Marchés tourmentés

Jamais les banquiers centraux anglo-saxons n’avaient imaginé que leurs propos irréfléchis causeraient de telles calamités. Le chaos et l’incertitude prévalent sur les marchés. La situation est explosive et pourrait dégénérer. Le marché des changes en est la principale victime.

Officiellement, nous devons être persuadés que les monnaies les plus affectées sont celles des pays enregistrant le plus fort déficit commercial. Personne ne remarque que ces pays les enregistraient déjà naguère et que cela ne posait pas de problème. L’explication ne vaut donc rien.

Quand les banques centrales occidentales ont commencé à déverser des liquidités en profusion, une large partie s’est engouffrée dans ces pays. On se rappellera les propos incendiaires de Guido Mantega, le ministre des Finances brésilien, pointant la Banque centrale américaine du doigt, l’accusant de propulser le réal (BRL) vers des sommets inégalés. Il avait parfaitement raison. Les spéculateurs occidentaux profitaient effectivement du différentiel des taux d’intérêt entre le dollar (et les autres devises occidentales) et les devises à haut rendement. Ils ont soustrait via leur carry trades les richesses de ces pays pour leur unique profit.

Aujourd’hui, dans la perspective d’un revirement de la politique monétaire menée, ils rapatrient leurs avoirs, causant l’effondrement du cours de ces devises. Le phénomène n’a donc rien à voir avec les déficits des balances commerciales ou tout autre facteur macroéconomique. Il est d’origine spéculative. Le tassement de ces devises est donc temporaire. Qu’il affectera les relations commerciales dans l’avenir ne fait aucun doute. Mais la victime ultime ne sera personne d’autre que le dollar.

Le ravage était impressionnant la semaine dernière. La majorité des devises affectées se sont toutefois redressées en fin de semaine. Les pertes restaient néanmoins importantes. Une énumération : le dollar néo-zélandais (NZD) : -4%, la lire turque (TRY) : -3%, le rand sud-africain (ZAR) : -2,6%, le réal brésilien (BRL) : -2,3%, le dollar australien (AUD) : -2,3%, le peso mexicain (MXN) : -1,9% et le rouble russe (RUB) : -0,6%. Certaines devises occidentales n’étaient pas mieux loties, comme la couronne norvégienne (NOK) et le dollar canadien (CAD) perdant 2,4%, le yen japonais (JPY) : -1,75% ou la livre sterling (GBP) : -0,6%.

Les taux d’intérêt ont atteint leur plus haut niveau depuis un an en USD et en EUR. En dépit des propos conciliants des banques centrales, ils continuent de progresser. Ce qui alimentera le chaos pour un certain temps encore. Surtout depuis qu’on se rend compte que les améliorations conjoncturelles ne représentent pas grand-chose. Elles proviennent de valorisations plutôt que de croissance. Ainsi, en Europe, l’amélioration insignifiante est due à une augmentation de la consommation (provenant d’une hausse des prix et non des volumes) et des stocks. Des facteurs qui ne présagent aucun redressement durable.

Dans pareilles circonstances, il est clair que les banques centrales occidentales ne pourront pas changer leur fusil d’épaule prochainement. Sans quoi tout s’effondrerait. Même le Fonds monétaire international en est conscient et se tient prêt à toute intervention. Lors de leur réunion annuelle à Jackson Hole, les banquiers centraux réunis ont tous affirmé la poursuite de leur politique actuelle. Il n’existe pas d’alternative à ce jour. A moins d’abandonner les banques à leur triste sort.

Le danger se concrétise au fil du temps. La notation des huit principales banques américaines (Bank of America, Bank of New York Mellon, Citigroup, Goldman Sachs, JPMorgan Chase, Morgan Stanley, State Street et Wells Fargo) va prochainement être revue à la baisse par l’agence Moody’s. Certaines d’entre elles doivent en outre faire face à des poursuites judiciaires pour malversations et manipulations de cotations. Les banques européennes se tiennent coites dans l’intervalle. Ce qui ne les empêche pas de manoeuvrer en coulisse afin de redresser leurs comptes. BNP Paribas, par exemple, veut se débarrasser de son département de matières premières pour soulager son bilan. La Société Générale, de son côté, s’apprête à augmenter son capital par le biais d’un emprunt. Il s’agirait d’une obligation de durée indéterminée, doublement subordonnée, dotée d’un coupon particulièrement attrayant, qui serait automatiquement convertie en actions dès que le rapport des fonds propres et des engagements baisserait sous un seuil déterminé. La banque espère rencontrer le succès. Ce qui est loin d’être acquis.

Le marché obligataire international reste dans la tourmente. Les retours de ces douze derniers mois ont tous viré au rouge. La hausse des taux d’intérêt affecte quasiment tous les titres. Seuls ceux de pacotille limitent la casse, sans afficher de profits substantiels. Notons la chute des obligations en EUR des cimentiers, toutes nationalités confondues. Les souveraines des pays émergents ont chuté en USD.

L’activité sur le marché primaire s’est quelque peu tassée. La hausse continue des taux d’intérêt complique le placement des nouvelles émissions. Plusieurs émetteurs préfèrent présenter de nouvelles tranches à des conditions proches de celles prévalant sur le marché secondaire. La BEI (AAA, supranationale) est même parvenue à augmenter sa tranche initiale de 300 à 450 millions d’euros. La tranche existante s’échange cependant contre 96,94% (1,68%) sur le marché secondaire. La compagnie aérienne finlandaise Finnair (sans notation) émet 150 millions d’euros à 5 ans. Le titre cotera à la Bourse d’Helsinki. Il rapporte 3,57% de plus que la moyenne du marché. Il s’adresse aux investisseurs fortunés.

La nouvelle tranche de la BEI en TRY semble bon marché. Il n’en est rien. Une TRY à 5 ans doit rapporter 9% au moins. Nous vous renvoyons à l’alternative (alt.4) qui reste plus avantageuse tant que frais et différence de prix ne dépassent pas 4,69%. Le titre ne s’adresse qu’à ceux qui doivent apurer une perte de change. Les deux émissions en AUD sont techniquement correctes. On trouve cependant mieux sur le marché secondaire. VW (A-) en NOK est trop chère. Achetez-la sur le marché gris à 99,62% (alt.3) tant que frais et différence de prix n’excèdent pas 1,36% ou optez pour une autre obligation disponible sur le marché secondaire.

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