Le monde financier tremble

Le monde financier est affecté, on s’en doute, par le scandale de Volkswagen, mais encore plus par la décision de la Banque centrale américaine (Fed) de maintenir ses taux directeurs inchangés.

La présidente de la Fed, Janet Yellen, vient de confirmer lors d’une allocution qu’elle accorderait sa politique à la situation économique mondiale. Elle a néanmoins réaffirmé qu’un relèvement des taux restait possible avant la fin de l’année.

Le scandale du diesel a essentiellement touché les secteurs industriels. Dès qu’une tricherie est relevée, des poursuites judiciaires s’ensuivront dont les coûts sont incalculables. On ne sera pas étonné que le cours des actions d’entreprises jugées délictueuses s’effondre. Il en va de même de leurs obligations. Tout d’abord parce que les coûts judiciaires fragiliseront la structure financière de ces entreprises. Ce qui pourrait compliquer l’amortissement de leurs emprunts. D’ailleurs, par mesure de précaution, les agences de notation s’apprêtent à les rétrograder. Volkswagen risque donc d’être éjecté de la classe des A. Les titres des fournisseurs et des filiales ont aussi souffert. On craint une baisse substantielle de leur chiffre d’affaires et des complications financières.

Incertitude : conséquences

Ce scandale augmente en outre les incertitudes. Personne n’entrevoit la réaction du public. Une modification du comportement des consommateurs pourrait avoir des conséquences importantes. Ce qui n’est pas étranger à la décision de la Fed. En basant sa politique sur des facteurs étrangers, plus personne n’est en mesure de prédire ses actions. Cette incertitude a pesé sur les marchés des changes et des capitaux. Ils étaient déjà secoués par le malaise économique mondial. Aujourd’hui, la Fed leur impute celle du monde occidental.

Certains pays émergents ont subi le désagrément de cette nouvelle tournure de la politique monétaire américaine. D’abord par la chute de leur monnaie consécutive à la fuite des capitaux. Ensuite par l’impossibilité de placer leurs emprunts ou d’en devoir rehausser les conditions à leur désavantage. Ces pays sont punis pour une faute qu’ils n’ont pas commise. Ce faisant, leur contribution à la relance économique mondiale sera plus qu’hypothéquée.

Ce scandale tombe mal à propos aussi pour les instances tutélaires. Ces dernières prévoyaient d’instaurer une nouvelle convention entre les investisseurs et les émetteurs d’obligations adossées. L’idée était de passer un contrat entre les deux parties qui contraindrait les investisseurs à scruter en continu la santé financière des émetteurs afin de ne jamais se faire surprendre par leur faillite ou manquement. Un accord semblable à celui que les investisseurs belges passent avec leur banquier, officiellement pour mesurer leur degré de compétence en matière de placement, en réalité pour éluder toute responsabilité des banques dans leur choix de placement. La convention viserait un but semblable : reporter la responsabilité sur les investisseurs. A eux de prouver qu’ils n’étaient pas en mesure de prévoir la débâcle. Espérons que le scandale de Volkswagen mette un terme à ce genre de convention suicidaire.

Les échelles des taux d’intérêt ont fortement oscillé la semaine passée pour finalement s’aplatir : les taux à long terme ont davantage fléchi que ceux à court terme. Le glissement s’est interrompu vendredi dernier après la publication de chiffres conjoncturels pour le deuxième trimestre aux Etats-Unis meilleurs qu’auparavant. Cette reprise sera néanmoins de courte durée. Presque toutes les grosses entreprises américaines prévoient une baisse sensible de leur chiffre d’affaires et, pis, de leurs bénéfices.

USD : +2,4%

Le dollar (USD) a profité des incertitudes, gagnant 2,4% face à l’euro (EUR). Son ascension se poursuivra encore dans le courant de la semaine. Mais plus il se raffermira, moins la Fed sera encline à relever ses taux directeurs. Les mouvements de capitaux spéculatifs, renforcés par la présence d’une multitude de produits spéculatifs à effet de levier, déterminent actuellement les cours de changes.

D’étranges phénomènes apparaissent alors. L’incertitude ambiante attise la fuite des capitaux étrangers hors du Brésil. Toutes les valeurs brésiliennes, qu’elles soient libellées en real (BRL) ou dans une autre devise, ont chuté. Mais le BRL, lui, s’est raffermi de 2,3% grâce à la liquidation précipitée de positions spéculatives. Il en a été de même avec la lire turque (TRY) qui a gagné 1,4%. Contre toute attente, la Banque centrale norvégienne a réduit ses taux directeurs et annoncé qu’elle était prête à les réduire davantage. La couronne (NOK) a immédiatement cédé 2,9% et évolue maintenant dans un canal baissier. Moment idéal pour renforcer les positions en NOK.

Tendance à la baisse

Sur le marché obligataire, il va de soi que tous les titres au nom de Volkswagen ont cédé du terrain. La firme a 66 emprunts en circulation en son nom propre dans 10 devises différentes pour un montant de quelque 30 milliards EUR. Les pertes dépassaient souvent les 5%. Tout le secteur automobile a d’ailleurs reculé, ainsi que celui des fournisseurs et des filiales. Les obligations des firmes liées aux matières premières ont également perdu pas mal de terrain. La tendance était manifestement à la baisse. On comptait en moyenne trois fois plus de titres à la baisse qu’inversement. Seule en NOK la tendance était inverse, grâce à la baisse inopinée des taux directeurs.

Le marché primaire a lui aussi souffert des incertitudes. La semaine avait pourtant bien commencé. Mais rapidement, un grand nombre d’émissions ont été mises en attente tandis que le placement des autres rencontrait pas mal de difficultés. Ceux qui ne pouvaient ajourner leur placement ont dû rehausser les conditions ou réduire le montant souhaité. Le Pakistan (B-), par exemple, a dû se contenter de la moitié de la somme escomptée lors du placement de son emprunt à 10 ans en USD.

Réduire ses positions en USD

Tout comme la semaine passée, rien de particulier n’est apparu sur le marché primaire à destination des petits porteurs. L’émission de Proximus (A) en EUR s’adresse plutôt aux institutionnels. Elle est bien accueillie et s’échange déjà au-dessus du pair (100%) sur le marché gris. La Bank für Arbeit und Wirtschaft (Baa1), une banque autrichienne regorgeant de dettes douteuses provenant des pays de l’Europe de l’Est, lance une émission adossée sur des actifs financiers. Son surrendement ne fait que 0,13% par rapport à la moyenne du marché, ce qui est insuffisant. Les émissions en USD, bien qu’elles portent des conditions correctes, sont déconseillées. L’USD s’est raffermi de façon irraisonnable. Mieux vaut profiter de ce raffermissement temporaire pour élaguer davantage ses positions en USD.

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