Les SIR, diversement affectées

© GettyImages

La crise frappera différemment les divers segments, mais il est probable que bien des dividendes seront revus à la baisse. C’est l’immobilier commercial qui souffrira le plus.

Les sociétés immobilières réglementées (SIR) sont ces ex-SICAF immobilières qui, parce qu’elles distribuent chaque année 80% au moins de leur produit net aux actionnaires, font l’objet d’un régime fiscal avantageux. Ce sont précisément leurs dividendes élevés et, souvent, croissants, qui rendent la plupart des SIR si populaires. Elles sont fréquemment mises sur un même pied que les obligations.

Aidées par le recul historique des taux d’intérêt, la plupart des SIR achèvent la décennie sur des résultats satisfaisants, voire excellents. Simultanément, leurs titres affichent des performances (bien) supérieures à celles de l’indice Bel 20 – leur rendement s’est élevé à 10% l’an en moyenne au cours des 10 dernières années. Mais la chute des marchés provoquée par l’épidémie de Covid-19 a effrayé cette fois jusqu’aux investisseurs en SIR; les cours de ces immobilières ont été entraînés par le recul généralisé et le redressement qui a suivi n’a pas été également vigoureux chez toutes. Si la crise frappera différemment les divers segments (il est plus que jamais crucial de bien connaître la composition du portefeuille de la SIR dans laquelle on investit), il est probable que bien des dividendes seront revus à la baisse.

Nets écarts

Des 17 SIR cotées en Bourse, 11 ont (temporairement) plongé sous la valeur intrinsèque la plus récemment publiée (NAV, soit le résultat de la division de la valeur totale des biens en portefeuille par le nombre d’actions), ce qui n’était plus arrivé depuis des années. Faut-il dès lors acheter? Ce n’est pas si simple. Les résultats de nombre de SIR vont bel et bien être affectés par la situation et les valeurs intrinsèques pourront être, fin 2020, en baisse par rapport à 2019. Mais si certaines sociétés sont spécialisées dans l’immobilier de bureaux ou l’immobilier commercial, d’autres sont actives dans le résidentiel (de soins), d’autres encore dans la logistique ou les logements pour étudiants (Xior); le choc ne sera donc pas identique partout.

Immobilier commercial

Le segment le plus durement touché sera celui de l’immobilier commercial, qui souffre de surcroît depuis des années de la concurrence du commerce virtuel. Obligatoirement fermés, les magasins paieront un lourd tribut à la crise. Les commerçants ont d’ailleurs commencé à réclamer des baisses de loyer et autres reports. Il est certain que les retards de paiement, voire les faillites de locataires, vont se multiplier.

Wereldhave Belgium et Retail Estates ont été les premiers à évoquer les effets de la crise sur leurs chiffres et leurs investissements. L’immobilier de bureaux pourrait lui aussi souffrir d’une baisse des résultats des locataires. Porté par l’explosion des ventes en ligne, l’immobilier (purement) logistique devrait, lui, se maintenir; en revanche, la grande distribution éprouve parfois des difficultés à fonctionner.

C’est peut-être le segment résidentiel qui s’en sortira le plus honorablement. Xior ne prévoit pas d’interruption du paiement des loyers – malgré la fermeture généralisée des universités européennes, les baux continuent de courir -, même si certains parents ont d’ores et déjà sollicité une suspension. Pour essayer d’éviter les retards de paiement, Xior accordera à ses clients belges une réduction de 10% sur les loyers des mois d’avril et de mai. Les résultats de l’exercice s’en ressentiront évidemment. Pour l’année académique 2020-2021, la société misera pleinement sur les visites virtuelles et les plateformes de location en ligne; les premiers résultats dans ce domaine sont bons et le taux de réaction, dans les villes universitaires, où la saison des réservations est d’ores et déjà entamée, est encourageant.

Sorts divers

Pour l’investisseur en immobilier, l’évolution des taux d’intérêt est exceptionnellement favorable et les emprunts à long terme sont très bon marché. Mais la crise sanitaire risque de venir noircir le tableau. Il est en effet certain qu’une récession plus ou moins grave nous attend; malgré tous leurs efforts, les pouvoirs publics ne pourront pas sauver l’intégralité des entreprises.

L’immobilier logistique ne devrait pas sortir affaibli de la crise et le nombre de faillites, parmi ses locataires, sera sans doute assez restreint. WDP et Montea affirment ne vouloir accorder ni réductions, ni reports de paiement; ils sont en revanche disposés à accepter des paiements mensuels (au lieu de paiements trimestriels anticipés), pour aider les occupants à surmonter leurs problèmes de trésorerie. Il faut dire que leur taux d’occupation, proche de 100%, leur permet de ne céder en rien; d’autant que selon leurs prévisions, les entreprises vont vouloir moins dépendre de l’étranger et donc, demander davantage d’espace de stockage.

Leurs titres se sont donc très rapidement repris après la chute qui a suivi l’annonce de la pandémie. Les Bourses s’attendent en d’autres termes à ce que WDP et Montea n’éprouvent aucune difficulté sur la durée: ce n’est donc pas maintenant que nous allons pouvoir en recommander l’achat. Intervest Offices & Warehouses est (partiellement) actif dans le même segment. Son taux d’occupation pourrait céder un peu de terrain, mais rien de bien méchant. Ce type d’immobilier logistique devrait lui aussi faire partie des rares secteurs auxquels la situation profitera à terme.

Si l’indice belge devait connaître un nouveau tassement, nous distinguerions des opportunités.

Chute

Le spécialiste de l’immobilier de bureaux Befimmo cote loin sous sa valeur intrinsèque. Les retards accusés par certains projets l’ont contraint à revoir ses pronostics initiaux et à reporter les commercialisations. Mais les bureaux n’étant pas contraints de fermer, les locataires restent redevables des loyers et des charges. Befimmo ne remet pas en question le dividende final (0,86 euro brut par action) annoncé au titre de l’exercice 2019; son action nous paraît donc exagérément pénalisée.

L’immobilier de soins en général, et Care Property Invest en particulier, résistent bien. Le vieillissement de la population propulse à la hausse la demande de chambres en maisons de repos et de soins, en résidences services et en établissements de santé, dont les bâtiments sont généralement loués pour longtemps (plus de 20 ans) et où le risque de vacance est limité. Care Property dispose d’un portefeuille de plus de 600 millions d’euros en Belgique (principalement en Flandre) et aux Pays-Bas (moins de 10%). Son action se négocie à un niveau relativement élevé par rapport à sa valeur intrinsèque. Quatre fois plus grande, Aedifica est elle aussi active en Belgique et aux Pays-Bas, mais également au Royaume-Uni, en Allemagne et, depuis peu, en Suède et en Finlande. Bien que le Covid-19 frappe tout particulièrement les aînés, la demande d’immobilier de soins demeurera structurellement élevée. Aedifica, qui fait depuis peu partie du Bel 20, a partiellement récupéré de la dégringolade provoquée par l’annonce de l’épidémie; mais si l’indice belge devait connaître un nouveau tassement, nous distinguerions des opportunités.

Cofinimmo mise toujours plus sur l’immobilier de soins, dont il a d’ailleurs l’intention de porter à 60% environ la part de son portefeuille dès cette année, ce qui permettrait au dividende de faire l’objet du précompte mobilier réduit (15%), au profit d’une augmentation du rendement net en dividende. La prime qui s’ajoute à la valeur intrinsèque n’est pas surfaite. Enfin, si l’indice venait à replonger, l’action pourrait le suivre et donc, devenir intéressante.

Partner Content