Quand de petits investisseurs défient les grands

Une guerre d'investisseurs fait dérailler le tite GameStop
Danny Reweghs
Danny Reweghs Journaliste

Récemment, l’action d’une entreprise en difficulté, GameStop, s’est envolée. Et ce n’est pas la seule. Des particuliers ont ainsi déstabilisé de grands acteurs de la finance (des professionnels de la vente à découvert). Résultat: les marchés financiers ont corrigé.

La semaine passée, c’est GameStop qui a bénéficié la première d’un rassemblement (virtuel) exceptionnel d’investisseurs particuliers visant à contrer les professionnels de la vente à découvert. Elle consiste à vendre un actif qu’on ne détient pas encore – pour pouvoir le livrer (des actions, par exemple), on l’emprunte, généralement à des investisseurs institutionnels (assureurs, fonds de pension, etc.) -, dans le but de réaliser un profit en l’achetant à un prix plus attrayant.

Cette entreprise qui distribue des jeux vidéo et produits électroniques uniquement dans ses boutiques physiques était, à l’instar de nombreuses autres, déjà à la peine depuis quelques années face à l’essor des ventes en ligne, quand la pandémie a éclaté. Son action a donc été l’objet de ventes à découvert, entre autres par les fonds Citron Research et Melvin Capital. Andrew Left, le fondateur du premier, avait déclaré publiquement que GameStop redescendrait à ses planchers et qu’il valait mieux en vendre les titres à temps. Une déclaration qui a fait réagir les fans de jeux parmi les adeptes d’un forum boursier très fréquenté hébergé par Reddit.

Pour faire un pied de nez à ces spéculateurs à la baisse, ils ont appelé les internautes à acheter l’action, en vue d’en soutenir le cours. Et le titre de monter en flèche, si bien que les vendeurs à découvert n’ont pas pu tenir leurs positions; pour limiter leurs pertes, ils ont été contraints de racheter, plus cher, les actions, ce qui, mécaniquement, a accru le rebond. Ainsi le cours de l’action d’une entreprise en difficulté a-t-il gagné quelques centaines de pour cent (depuis le début de l’année).

Une saine correction

Tel est pris qui croyait prendre, jubileront certains. Sauf que l’histoire ne s’arrête pas là.

Les cours des actions d’entreprises en difficulté ont bondi, au détriment de valeurs de qualité.

Rapidement, une série d’autres actions faisant l’objet de spéculations à la baisse, comme celles d’AMC Entertainment (un exploitant de cinémas peinant à joindre les deux bouts), ont été rachetées massivement par des investisseurs particuliers. Leurs cours se sont envolés (+300% en une journée, pour AMC). Pour couvrir leurs pertes, les professionnels de la finance n’ont eu d’autre choix que de se délester d’autres actifs (actions, métaux précieux, cryptomonnaies) – une situation comparable à celle de mars 2020, où les appels de marge se multipliaient. Quant à la horde d’investisseurs revanchards, elle finira bien sûr par vouloir empocher ses bénéfices. En d’autres termes, un grand nombre d’actions (surévaluées) va perdre beaucoup de valeur en peu de temps.

La revente de leurs actifs par les grands acteurs de la finance a provoqué une correction sur les marchés financiers, plus nette sur les marchés d’actions. Une correction bienvenue et saine, cela dit, car, portés par les bons taux d’efficacité des vaccins contre le Covid-19, les cours n’avaient cessé de grimper.

Les temps sont durs, pour les partisans de la théorie de l’efficience des marchés.

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