Danny Reweghs

Tirer profit de l’hystérie collective

Danny Reweghs Journaliste

Lorsque des rendements hors normes s’enchaînent pendant des années, le risque est sans surprise supérieur à la moyenne; toute correction des marchés est alors immédiatement perceptible. L’action Sofina illustre parfaitement ce phénomène.

L’évolution de l’action Sofina ces six derniers mois est un parfait exemple de la façon dont la psychologie de l’investisseur fonctionne et fluctue. De cygne admiré, Sofina s’est en très peu de temps transformée en vilain petit canard.

On voit une fois de plus qu’il est extrêmement dangereux de trop miser sur des actions phares. A 400 euros et plus, il était quasiment impossible de dissuader les investisseurs d’acheter; aujourd’hui, alors que Sofina est deux fois moins chère, il est chimérique de tenter de les convaincre de se positionner. En chutant comme il vient de le faire, le titre est, de loin, le moins performant de l’indice Bel 20. Ce qui ne l’a pas empêché d’assurer un rendement total (hausse du cours + dividendes) de 357%, soit un superbe 16,4% par an en moyenne, ces 10 dernières années. C’est 194% de plus que le Bel 20 (10,1% par an) et bien plus qu’Ackermans & van Haaren (209% de rendement) et GBL (146%), les autres grands holdings belges. Seul Brederode a fait mieux (469%, ou 18,9% par an).

Brederode et Sofina doivent cette capacité à battre les indices et les autres sociétés de portefeuille à leur forte présence dans le private equity (sociétés non cotées), par le biais de participations dans des sociétés individuelles et dans des fonds et des compagnies spécialisés – il s’agit souvent de jeunes entreprises en pleine croissance issues du monde de la tech. Or lorsque des rendements hors normes s’enchaînent pendant si longtemps, le risque est sans surprise supérieur à la moyenne; toute correction des marchés est alors immédiatement perceptible.

De +30% à -30%

Si l’inévitable recul s’est transformé en chute libre pour Sofina, c’est que deux éléments se sont ajoutés à l’équation. Un: il est brusquement apparu que toutes les entreprises n’affichaient pas une croissance aussi résolue qu’on le pensait. Souvenons-nous de l’implosion du cours du spécialiste britannique du commerce électronique The Hut Group et, plus récemment, de l’agitation provoquée par les révélations de la BBC, entre autres, au sujet des pratiques de vente douteuses de la société indienne d’apprentissage en ligne Byju. Le short seller Fraser Perring a récemment accusé Sofina d’être largement surévaluée. Précisons que sur la base du cours actuel du holding, le marché a de facto fait tomber Byju à zéro.

Deux: la surévaluation de Sofina au début de 2022. Alors que le titre avait été plombé des années durant par une décote de 30% à 40%, le battage à son sujet et au sujet du private equity l’a fait grimper à 30% au-dessus de sa valeur intrinsèque (NAV). Six mois plus tard, le holding de la famille Boël est retombé à 30% environ sous sa NAV. Guidés non pas par des émotions, mais par les chiffres, nous avons sérieusement accru notre exposition.

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