Un secteur hôtelier en phase de transition

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Les grandes chaînes hôtelières ont loupé le train de l’Internet. Lorsqu’elles l’ont compris, il était trop tard: les centrales de réservation en ligne avaient une très nette longueur d’avance.

L’industrie hôtelière a beaucoup évolué ces dernières années, sous l’effet, notamment, de l’essor des centrales de réservation en ligne. Google lui-même se lance dans l’aventure: les internautes peuvent désormais réserver leur logement dans l’environnement Google et payer à l’aide de Google Pay. Airbnb permet de réserver directement des chambres, principalement chez des particuliers. La plateforme propose quelque 5 millions de locations dans 81.000 villes; aucun hôtel, au sens traditionnel du terme, n’avoisine ces chiffres. Le secteur est en pleine phase de transition.

Ce train de l’Internet loupé

Les centrales que sont notamment Booking.com, Expedia ou Trivago, contrôlent désormais la quasi-intégralité du segment des réservations en ligne. Les grandes chaînes hôtelières ont loupé le train de l’Internet. Lorsqu’elles l’ont compris, il était trop tard: les centrales avaient une très nette longueur d’avance. Leurs sites sont plus conviviaux que ceux, désuets, des hôtels. Qui plus est, elles proposent des chambres aux quatre coins du monde. Le secteur hôtelier ne peut donc plus se passer d’elles – une relation amour-haine est née.

L’essor des centrales a écorné les marges bénéficiaires du secteur hôtelier. Qui, faisant contre mauvaise fortune bon coeur, reconnaît qu’elles contribuent à la croissance du marché. Elles rendent la réservation de chambres toujours plus simple, plus rapide, voire plus abordable.

14 milliards de dollars, zéro hôtel

Booking.com ne possède pas d’hôtels et pourtant, il dégagera cette année un chiffre d’affaires plus que plantureux. Fondé en 1996 à Amsterdam, le groupe est aujourd’hui l’un des plus grands vendeurs virtuels de voyages au monde. Il facilite les réservations dans près de deux millions d’hôtels, répartis dans 228 pays. Il propose en outre des maisons de vacances et des B&B, des hébergements cinq étoiles, des cabanes dans les bois, voire des igloos. Plus de 1.550.000 nuitées sont réservées quotidiennement sur la plateforme. Là, point de frais de réservation ou d’annulation: Booking.com vit des commissions rétrocédées par les hôtels. Ceux-ci essaient d’y échapper, mais la part de marché de la centrale est si importante que refuser d’entrer dans le jeu reviendrait à se tirer une balle dans le pied.

Booking.com est une filiale de Booking HoldingsInc., coté au Nasdaq. Le cours du holding a bondi de 1.521% en l’espace de dix ans, et gagné 20% encore depuis le début de l’année. La barre est donc placée haut. Le groupe prévoit de réaliser en 2018 un chiffre d’affaires de 14,5 milliards de dollars, pour un bénéfice net de 4 milliards, soit 85 dollars par action et un rapport cours/bénéfice (C/B) de 25. Ce n’est pas rien… Mais pour une valeur de croissance comme Booking, ce n’est pas non plus excessif. D’autant que la progression devrait demeurer constante ces prochaines années.

De grands noms

Hilton est l’une des chaînes hôtelières les plus connues. Fondé en 1919 par Conrad Hilton, qui a par ailleurs donné son prénom au groupe Conrad Hotels, l’empire compte désormais de nombreux autres établissements encore (plus de 550 dans le monde), dont le Waldorf Astoria et le Curio Collection. Les actions de Hilton Worldwide, le holding faîtier, s’échangent en Bourse de New York. Si elles se sont bien comportées ces douze derniers mois (+25%), leur évolution sur cinq ans est plus capricieuse; elles coûtaient à l’époque 65 dollars, contre 82 aujourd’hui, soit une progression de 25,5% seulement.

Hilton prévoit de réaliser cette année un chiffre d’affaires de 9,5 milliards de dollars, pour un bénéfice net de 900 millions – des résultats nettement inférieurs à ceux de Booking.com. Mais les actionnaires de Hilton peuvent prétendre à un (modeste) dividende de 0,60 dollar brut (0,70% de rendement), alors que ceux de Booking n’en sont pas encore là. A un rapport C/B de 31, l’action Hilton est, à l’instar de la marque, onéreuse.

Autres grandes enseignes américaines

Les actionnaires de Hyatt Hotels peuvent compter cette année sur un dividende similaire à celui payé par Hilton. Les 750 hôtels et plus dont Hyatt est propriétaire dans 50 pays ont généré quelque 4,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires, contre 4,6 milliards au cours de l’exercice précédent. Le rapport C/B escompté pour 2018 est supérieur à 40, ce qui est extrêmement élevé pour une entreprise qui existe depuis plus de 50 ans, difficilement classable parmi les valeurs de croissance.

La chaîne Marriott propose des marques telles que Westin, Renaissance Hotels, Le Méridien, Delta Hotels et Gaylord Hotels. Tout a commencé en 1927, à Washington D.C., avec le bar puis les restaurants Hot Shoppes du couple J. Willard Marriott. Dix ans plus tard, les Hot Shoppes livraient des repas dans les avions, offrant une sorte de service de restauration de bord avant la lettre. Entré en Bourse en 1953, Marriott faisait ses premiers pas dans le secteur hôtelier quatre ans plus tard. La croissance a toujours été au rendez-vous. Avec plus de 5.700 propriétés, un million de chambres et 30 marques répartis dans plus de 110 pays, Marriott est la plus grande chaîne hôtelière au monde.

Le groupe réalise près de 23 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Son bénéfice net frôlera cette année deux milliards de dollars. Près d’un tiers du bénéfice est versé sous la forme de dividende, soit, au cours actuel, un rendement légèrement supérieur à 1%. A un rapport C/B de 25, le titre n’est pas bon marché, mais Marriott est une action de qualité, qui fluctue peu.

En Europe aussi

Plusieurs chaînes européennes sont, elles aussi, cotées en Bourse. C’est le cas de Scandic Hotels. Outre ses établissements en Suède, en Norvège, en Finlande et au Danemark, le groupe gère des implantations en Belgique, aux Pays-Bas, en Estonie, en Lituanie, en Allemagne et en Pologne. Sa jeune existence n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Le groupe Hilton l’a racheté en 2001, pour le revendre quelques années plus tard; il est actuellement majoritairement détenu par l’investisseur en private equity suédois EQT.

Scandic a acté l’an dernier un chiffre d’affaires de 14,5 milliards de couronnes suédoises (SEK) et un bénéfice net de 700 millions SEK. Pour cette année, la direction annonce un dividende de 1,7 SEK, soit plus de 4% de rendement. A un rapport C/B de 12, Scandic Hotels compte parmi les actions les moins chères du secteur.

Plus connu en Belgique, le groupe Accor se compose des branches Accor Services (Tickets Restaurant, notamment) et AccorHotels, dont l’offre va d’hôtels à petit budget (Ibis Budget, Formule 1) à des marques de grand luxe comme Pullman et Sofitel en passant par des établissements étoilés (Novotel, Mercure).

Ces 4.300 hôtels, qui emploient 250.000 personnes, réaliseront en 2018 un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros et un bénéfice net de 380 millions d’euros. Au cours actuel, le rendement du dividende s’élève à 2%. Si Accor dégage cette année le bénéfice de 1,33 euro par action escompté, son rapport C/B atteindra 33, ce qui est considérable. La situation ne changera que l’an prochain. Nous suggérons d’attendre avant d’acquérir le titre.

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