Le luxe revient à la mode

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Plus de 30% des achats de produits de luxe dans le monde sont concentrés en Chine, une part qui atteindra 40% sous peu. D’où le fait que même une force tranquille comme LVMH a vu son cours plonger de 440 euros à moins de 300 euros au plus fort de la crise sanitaire en Asie. Si la baisse n’a été que de courte durée, c’est grâce à la capacité de réaction de la Chine et de maints autres marchés asiatiques.

Le secteur du luxe a traversé une période difficile. L’annonce de contaminations par un virus inconnu en provenance de Chine a sonné la mise à l’arrêt d’une grande partie de ses activités – les Asiatiques aisés sont fous des produits Gucci, L’Oréal ou Dior. Dans le contexte de la crise sanitaire, les résultats de l’exercice 2020 sont excellents.

Le français Kering aurait lancé une offre d’achat sur la société suisse Richemont. Le bruit circule depuis un temps déjà et un rapprochement n’aurait effectivement rien d’incongru, puisqu’il serait le seul moyen de tenir tête à LVMH, surtout depuis que le groupe de Bernard Arnault s’est offert le joaillier Tiffany, en janvier de cette année. Mais Richemont aurait jugé la proposition tellement chiche qu’il ne l’aurait même pas évoquée en conseil d’administration. Une alliance entre Kering et Richemont ferait pourtant sens. Les deux groupes produisent un chiffre d’affaires cumulé de l’ordre de 30 milliards d’euros, un peu plus de la moitié de celui de LVMH. Lequel ne se repose pas sur ses lauriers, comme en témoigne le rachat de Tiffany.

La question de la taille est cruciale: plus l’entreprise est grande, plus elle a de pouvoir, dont la possibilité d’attirer du personnel de haut niveau et de sélectionner les meilleurs emplacements pour ses magasins. Diversifier produits et régions est essentiel également. C’est du reste une des raisons pour lesquelles LVMH a acquis Tiffany, qui lui permet d’élargir une gamme de produits déjà très vaste et de s’implanter plus solidement aux Etats-Unis. C’est aussi pourquoi il ne serait pas surprenant que Kering surenchérisse: un peu trop dépendant de Gucci, sa marque phare, il pourrait estimer qu’il est urgent d’agir.

La Chine, dominante

La Chine est, avec les Etats-Unis, et parfois plus qu’eux encore, un marché de la plus haute importance pour le secteur. La rapidité avec laquelle le pays, premier à avoir été touché par le Covid-19, s’est doté de mesures draconiennes et a mis au point un vaccin, lui a permis de rebondir à une vitesse impressionnante. Alors que l’Europe perdait un temps précieux, l’économie chinoise se redressait, plus vite, même, que prévu. Pour le secteur, c’est essentiel: plus de 30% des achats de produits de luxe dans le monde sont concentrés en Chine, une part qui atteindra 40% sous peu. D’où les valorisations élevées des grandes entreprises; d’où aussi le fait que même une force tranquille comme LVMH a vu son cours plonger de 440 euros à moins de 300 euros au plus fort de la crise en Chine. Si la baisse n’a été que de courte durée, c’est grâce à la capacité de réaction du pays et de maints autres marchés asiatiques.

Dans le secteur du luxe, l’Asie ne représente pas encore une menace. Les grandes marques coûteuses sont très demandées et les producteurs chinois n’ont pas encore de réponse à leur opposer. Certains produits, comme le champagne Dom Pérignon, les vins tels que le Cheval Blanc ou le sauternes de château d’Yquem, ne sont pas faciles à imiter. En raison de la qualité souvent médiocre fournie par le passé, le made in China est très décrié, même là-bas.

Expérience sensorielle

Nous avons de bonnes raisons de croire qu’une période faste attend le secteur du luxe. Une fois les interdictions de voyager levées, les big spenders vont vouloir rattraper le temps perdu. Une grande partie des produits de luxe s’écoule dans les aéroports et sur les avenues chics des grandes villes, où les Chinois et les Américains au portefeuille bien garni sont accueillis à bras ouverts. Le secteur tient en outre compte désormais des clients qui préfèrent faire leurs achats depuis leur canapé.

Avant la crise sanitaire, le potentiel du commerce virtuel n’atteignait pas 10%, un chiffre désormais multiplié par deux, ce qui compense en partie les pertes provoquées par les confinements. La raison pour laquelle ce potentiel demeure néanmoins limité tient au comportement d’achat de cette clientèle particulière, pour qui une partie du plaisir réside dans le shopping lui-même – elle veut pouvoir regarder, toucher, comparer, une expérience sensorielle d’autant plus cruciale qu’elle incite à dépenser davantage. D’après les données les plus récentes, les prix ne constituent pas un obstacle. LVMH a d’ailleurs profité de ce constat pour relever ses étiquettes, sans que cela n’affecte son chiffre d’affaires. Notons que, à contre-courant de la tendance, le groupe a intensifié ses dépenses de marketing, une décision judicieuse qui lui a permis d’augmenter encore ses parts de marché.

L’observation d’un certain nombre de données fondamentales, dont les ratios cours/bénéfice, permet de conclure que la plupart des actions du secteur présentent des valorisations tendues, qu’expliquent évidemment les espoirs dont ces groupes font l’objet. Ce qui, dans ce contexte très précis, n’a rien de problématique. Les prévisions de croissance nous paraissent justifiées. Les grands groupes produisent de surcroît d’abondants cash-flows et affichent généralement des bilans sains. La situation deviendrait plus délicate si la crise sanitaire devait persister, si le moteur américain devait s’enrayer et si les Chinois ne pouvaient toujours pas voyager, des questions qui ne se posent pas actuellement. Pour l’heure, les signaux émis par le marché sont encourageants; les vaccins sont efficaces et vont accélérer la reprise de l’activité.

Champions du luxe

Avec ses 56 milliards d’euros de chiffre d’affaires, LVMH est, de loin, le plus grand groupe de luxe au monde. Son portefeuille est très diversifié et plusieurs de ses marques dominent résolument le marché – nous songeons aux champagnes Moët & Chandon, Krug et Veuve Clicquot, aux vins évoqués ci-dessus, à des marques de maroquinerie et de vêtements comme Louis Vuitton, Christian Dior et Givenchy ou encore, à son activité horlogère (TAG Heuer, Hublo). Bien géré, le groupe peut se prévaloir d’un bilan sain et de liquidités abondantes. L’intégration de Tiffany pourrait lui donner un élan supplémentaire. Son segment Vins & Spiritueux, extrêmement important, souffre de la longue fermeture des restaurants dans de nombreux pays; mais les réouvertures devraient donner le coup d’envoi à un très net rebond.

Kering est d’après nous un peu trop dépendant de sa marque Gucci, alors qu’il a également en portefeuille des noms comme Alexander McQueen ou Boucheron. L’annonce de l’acquisition majeure d’un partenaire intéressant au cours des mois qui viennent nous inciterait à revoir notre opinion. Avec un chiffre d’affaires qui tourne autour de 30 milliards d’euros, L’Oréal est environ deux fois plus grand que Kering. Contrairement à ses deux concurrents français, L’Oréal n’est pratiquement pas diversifié en termes de segments de produits: il s’agit d’une société exclusivement dédiée aux cosmétiques, qui abrite néanmoins des marques fortes comme Yves Saint Laurent, Giorgio Armani ou encore La Roche-Posay. Son action croît régulièrement depuis plus de 10 ans; elle est passée, sans connaître trop de creux, de 100 euros en 2011 à 320 euros aujourd’hui, une progression acceptable pour l’investisseur.

Proie potentielle

On l’a vu: le suisse Richemont est courtisé depuis tout un temps déjà. Il possède des marques horlogères très réputées comme Piaget, A. Lange & Söhne, Jaeger-LeCoultre, Vacheron Constantin et IWC. Contrairement à celles de LVMH et de L’Oréal toutefois, son action évolue trop en dents de scie; nous ne la recommandons par conséquent qu’aux investisseurs qui spéculent sur un prestigieux rachat. L’action Estée Lauder (Estée Lauder, Aramis, Clinique, Tommy Hilfiger, La Mer, DKNY, Michael Kors, Tom Ford) affiche des performances spectaculaires, y compris sur le long terme. Il y a 10 ans, elle s’échangeait au prix de 50 dollars; aujourd’hui, elle vaut 288 dollars (+490%). Même en 2020, son cours a été multiplié par près de deux, et sans doute n’en restera-t-il pas là. Presque exclusivement active dans le domaine de la mode, Prada est l’entreprise de loin la plus petite de notre liste. Seules 20% de ses actions sont disponibles en Bourse, ce qui explique en partie l’évolution parfois capricieuse du cours. Nous estimons qu’il existe de meilleurs choix, dans ce secteur extrêmement performant.

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