Les SIR, pas toutes logées à la même enseigne

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Les confinements n’ont pas touché uniformément tous les segments – l’immobilier logistique, par exemple, sort même renforcé de la pandémie. Vu le rythme du vieillissement de la population en Europe, l’immobilier de soins a encore de beaux jours devant lui. A l’autre bout du spectre, l’immobilier de bureau et l’immobilier commercial paient un très lourd tribut à la crise.

Pour bénéficier d’un régime fiscal avantageux, les sociétés immobilières réglementées (SIR, ex-SICAV) doivent distribuer chaque année aux actionnaires 80% au moins de leurs bénéfices (courants). Leurs dividendes élevés et souvent orientés à la hausse ont fait des SIR des investissements très prisés au fil des ans, l’immobilier “papier” offrant une intéressante solution de rechange aux obligations. Les rendements moyens (hausse du cours + dividende) des SIR ont largement dépassé ce qu’a pu rapporter un investissement dans l’indice Bel 20.

La crise sanitaire a toutefois frappé la plupart des SIR de plein fouet. La liste des rendements des 12 derniers mois montre que sur les 17 SIR cotées depuis un certain temps sur Euronext Bruxelles (Inclusio, acteur résidentiel à vocation sociale, ne l’est que depuis la mi-décembre), seule Retail Estates a réussi à obtenir un rendement supérieur à celui de l’indice de référence belge (39,4%, contre 35,9%). A 9,8%, la moyenne est bien loin de la performance du Bel 20. Cinq des 17 SIR se négocient encore à un niveau inférieur à celui atteint il y a un an, ce qui signifie qu’elles ne se sont pas encore remises de la crise. Certaines sociétés ont du reste sabré dans le dividende au cours du dernier exercice. Grâce en partie à la moindre performance des cours, le rendement brut moyen des dividendes annoncés pour l’exercice le plus récent (généralement, 2020) affiche néanmoins toujours un appréciable 6,14%, soit bien plus que les rendements obligataires, les 8,9% de Wereldhave Belgium se distinguant particulièrement. A 2,8%, Warehouses De Pauw (WDP) a le rendement en dividende le plus faible.

La pandémie a également pesé sur les valorisations moyennes. Dix des 17 SIR s’échangent actuellement sous leur valeur nette d’inventaire (VNI, ou valeur intrinsèque), un niveau que la plupart d’entre elles avaient pourtant dépassé des années durant. Portée par quelques exceptions, comme WDP, la moyenne s’établit à 1,04 fois. Forte de son solide plan de croissance, cette société du Bel 20 se négocie toujours au double de sa VNI. Il importe de savoir précisément dans quoi chaque SIR est investie, car ce paramètre pourra influencer considérablement le rendement des investissements immobiliers au cours des années qui viennent.

La logistique, gagnante

La crise n’a pas touché uniformément tous les segments – l’immobilier logistique, par exemple, en sort même renforcé. L’essor du commerce électronique avait déjà engendré une croissance structurelle de la demande de capacités de stockage des marchandises, que la pandémie a fait exploser. WDP et Montea sont pour nous les grandes gagnantes au sein de ce segment. Elles sont en mesure d’exécuter pleinement leurs plans de croissance, affichent des taux d’occupation très élevés et vont pouvoir augmenter leur dividende ces prochaines années. La situation sanitaire a souligné l’importance du secteur logistique. Le passage de 1,5 à 2 milliards d’euros du volume des investissements de WDP d’ici à la fin de 2023 devrait porter le bénéfice à 1,25 euro par action un an plus tard (le bénéfice avait grimpé à 1 euro en 2020). Intervest Offices & Warehouses est en partie actif dans ce même secteur.

L’immobilier de soins reste lui aussi orienté à la hausse. Le vieillissement de la population intensifie la demande de chambres en maisons de retraite, d’appartements de service et de séjours en établissements de soins. Les bâtiments sont généralement loués pour de longues durées (plus de 20 ans) et le risque de vacance est limité. L’image des maisons de repos et de soins a certes considérablement souffert de la première vague de la pandémie, en raison de la contagiosité élevée et du nombre de décès qu’elles ont eu à déplorer. La surmortalité freine pour l’instant l’expansion du secteur mais à long terme, les perspectives restent résolument favorables. La proportion des habitants âgés de 80 ans ou plus devrait par exemple augmenter de plus de 120% dans l’Union européenne d’ici à 2050, pour atteindre 57,5 millions de personnes, une tendance qui soutiendra la demande d’immobilier de soins. Actif en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Finlande, en Suède et, depuis quelque temps, en Irlande, Aedifica est un acteur européen majeur dans ce secteur. Beaucoup plus petit, Care Property Invest est présent en Belgique (principalement en Flandre) et un peu aux Pays-Bas. Cofinimmo est un cas particulier. Longtemps exclusivement concentré sur les bureaux, il a entamé il y a plusieurs années un glissement vers l’immobilier de soins qui, devenu son pôle de croissance, s’étend désormais en dehors de la Belgique également. La part de l’immobilier de soins dans son portefeuille approche les 60%; à partir de là, le précompte mobilier sur les dividendes ne serait plus que de 15%, ce qui signifie que l’investisseur aurait un montant plus élevé en poche.

L’immobilier résidentiel est probablement celui que la crise sanitaire affecte le moins. La situation n’a par exemple aucun effet sur Home Invest Belgium. Actif, et très prisé, dans le créneau des résidences étudiantes, Xior se tourne de plus en plus vers l’international (Espagne, Portugal). Ce type de biens a peu souffert de la pandémie, même si les étudiants ont plutôt déserté leur chambre pendant cette année universitaire. C’est d’ailleurs pourquoi la direction de Xior a décidé l’an passé d’offrir à ses étudiants belges un rabais de 10% sur le loyer des mois d’avril et de mai 2020; elle tente également, de la sorte, de lutter contre le défaut de paiement.

Bureaux et commerces

C’est l’immobilier de bureau qui paie le plus lourd tribut à la crise. Au lieu d’être proposé à raison d’un jour ou deux par semaine, le télétravail est subitement devenu obligatoire. A présent que le pli est plus ou moins pris, les entreprises risquent d’avoir besoin de moins de superficies de bureaux. Pour les actionnaires de Befimmo, la pandémie est un véritable cauchemar. L’action a plongé de 40% environ et le dividende est passé de 3,45 euros brut par action au titre de l’exercice 2019 à 2,25 euros pour 2020. Le cours a plongé à 40% sous la valeur intrinsèque. Le marché craint d’autres dévalorisations ou, à terme, de nouvelles diminutions de dividendes.

L’immobilier commercial est le plus durement frappé. Lui qui souffre depuis des années de la concurrence du commerce électronique vit de surcroît au rythme des confinements depuis plus d’un an. Qui a actuellement envie de faire du lèche-vitrine? Le chiffre d’affaires des magasins dégringole, l’immobilier de détail s’en ressent. Aux réductions de loyer initiales sont venus s’ajouter un certain nombre de défauts de paiement et même, de faillites, parmi les locataires. Tous les opérateurs du secteur s’échangent sous leur valeur intrinsèque et le marché craint que les magasins et les centres commerciaux ne restent vides pour longtemps. A 7%, voire à près de 9% pour Wereldhave Belgium, les rendements en dividende demeurent élevés, mais les investisseurs appréhendent des reculs. A moins que tout le monde ne retourne faire du shopping quand la campagne de vaccination sera suffisamment avancée.

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