Net redressement des actions des mines d’or en vue

L’or et les actions liées sont victimes des appels de marge, mais il ne s’agit là que d’une situation provisoire. L’or et les actions minières se redressent traditionnellement (beaucoup) plus rapidement que le marché.

Nos lecteurs s’interrogent sur l’effondrement, dans le sillage de celui des Bourses, des cours des métaux précieux, et particulièrement des actions des mines d’or et d’argent, et sur la raison pour laquelle ces actifs n’assurent pas leur rôle de protection des portefeuilles. Si la situation des actions des mines d’or est certes très exceptionnelle, elle n’est pas totalement inédite. Rien qu’au 21e siècle, ces titres ont violemment chuté trois fois au moins. Pour se relever spectaculairement ensuite.

Appels de marge

L’or plonge avec les marchés et entraîne les actions minières dans sa chute. Le même phénomène s’était produit en 2001 et en 2008. Notez toutefois que l’or a beaucoup moins reculé que les indices d’actions et les matières premières et qu’il affiche même un gain de plusieurs pour cent en euro depuis le début de l’année. L’or et les actions liées sont pour l’instant victimes des appels de marge. Leur cours est en effet fixé sur les marchés à terme, où se négocient les contrats futures. Les fonds spéculatifs, entre autres, utilisent sur ces marchés des leviers, qui leur permettent de ne verser qu’une fraction du prix de l’actif (la “marge”) et d'”emprunter” le reste. Or si la valeur sous-jacente n’évolue pas dans le sens escompté, le levier amplifie les pertes et l’investisseur doit accroître la garantie constituée (l'”appel de marge”); il procède pour ce faire à des ventes de titres liquides sur l’or, comme des contrats à terme et des actions.

Redressement rapide

Voyons comment évoluent deux grands indices de mines d’or depuis la crise de 2008.

Période

Indice Van Eck Vectors Gold Miners (GDX)

Indice NYSE Arca Gold Bugs (HUI)

Oct. 2008

16,37

151,57

Mars 2009

37,37

343,27

Sept. 2011

66,63

635,11

Jan. 2016

12,47

99,2

Mars 2020

21,93

177,05

L’or et les actions minières se redressent (beaucoup) plus rapidement que le marché. En 2008, l’or avait cédé 30% entre son sommet (1.000 dollars) et son plancher (700); quatre mois plus tard, la perte était comblée. Si les actions des mines d’or ont atteint leur niveau plancher le 27 octobre 2008, leur cours était multiplié par deux dès mars 2009, puis par deux à nouveau en septembre 2011. A la même époque, l’or atteignait un sommet. Plus tard, quelques semaines à peine après que le cours de l’or eut baissé juste au-dessus des 1.000 dollars, les mines d’or ont chuté à leur plus bas niveau depuis 2001. Remarquez que tant pour le GDX que pour le HUI, le plancher de 2016 est nettement en deçà de celui de 2008. Aujourd’hui, l’or flirte avec les 1.500 dollars, alors que le GDX et le HUI ont cédé un peu plus d’un tiers depuis la fin février; avec des fluctuations de 20% à 25% d’un jour à l’autre, leur volatilité est extrême.

Optez pour la qualité

La pandémie n’épargnera pas le secteur. Même des mines non fermées pourraient ne pas pouvoir rembourser leurs dettes et investir comme elles le devraient. Les grands groupes (largement représentés dans le GDX) ont une longueur d’avance sur ce plan – leur diversification géographique leur permettra peut-être de ne pas interrompre la production partout au même moment. Ils sont de surcroît généralement relativement solides financièrement.

Après le passage, l’été dernier, du cours de l’or au-dessus de la résistance technique à 1.370 dollars, les producteurs ont enchaîné des résultats trimestriels satisfaisants. Au 4e trimestre, l’or a atteint 1.483 dollars en moyenne, alors que le coût de production des entreprises constitutives du GDX s’établissait à 942 dollars; la marge est donc de 541 dollars en moyenne, en hausse de près de 60% en un an. Le récent recul du cours du pétrole va en outre considérablement alléger les coûts.

L’or s’étant négocié à plus de 1.500 dollars pendant la majeure partie du 1er trimestre de 2020, les effets de la pandémie, par rapport au 4e trimestre, seront limités. Il n’y a donc aucune raison de paniquer. D’autant que l’or devrait repartir à la hausse, à présent que les stimuli monétaires et fiscaux vont recommencer à gonfler les bilans des banques centrales et que les déficits budgétaires vont faire exploser les dettes publiques.

Les grands groupes miniers ont une longueur d’avance, en cette période de pandémie.

Quatre producteurs

Parmi les nombreux grands producteurs d’or, nous avons choisi de vous en présenter quatre, aux caractéristiques très spécifiques.

Newmont Mining: le plus grand

Depuis qu’il a acquis Goldcorp, il y a un an, Newmont est le plus grand producteur d’or au monde. Présent sur tous les continents, il a extrait 6,3 millions d’onces, pour un coût de 966 dollars l’once, en 2019. Il a vendu divers actifs excédentaires et enregistré plusieurs dépréciations, pour pouvoir entamer 2020 sur de bonnes bases. Sa production va se stabiliser à 6,2-6,7 millions d’onces ces prochaines années. Les prévisions font état pour 2020 de 6,3 millions d’onces, mais c’est sans tenir compte de la crise sanitaire. Pour l’instant, seule la mine de Yanacoccha, au Pérou (3% de la production totale), est fermée sur ordre du gouvernement. Le principal atout du groupe réside dans ses 100 millions d’onces de réserves potentielles, les plus abondantes du secteur. Newmont affiche un endettement net de 4,6 milliards de dollars, soit 1,2 fois le cash-flow opérationnel (Ebitda).

Barrick Gold: le moins endetté

C’est Barrick qui avait entamé, fin 2018, la vague de consolidation des mines. L’acquisition de Randgold l’avait d’ailleurs propulsé d’emblée au rang de premier producteur mondial. Avec 5,47 millions d’onces extraites, il n’a été précédé l’an dernier que par Newmont. Barrick est aussi le groupe au coût de production le plus bas (894 dollars l’once en moyenne). Ses réserves potentielles atteignent 71 millions d’onces. La vente de quelques participations va faire baisser la production à 4,8-5,2 millions d’onces cette année. Son endettement net s’élève à 2,2 milliards de dollars, soit 0,5 fois l’Ebitda: aucun de ses grands concurrents ne fait mieux.

Kinross Gold: le moins cher

En produisant 2,51 millions d’onces en 2019, Kinross a rompu avec la tendance baissière. Ses mines étant situées aux Etats-Unis, au Brésil, en Afrique de l’Ouest et en Russie, sa répartition géographique est parfaite. De 983 dollars l’once en moyenne, son coût de production devrait passer à 970 dollars cette année. La production reculera légèrement, à 2,4 millions d’onces, avant de se stabiliser autour de 2,5 millions d’onces ensuite. L’accélération des cash-flows a fait s’envoler la trésorerie de 65% en 2019; simultanément, la dette tombait à 1,3 milliard de dollars (0,9 fois l’Ebitda). La fermeture du siège central du groupe et celle de la mine russe de Kupol, l’un et l’autre contaminés par le Covid-19, ont fait perdre à l’action 40% depuis février et ramené la valorisation à moins d’une fois la valeur comptable, le chiffre le plus bas du secteur.

Gold Fields: stratégie de couverture

Gold Fields, dont deux nouvelles mines sont entrées en service, a vu sa production augmenter de 8%, à 2,2 millions d’onces, l’an dernier. La production atteindra cette année 2,3 millions d’onces, pour un coût de 920-940 dollars. La valeur des réserves dépasse les 50 millions de dollars, dont près de 30 millions sont concentrés à South Deep, problématique. La dette est tombée l’an dernier à 1,6 milliard de dollars (1,3 fois l’Ebitda). Le potentiel de croissance organique est élevé, mais le groupe, qui privilégie une stratégie de couverture, a d’ores et déjà vendu une partie de sa production de 2020; il ne pourra donc pas profiter pleinement de la remontée du cours de l’or.

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