Le marché porteur des substituts de viande

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La viande cultivée, l’avenir? La protection de l’environnement inclut quoi qu’il en soit le passage à un régime pauvre en, voire sans, viande.

La planète comptera environ 10 milliards d’habitants en 2050. D’ici là, la demande mondiale de denrées alimentaires aura doublé pratiquement par rapport à 2009. Proposer à la population des aliments sains sera l’un des plus grands défis du siècle. Chaque année dans le monde, quelque 70 milliards d’animaux sont abattus pour leur viande; en 2050, pour répondre à la demande, plus de 100 milliards devraient mourir chaque année.

“Veggie”: la croissance s’accélère

L’élevage est l’une des principales causes du réchauffement de la planète. Ses filières émettent énormément de gaz à effet de serre. En outre, l’élevage intensif du bétail accélère la déforestation. Notamment pour protéger l’environnement, l’humanité a tout intérêt à adopter un régime pauvre en, voire sans, chair animale, et donc, de se tourner vers les succédanés. Ce que préconisent non seulement les organisations de défense des animaux (parmi lesquelles Gaia) mais également l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Un nombre croissant d’entreprises proposent des succédanés de viande. Le marché “veggie” a connu une croissance de 5 à 10% par an au cours des cinq dernières années. Depuis l’éclatement de la pandémie de coronavirus, il l’a vue se hisser à 18% !

Nestlé cible les flexitariens

L’un des grands acteurs du marché de la viande végétale est Nestlé. Sa filiale Garden Gourmet commercialise depuis 30 ans déjà des substituts de viande: des hamburgers, hachés, saucisses, escalopes, lardons, etc., d’origine végétale, donc. Elle élargit sa gamme chaque année. Garden Gourmet domine le marché belge: sa part va croissant et s’élève à 25% aujourd’hui. Nestlé cible principalement les flexitariens, de plus en plus nombreux, soit les consommateurs qui, sans avoir renoncé complètement à la viande, optent régulièrement pour ses substituts. Ces derniers s’adjugent une part encore infime (1%), mais appelée à s’accroître, du chiffre d’affaires (CA) annuel de Nestlé. Porté par les substituts de viande et l’alimentation pour animaux (parfois aussi végétarienne), son CA a atteint 63,3 milliards de francs suisses (près de 58,9 milliards d’euros) sur les neuf premiers mois de 2021. La performance de l’action a été relativement bonne, en 2021. Le rendement du dividende, de plus de 2,35%, soutient le cours. Nestlé est une valeur de base dans le portefeuille de tout flexitarien.

Unilever à la traîne

Cet autre géant du secteur a fait part de moins bons résultats que Nestlé, en 2021. Il commercialise lui aussi des succédanés de viande (le soja en est l’un des principaux ingrédients) depuis quelques années, sous la marque Le Boucher Végétarien, disponible dans presque tous les supermarchés. Ces produits se vendent de plus en plus mais ne représentent pour l’heure, comme chez Nestlé, qu’une modeste fraction du CA du groupe (51 milliards d’euros). Unilever (Knorr, Lipton, Unox, Carte D’Or…) s’invite pour sa part dans les cuisines professionnelles des restaurants, des hôtels, du secteur des soins et des traiteurs. Le cours de l’action est raisonnable (18 fois le bénéfice attendu) et le rendement du dividende est attrayant (3,6%).

Impossible Foods: IPO imminente

Ce producteur de substituts de boeuf, de porc et de poulet, ici aussi à base de soja principalement, basé à Redwood City, en Californie, compte déjà parmi les fournisseurs majeurs des supermarchés (Walmart, Kroger, Trader Joe’s…) et chaînes de restauration rapide (Jack in the Box, Burger King…). Katy Perry, Serena Williams et Bill Gates figurent parmi ses actionnaires. L’introduction en Bourse de l’entreprise, valorisée pour l’heure à près de sept milliards de dollars, est imminente. Pour son CEO, Pat Brown, elle est nécessaire pour pouvoir financer, voire accélérer, la poursuite de la croissance.

Beyond Meat déçoit

Principal concurrent d’Impossible Foods, Beyond Meat a déjà levé des capitaux sur le marché boursier. Le multimilliardaire Bill Gates en est un actionnaire aussi. Beyond Meat, qui s’échange sur le Nasdaq, est valorisée à 6,2 milliards de dollars, un peu moins que Impossible Foods. Ses produits (à base de petits pois principalement), dont la saveur a convaincu énormément de consommateurs, sont disponibles dans de très nombreux supermarchés (dont Delhaize). Pas question pour autant pour le groupe de s’endormir sur ses lauriers: la concurrence est rude et il est crucial d’investir encore, notamment dans la recherche et le développement. Mais s’il a vu ses ventes augmenter de façon spectaculaire (à plus de 400 millions de dollars), il a néanmoins annoncé aussi une perte énorme (53 millions de dollars). Plus d’analystes ayant recommandé de vendre que d’acheter l’action, le cours a souffert. Il a baissé de près de 200 dollars début 2021 à 68 dollars aujourd’hui et la tendance est baissière. Ce n’est pas le moment d’acheter.

Viande du futur

Tout le monde n’est pas fan des substituts de viande actuels. Ils goûtent souvent le soja, des légumineuses ou la noix, saveurs que de nombreux arômes ou colorants et conservateurs viennent rehausser. L’entreprise néerlandaise de technologie alimentaire Mosa Meat pense pouvoir changer la donne: son hamburger “le plus respectueux du monde” ne sacrifiera rien au goût, puisqu’il sera composé de vraie viande de boeuf. Mais cultivée. Mosa Meat affirme pouvoir fabriquer, à partir d’un seul échantillon de cellules, 80.000 hamburgers. Aucun animal n’est abattu ou blessé. L’acteur Leonardo DiCaprio croit en l’entreprise et y investit.

Autre développeur de viande cultivée, le groupe belge Peace of Meat a été racheté deux ans à peine après sa création (2019). Il fabrique de la graisse à partir de canards et de poulets, sans les abattre. Son acquéreur est l’entreprise technologique israélienne cotée Meat-Tech 3D (MeaTech). Elle a produit en laboratoire, par imprimante 3D, un steak de près de 110 grammes, une première, début décembre 2021. La viande est composée de véritables cellules musculaires et graisseuses, prélevées sur des vaches. Ce n’est certes pas de sitôt que vous dégusterez un steak MeaTech, mais la viande de demain sera peut-être bien artificielle. L’action a sa place dans le portefeuille diversifié de tout investisseur à long terme désireux de respecter l’environnement et les animaux.

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