 dollars. Il l’a atteinte à plusieurs reprises ces deux dernières années avant de chuter, entre la mi-avril et la mi-août, de 1.370 à 1.164 dollars (-17%).

Plusieurs éléments expliquent ce phénomène. Le premier est l’appréciation du dollar, qui va de pair avec la hausse des taux aux Etats-Unis. Fin septembre, la Fed a relevé son taux directeur pour la troisième fois cette année et le marché estime à 85% la probabilité d’assister à un quatrième relèvement en décembre. Les rendements à plus long terme suivent désormais l’évolution des taux courts. Le marché interprète les résultats macro-économiques récents comme un signe annonciateur de nouvelles hausses. Mais pour l’or, c’est le taux réel, et non le taux nominal, qui importe; or nous estimons que la hausse du taux nominal s’accompagnera d’une accélération de l’inflation et que celle du taux réel restera – si elle existe – très limitée. Le billet vert profite également de son statut de monnaie de réserve, qui fait des Etats-Unis le marché le plus liquide au monde. En cas de troubles dans des pays émergents (Turquie, Argentine, Brésil, par exemple), les capitaux prennent la direction de la monnaie américaine. Enfin, l’or fait l’objet de positions courtes, les plus élevées depuis 2001, sur les marchés à terme – ce qui signifie que des spéculateurs parient sur de nouvelles baisses du cours.

Producteurs sous pression

Le recul du cours de l’or pèse sur les revenus des producteurs, cependant que les augmentations de coûts rognent les marges bénéficiaires. Après avoir atteint un plancher en 2016-2017, les coûts de production de la plupart des groupes miniers sont repartis à la hausse. En cause: l’augmentation des prix de l’énergie et du coût de la main-d’oeuvre. Les miniers ont de surcroît investi dans la technologie. Une entreprise comme Newmont Mining pronostique un coût de production moyen proche de 1.000 dollars l’once troy cette année. En avril, quand l’or se négociait à 1.370 dollars, sa marge brute atteignait 370 dollars. Quatre mois plus tard, elle plafonne à 164 dollars: l’effet de levier est considérable.

Le sentiment des investisseurs n’a donc rien d’étonnant. Le groupe financier américain Vanguard a de facto liquidé cet été son fonds Precious Metals&Mining, de loin le plus important de sa catégorie (plus de 2,3 milliards de dollars investis). Sous le couvert d’une restructuration, le fonds a été rebaptisé Vanguard Global Capital Cycles Fund; mais, surtout, le poids des actions des producteurs d’or est tombé de 80 à 25%. Cette décision a intensifié la pression vendeuse, essentiellement parmi les producteurs petits et moyens, dont la liquidité est limitée.

Mégafusion

Barrick Gold était le plus grand producteur d’or au monde, avant d’être supplanté, cette année, par Newmont Mining. Pas pour longtemps toutefois, puisqu’une fusion entre Barrick et le britannique Randgold Resources a été annoncée fin septembre. La valeur boursière de New Barrick dépassera 18 milliards de dollars. L’opération prendra la forme d’un échange d’actions au terme duquel Barrick détiendra 66% du groupe issu de la fusion et les actionnaires de Randgold, 34%. Il s’agira de la transaction la plus importante au sein du secteur depuis cinq ans. Barrick s’attelle depuis longtemps à réduire son endettement en se défaisant de certains actifs; alors qu’elle culminait à 13 milliards de dollars en 2013, sa dette nette s’établit aujourd’hui à 4,3 milliards. Mission accomplie, donc, mais non sans casse: il y a quelques années encore, le groupe produisait plus de 8 millions d’onces, un chiffre qui tombera sous les 5 millions en 2018. Les nouveaux projets ne déboucheront pas d’emblée sur une hausse (progressive) de la production. Avec plus de 6 millions d’onces produites, New Barrick redeviendra le numéro 1 du secteur. A 78 millions d’onces de réserves prouvées, il dépassera Newmont sur ce plan également.

Randgold est surtout actif en Afrique, où ses cinq mines produiront cette année 1,3-1,35 million d’onces. Ses cash-flows disponibles sont positifs et sa trésorerie nette s’établit à 600 millions de dollars. Le rendement du dividende s’élève à 2,6%, ce qui est supérieur à la moyenne. Mark Bristow, son CEO, dirigera New Barrick. L’opération sera soumise à l’approbation des actionnaires des deux groupes ce 5 novembre. Si tout se passe comme prévu, elle sera bouclée au premier trimestre de 2019. Rien ne permet toutefois de penser qu’elle fera des émules. Le cours ne s’est en tout cas pas envolé et les analystes formulent un certain nombre de critiques. Barrick a déjà des problèmes avec sa filiale Acacia Mining, active en Tanzanie: Randgold déposera dans la corbeille des troubles sociaux en Côte d’Ivoire, des incertitudes politiques en RDC et un litige fiscal au Mali. Ceci étant, New Barrick met la main sur des actifs prometteurs, comme Loulo Gounkoto et Kibali. Le groupe contrôlera également cinq des dix plus grands actifs “Tier1” du monde, c’est-à-dire des mines qui combinent une production annuelle d’au moins 500.000 onces troy d’or, une durée de vie commerciale de dix ans au minimum et des coûts de production réduits.

Recommandation d’achat

Nous recommandons l’achat de la plupart des actions des producteurs d’or, en raison de leur très faible valorisation et parce qu’une remontée du cours nous paraît probable. Mais le risque, surtout à court terme, demeure supérieur à la moyenne. L’investisseur qui souhaite diversifier en misant sur plusieurs actions peut opter pour un tracker. L’iShares Gold Shares ETF émis par BlackRock (ticker: IS0E) est liquide et son coût est peu élevé (0,55% par an). L’indice sous-jacent S&P Commodity Producers Gold compte 49 entreprises du secteur des mines d’or.

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