Les bioplastiques: prometteurs… à terme

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Les plastiques biodégradables, ou bioplastiques, sont un élément de réponse possible au problème de l’insuffisance de recyclage d’une matière utilisée à profusion, sous les déchets de laquelle la nature étouffe. Si le secteur n’en est qu’à ses balbutiements, il est promis à un bel avenir.

Le plastique est une des inventions majeures du 20e siècle. Comme il a beaucoup plus d’atouts que d’autres matériaux, ses applications ont connu une croissance exponentielle ces 50 dernières années. Le plastique peut prendre n’importe quelle forme, ce qui en fait un emballage idéal. Il protège, garde frais et ne se dégrade pas. Sans surprise, sa production mondiale n’a cessé d’augmenter: elle atteignait, en 1970, 50 millions de tonnes par an, pour plus de 400 millions de tonnes aujourd’hui. Huit milliards de tonnes environ ont été produites dans le monde à ce jour.

Mais son incapacité à se dégrader est aussi le principal inconvénient du plastique: il faut de 20 à 500 ans, selon le type, pour qu’il disparaisse complètement du paysage. Les trois quarts des plastiques produits étant jetés, la planète étouffe sous une pollution qui s’aggrave d’année en année. La moitié des plastiques sont de surcroît à usage unique, ce qui fait grandir la montagne de déchets de 9% par an. L’on atteindra en 2040 1,3 milliard de tonnes de déchets plastiques. Huit à 10 millions de tonnes finissent chaque année dans les océans et les cours d’eau. Les microplastiques, particules invisibles à l’oeil nu, posent eux aussi un problème sanitaire et environnemental croissant.

Le recyclage résout en partie, mais en partie seulement, le casse-tête. Quelque 55% des plastiques continuent d’être jetés dans les décharges, 25% sont brûlés et 20% seulement sont recyclés. Des 8 milliards de tonnes produites depuis le début, 9% à peine ont été recyclés.

La bio à la rescousse

Les plastiques biodégradables, ou bioplastiques, sont un autre élément de réponse possible. En plein essor depuis quelques années, les bioplastiques sont fabriqués à partir de matières premières naturelles, qui se décomposent en eau, carbone et autres substances organiques. Ils peuvent aussi être compostables, grâce à l’intervention d’enzymes ou de bactéries. Cet atout explique leur forte progression: d’une valeur de 3 milliards de dollars en 2018, ce marché a atteint 7,7 milliards de dollars l’an dernier et devrait dépasser les 23 milliards en 2026. Soit une croissance de 25% par an.

Les emballages et les biens de consommation sont les deux plus grands utilisateurs de plastique, les segments où le passage à des solutions biodégradables pourrait être le plus profitable. Peu de bioplastiques toutefois peuvent être simplement jetés: c’est dans les installations de compostage industriel que la plupart d’entre eux se décomposent le mieux. Les écologistes mettent en garde contre le surcroît de pollution que les bioplastiques pourraient provoquer.

Corbion: acide polylactique

Le néerlandais Corbion est numéro 1 mondial de l’acide lactique et de ses dérivés, ingrédients de base des secteurs alimentaire et chimique. Corbion utilise également l’acide lactique pour fabriquer l’acide polylactique (PLA), un polymère biodégradable. L’entreprise a créé en 2016 une joint-venture avec TotalEnergies pour produire du PLA. Ce matériau est moins polluant que les plastiques synthétiques, mais il n’est suffisamment décomposé que par compostage industriel.

Le PLA ne représente qu’une fraction du chiffre d’affaires de Corbion. Il relève du pôle Acide lactique et spécialités, auquel le groupe doit 30% environ de ses ventes annuelles. La production de PLA croît toutefois plus rapidement, et est plus rentable, que la production moyenne de l’entreprise. Celle-ci prévoit de faire passer ses capacités de production de 75.000 tonnes par an actuellement à plus de 200.000 tonnes.

Corbion est financièrement saine. Les investissements prévus vont légèrement creuser son endettement et ralentir ses flux de trésorerie ces prochaines années. Outre les activités liées à l’acide lactique, elle dispose d’un programme d’incubation, dont certaines des innovations en cours de développement sont prometteuses. Sa valorisation coïncide avec la moyenne du secteur. Le cours de l’action a chuté ces six derniers mois, et pourrait rester bas un temps encore, en raison du contexte inflationniste et de l’érosion des marges bénéficiaires et des cash-flows. A long terme cependant, le potentiel est intéressant et l’entreprise mérite d’être suivie.

Danimer: montagnes russes

Danimer est une entreprise américaine spécialisée dans les polyhydroxyalcanoates (PHA). Le PHA est fabriqué à partir d’huiles végétales, qui fermentent sous l’action des bactéries jusqu’à être converties en plastique; il est donc entièrement biodégradable, sans processus de compostage particulier. Fondée en 2004, Danimer a consacré des années à la recherche et développement. En 2018, elle a mis en service sa première unité de production de bioplastiques, sous la marque Nodax. Elle est entrée en Bourse américaine en 2020 en passant par une special purpose acquisition company (SPAC), c’est-à-dire une coquille vide. Elle était à l’époque valorisée à 900 millions de dollars environ, contre un peu plus de 700 millions aujourd’hui. Elle a levé 380 millions de dollars en espèces, qui vont lui permettre d’accélérer sa production et d’investir davantage dans le recrutement de clients.

Le cours de l’action est passé de 10 à 55 dollars dans les mois qui ont suivi l’introduction en Bourse. Mais en mars 2021, le Wall Street Journal a mis en doute le caractère écologique des produits: le PHA ne se dégraderait pas aussi rapidement et efficacement que le prétend la société, avançait un article. En avril et en mai, des vendeurs à découvert qui soupçonnaient l’entreprise de mentir sur ses volumes de production, notamment, se sont attaqués à l’action, dont le cours est alors tombé à sept dollars environ, un niveau qu’il n’a plus quitté depuis.

La dégringolade de l’action Danimer prouve que tout investissement dans les bioplastiques n’est pas nécessairement gage de succès.

Malgré la controverse, Danimer compte plusieurs clients importants, dont Bacardi et Pepsi, qui achètent suffisamment pour justifier un accroissement de la production. La direction place la barre très haut, puisqu’elle prévoit une multiplication par 30 de la production d’ici 2025 et par 10 du chiffre d’affaires. Toutefois, l’incertitude est grande, notamment en raison des affirmations des short sellers. Danimer ne pourra pas surprendre positivement dans les années qui viennent si elle échoue à réfuter définitivement ces accusations.

Danimer est un bel exemple de la façon dont un titre peut évoluer par la seule volonté de certains. Se dire que les bioplastiques sont une solution incontournable à la pollution plastique mondiale n’est pas nécessairement suffisant pour décider d’investir.

Avantium: progrès

La société néerlandaise Avantium fabrique des plastiques et des produits chimiques renouvelables. Ses bioplastiques sont de type FDCA (acide furane dicarboxylique), issus de sucres. Le FDCA est ensuite transformé en polyéthylène-furanoate (PEF), un polyester biodégradable qui peut remplacer le PET, utilisé pour produire des bouteilles jetables notamment. Les produits biochimiques ont un processus de fabrication similaire; ils sont eux aussi une matière première pour le PEF, et peuvent se prévaloir d’un potentiel considérable en termes de soutenabilité.

Avantium n’en est encore qu’à ses débuts. La production de FDCA a déjà donné de bons résultats dans des environnements de test et sur un petit site de production. La prochaine étape consistera à passer à l’échelon industriel, dans l’usine que l’entreprise a l’intention de construire. Ce projet sera financé par la dette souscrite et par les capitaux levés fin 2021. La direction veut que l’usine soit opérationnelle fin 2023, pour pouvoir commencer à écouler ses bioplastiques dès 2024 – elle mise sur une production de 5.000 tonnes par an. Dans un second temps, le groupe vendrait la technologie, par le biais de licences, à d’autres producteurs.

Avantium est entré en Bourse en 2017. Il avait à l’époque déjà l’intention de construire une grande usine, projet tombé à l’eau lorsque BASF a rompu l’accord de partenariat. L’action avait alors chuté. L’annonce, à la fin de l’an passé, de l’obtention du financement, lui a donné un coup de fouet. Avantium est une action de croissance à laquelle tout reste à faire, avec les risques opérationnels, commerciaux et financiers que cela comporte. Il conviendra de s’assurer, au cours des deux prochaines années, que les jalons opérationnels et commerciaux fixés par la direction sont atteints. A plus long terme, il n’est pas certain que la production de FDCA puisse être accrue de façon rentable. Il faudra en tout cas énormément de capitaux pour y parvenir. Ceci dit, Avantium est active dans une niche promise à un bel avenir, et financièrement assez solide actuellement pour y conquérir une place. L’action mérite que l’on s’y attarde. Pour l’investisseur de croissance conscient du risque.

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