Une Bourse russe à prix plancher

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Sur les plans économique et financier, Moscou paie à prix fort son grand retour parmi les nations qui comptent: les bras de fer politico-militaires coûtent cher, alors que les sanctions internationales se maintiennent depuis des années.

C’est le 14 juin que sera donné le coup d’envoi de la Coupe du monde de football, dont l’attribution à la Russie a suscité son lot de controverses. Vladimir Poutine accorde énormément d’importance au prestige international de son pays. Il avait d’ailleurs largement délié les cordons de la bourse pour pouvoir accueillir les JO d’hiver de 2014, à l’occasion desquels la nation avait fait le plein de médailles.

Mais ce projet au coût exorbitant lui est revenu comme un boomerang dans le visage, au niveau international, du moins, à cause du dopage, d’une ampleur inédite, organisé par l’Etat. La Russie est donc depuis plusieurs années privée d’accès aux grandes compétitions internationales, et rien ne garantit son succès lors de la Coupe du monde de 2018.

Politique et économie

Poutine est sans conteste entré dans les anales de la Russie. Dès son arrivée au pouvoir, il y a une quinzaine d’années, il s’était fixé pour objectif de faire renaître son pays des cendres de l’URSS, et de lui restituer son statut de grande puissance. D’un point de vue politique et militaire, il a réussi (d’où, d’ailleurs, la popularité dont il jouit parmi ses concitoyens). La Russie est en effet de retour sur l’échiquier politique international. On le voit en Syrie, où elle est la plus fidèle alliée de Bachar el-Assad. Mais son action la plus spectaculaire reste l’annexion de la Crimée (Ukraine), après que Kiev se soit déclarée pro-UE. L’Occident s’est certes indigné, mais son ire n’a pas dépassé le stade des sanctions économiques. Son ingérence dans plusieurs campagnes électorales en Occident, en particulier aux USA, et sa probable tentative d’assassinat de l’espion Sergeï Skripal, prouvent en tout cas que Poutine n’est pas un enfant de choeur.

Sur les plans économique et financier, en revanche, Moscou paie ce grand retour à prix fort: les bras de fer politico-militaires coûtent cher, alors que les sanctions internationales se maintiennent depuis des années. Le pays, qui reste excessivement tributaire du pétrole et du gaz, n’a rien d’une grande puissance industrielle. Son PIB s’établit à 1.283 milliards de dollars, soit un niveau proche de celui du Benelux. Les sanctions économiques imposées fin 2014 (Crimée) et l’effondrement des cours du pétrole, en 2015 surtout, ont plongé l’économie dans une profonde récession. Il lui a fallu attendre un net redressement du prix de l’or noir (porté par les mesures de limitation de la production) pour renouer avec une croissance de 1,8%, là où l’inflation est de 1,3%. Selon les spécialistes, une économie aussi peu diversifiée est incapable d’enregistrer une croissance supérieure à 1-1,5% en moyenne. Certes, maints pays occidentaux matures ne font pas mieux, mais c’est oublier que la Russie reste un marché émergent, où l’espérance de vie est de 70 ans en moyenne.

Volatilité élevée

C’est pourquoi il n’y a pas grand-chose à attendre de l’évolution de la Bourse de Moscou. L’indice RTSI fluctue autour des 1.200 points, un niveau atteint en 2006 déjà, mais aussi un niveau moitié moins élevé que le sommet de 2008 et deux fois plus haut que ceux atteints fin 2014 (Crimée) et au début de 2016 (chute des prix du pétrole). L’extrême volatilité de la Bourse russe fait d’elle un terrain de jeu idéal pour les traders.

Ces deux dernières années ont donc été fructueuses pour les investisseurs – fructueuses, mais pas euphoriques: la valorisation moyenne compte même aujourd’hui parmi les plus faibles du monde. L’indice RTSI affiche un rapport cours/bénéfice escompté de 6,5 pour 2018 (7,5, sur la base des bénéfices de 2017). C’est bien moins de la moitié de la valorisation moyenne des Bourses américaines et européennes, mais moins aussi que celle des Bourses des autres pays émergents. En termes de rapports cours/chiffre d’affaires (1,1) et cours/valeur comptable (0,85), les titres russes sont tout aussi peu chers.

Pour les plus téméraires

De telles valorisations s’expliquent – par la faiblesse de l’industrie, le manque de diversification de l’économie, l’impact des prix du pétrole et du gaz sur la situation économique, les relations tendues avec l’Occident… Il est très possible enfin que les bénéfices des entreprises atteignent leur sommet cette année, si la hausse du cours du pétrole se confirme.

La Bourse de Moscou est décidément réservée à l’investisseur conscient des risques, qui a le sens du timing. Sa très faible valorisation lui laisse des marges de progression considérables, tant que rien ne suggère un essoufflement de la progression du cours du pétrole. Or celle-ci est plus proche de sa phase finale que de son entame. Nous ne recommandons pas les actions individuelles: mieux vaut opter pour des trackers, comme le Xtrackers MSCI Russia ETF.

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