Le monde est sauvé. Pour l’instant du moins.

Le plafond de l’endettement américain a été temporairement relevé et devra être revu avant le 7 février prochain. Le budget de l’Etat, quant à lui, devra être arrêté d’ici au 13 décembre par les deux Chambres. L’Etat en soi pourra fonctionner sans encombre jusqu’au 15 janvier. Si d’ici là aucune résolution n’est convenue au Congrès, le pays subira un nouveau ” shutdown “.

Doit-on se féliciter de ces décisions ? Pas du tout. Aucune instance, ni nationale ni internationale, ne s’est penchée sur le cas du dollar comme monnaie de réserve. Or tout le problème est là au niveau mondial. Ce sont les Etats-Unis qui ont imposé le dollar lors des accords de Bretton Woods en 1944 (communément connus sous le nom de plan White). Les Anglais, menés par Keynes, avaient préféré le Bancor, une unité de compte spécialement conçue pour effacer les déséquilibres sur les balances des paiements.

A cette époque, les Etats-Unis représentaient un peu plus de 40% de l’économie mondiale. Il est compréhensible que le plan White l’ait emporté. Selon les accords de Bretton Woods, tout Etat enregistrant un surplus ou un déficit sur sa balance des paiements était contraint d’ajuster la parité de sa monnaie vis-à-vis de l’or et donc aussi du dollar. Le Fonds monétaire international (FMI) était chargé de superviser l’affaire. Malheureusement, aucun Etat excédentaire n’a jamais réévalué sa devise de sa propre autorité. Et de tous les pays enregistrant un déficit chronique, seuls les Etats-Unis ont toujours refusé de dévaluer leur dollar.

Après deux dévaluations infructueuses dans les années 70, la parité du dollar vis-à-vis de l’or a été définitivement suspendue. Depuis, toutes les devises flottent. Mais le dollar a conservé son statut de monnaie de réserve. Les Etats-Unis avaient préalablement convaincu tous les pays à utiliser le billet vert au lieu de l’or. Ce dernier ne rapportait rien, alors que les dollars pouvaient être convertis en bons du Trésor américain. De ce fait, ce n’est plus tant le dollar qui sert de référence au système actuel, mais plutôt les bons du Trésor américain.

L’assouplissement quantitatif prodigué par la banque centrale (Fed) depuis près de deux ans déjà ne constituait un danger que pour l’économie américaine, où cet argent frais pouvait attiser l’inflation. Mais comme le gros de ces largesses atterrissait dans les bons du Trésor que la Fed accumulait de surcroît, ce danger restait inexistant. Aussi longtemps que la qualité des bons résistait, personne ne se souciait véritablement du dollar. Les deux dernières semaines de chaos ont cependant souligné le danger. On sait depuis que le pays n’est pas exempt de risque et qu’un défaut de paiement, voire une banqueroute, est toujours possible.

Le dollar et les bons américains remplissent donc un rôle bien plus grand que le leur au niveau national. Ils servent tous les deux de référence au système financier. Si leur valeur peut osciller, leur qualité doit rester irréfutable. Mais depuis que le pays n’occupe plus la place prépondérante dans le monde, il s’avère incapable de soutenir le poids de celui-ci. Les instances internationales, telles que le FMI, auraient dû prévoir la chose depuis longtemps. Le FMI a bien lancé le Droit de tirage spécial (DTS) à la fin des années 60, une monnaie artificielle rapportant des intérêts ! Le DTS n’est utilisé qu’à des fins administratives internes au FMI et ne convient pas du tout pour remplacer le dollar.

Peu après l’avènement de la crise actuelle, seule la Chine a officiellement réclamé la révision du système monétaire international. Les Etats-Unis ont toujours refusé d’y donner suite. Le FMI n’a rien entrepris non plus. Ce qui fait qu’aujourd’hui, le monde se retrouve avec une monnaie de réserve qui n’est plus en mesure d’assumer cette fonction parce que sa couverture n’est plus fiable. Personne ne tolère aujourd’hui d’être à la merci de quelques politicards peu scrupuleux. Le monde dispose d’un répit jusqu’au début février. Il est peu probable que les représentants américains tomberont d’accord entretemps.

La dette officielle du pays fait 16.800 milliards de dollars. Les autorités monétaires étrangères en possèdent environ le tiers. La Fed détient pour sa part 2.100 milliards. Tous ces bons ne servent pas uniquement de gages aux opérations financières, ils déterminent aussi les taux d’intérêt de tous les autres titres, tant en dollars que dans les autres devises – précisément parce que le dollar sert de référence en tant que monnaie de réserve. Une telle référence doit par conséquent être dépourvue de tout risque si on veut que le système résiste.

A partir de maintenant, les investisseurs devront scruter le comportement des bons américains sur tous les marchés où ils sont utilisés. La Fed, de son côté, devra faire preuve de prudence dans la conduite de son expansion monétaire. Elle continuera d’accumuler des bons du Trésor afin de maîtriser les taux d’intérêt et elle activera sa toute nouvelle mesure lui permettant de remettre ces mêmes bons à la disposition des institutions financières à la recherche de gages.

La question aujourd’hui est de savoir si ces dispositions suffiront à maintenir le système actuel à flot. La courte crise du dollar a momentanément éclipsé la crise bancaire sévissant dans la zone euro. Elle reprendra rapidement vigueur. Certainement au moment où la Banque centrale européenne, BCE, entamera sa valorisation des actifs bancaires selon sa méthode appelée Asset Quality Review. Cette revue précédera le test de résistance que la BCE et l’Autorité bancaire européenne entameront vers le milieu de l’année prochaine.

Au vu de toutes ces instabilités, on ne sera pas étonné que le marché des capitaux soit resté dans l’expectative. Plusieurs glissements ont néanmoins eu lieu, sans qu’ils occasionnent des bouleversements au niveau des taux d’intérêt. Les titres de qualité supérieure ont progressé au détriment des autres. Les échelles des taux ont fait du surplace. Sur le marché des changes, le dollar a cédé pas mal de terrain face aux autres devises. Celles à haut rendement se sont raffermies, excepté la lire turque (TRY) qui a fléchi de 0,25%.

L’activité sur le marché primaire était plutôt chaotique. Bon nombre d’émetteurs préfèrent ajourner leur émission. Il n’y avait dès lors pas grand-chose pour les petits porteurs. La nouvelle tranche en réal brésilien (BRL) au nom de la KfW (AAA, avec garantie de l’Allemagne) n’est pas bon marché. Elle convient toutefois pour recouvrer une perte de change dans cette devise. Son autre tranche, en dollar néo-zélandais (NZD), est honteusement chère. Vous trouverez sans problème mieux sur le marché secondaire, comme cette BNG (AAA, avec garantie des Pays-Bas, alt.2) qui garde l’avantage tant que frais et différence de prix n’excèdent pas 1,9%.

La nouvelle tranche de la BEI (AAA, supranationale) en EUR est correcte. Les titres existants s’échangent contre 105,64% (1,97%) sur le marché secondaire. L’autre tranche, en rand sud-africain (ZAR) est également correcte. Elle conviendra à quiconque souhaite ouvrir une position dans cette devise. Ceux qui ont une perte de change à récupérer, achèteront de préférence leurs titres sur le marché secondaire et en dessous du pair (100%).

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