Le luxe n’a plus la cote

. © iStockphoto

L’essoufflement de l’économie chinoise est source de préoccupations. Le conflit avec les Etats-Unis freine la croissance et affaiblit énormément yuan et marchés d’actions. Nous sommes toutefois convaincus que les inquiétudes que suscite ce pays sont exagérées.

Le secteur du luxe perd pied ces temps-ci. Les fêtes de fin d’année devraient l’aider, du moins en principe. Les observateurs ont les yeux rivés sur la Chine, désormais grande consommatrice de produits de luxe européens: si cette clientèle devait faire défaut, les stocks, déjà considérables, d’articles haut de gamme, gonfleraient d’autant. Les consommateurs chinois ont dépensé en 2017 plus de 100 milliards d’euros en produits de luxe, soit quelque 32% du total mondial; à ce rythme, ils achèteront, en 2024, 40% des articles écoulés dans le monde par le secteur. Mais deux nuages planent.

Douanes

Le premier est douanier. Les Chinois ont acheté l’an dernier plus du tiers de leurs produits de luxe à l’étranger: les entreprises actives dans ce secteur sont donc largement tributaires des voyageurs. Or les Chinois sont désormais strictement contrôlés à leur retour (par des douanes qui, auparavant, fermaient généralement les yeux) et ceux qui importent pour plus de 700 dollars de marchandises sont passibles de lourdes amendes.

Le secteur a immédiatement ressenti ce changement. Un marché gris florissant était en effet organisé par des gens qui achetaient en Europe des produits de luxe par valises entières pour les revendre là-bas avec des marges pouvant atteindre 80%. A cela s’ajoute le fait qu’Asiana Airlines, la deuxième compagnie aérienne de Corée du Sud, n’emporte plus de bagages “commerciaux” sur ses vols de ligne à destination de la Chine continentale et de Hong Kong. Or un certain nombre d’articles transitaient auparavant par ce canal.

Essoufflement

L’essoufflement de l’économie chinoise est la deuxième source d’inquiétude. Le conflit avec les Etats-Unis freine la croissance et affaiblit énormément yuan et marchés d’actions. La plupart des analystes estiment que la situation pèsera inévitablement sur la vente d’articles de luxe en Chine au quatrième trimestre, ce qui affecte d’autant plus les cours des entreprises du secteur.

La plupart des groupes restent toutefois assez positifs à propos de la Chine. LVMH, le leader absolu du secteur, a achevé le troisième trimestre sur d’excellents résultats. Son chiffre d’affaires a bondi de 10% et, surtout, la direction qualifie de stable la demande des consommateurs chinois. Outre Louis Vuitton et Dior, les Chinois apprécient beaucoup Dom Pérignon et Krug, Cheval Blanc, Château d’Yquem et Hennessy, des marques qui comptent parmi les plus chères de leur segment.

LVMH s’est lancé il y a quelques années dans l’e-commerce, qui ne prend encore à son compte que 9% des ventes du secteur. Mais les experts lui attribuent 25% de part de marché d’ici à 2025 grâce, principalement, aux consommateurs les plus jeunes, particulièrement actifs sur les réseaux sociaux. Un canal qu’exploitent résolument neuf marques de luxe sur dix, qui chargent des influenceurs de promouvoir leurs produits en ligne. Les jeunes achètent déjà beaucoup sur Internet et leurs dépenses vont croître au fil du temps. Le secteur du luxe en profitera, c’est certain. Il a en revanche moins la cote auprès des investisseurs – en témoigne la baisse du cours du titre LVMH.

Kering se défait de Puma

Moins connu du grand public, Kering regroupe des maisons comme Gucci ou Yves Saint Laurent. Il s’est défait il y a quelque temps d’un pan important de sa participation dans Puma. Gucci, qui réalise 60% du chiffre d’affaires de Kering, a vu ses ventes progresser de 35% au troisième trimestre. L’on n’en attendait pas tant, mais cela n’a pas empêché l’action Kering de céder du terrain: là encore, la Chine est pointée du doigt. Nous sommes toutefois convaincus que les inquiétudes que suscite ce pays sont exagérées. Kering enregistre actuellement une croissance surtout organique. Les grandes marques ont encore énormément de potentiel – partout dans le monde, des consommateurs restent prêts à débourser beaucoup d’argent pour se les offrir.

L’Oréal resplendissant

Le français L’Oréal est le premier producteur mondial de produits cosmétiques et de beauté. Son portefeuille comprend Lancôme, Armani, Garnier ou encore, Redken. Son chiffre d’affaires s’est établi à 19,9 milliards d’euros au terme des trois premiers trimestres, en hausse de 6,8% en base comparable. Le troisième trimestre se caractérise par une nette accélération des ventes – la plus forte, même, en dix ans. Le chiffre d’affaires du troisième trimestre flirte avec les 6,5 milliards d’euros. Pour la direction, 2018 sera un grand cru. Le groupe ne ressent pas (encore) les effets de l’essoufflement asiatique et, surtout, chinois. Il mise pleinement sur le commerce virtuel – à raison, puisque ses ventes en ligne représentent d’ores et déjà 10% de son chiffre d’affaires total. C’est près de 40% de plus que l’an dernier.

Dividende élevé chez Richemont

Les résultats semestriels du suisse Richemont ont déçu. La croissance organique du chiffre d’affaires au premier semestre n’a pas dépassé 8%, contre 9,5% escomptés. Les montres de luxe semblent en perte de vitesse en Asie. Une grande partie des invendus ont été rachetés, les boutiques déficitaires ont été fermées et les produits sont désormais proposés en ligne. Les prix, sur le marché de la haute horlogerie, sont clairement sous pression. La division Joaillerie se montre plus performante – Cartier et Van Cleef & Arpels se vendent comme des petits pains.

Estée Lauder en forte hausse

Estée Lauder vend exclusivement des produits haut de gamme, dont le potentiel de croissance demeure considérable car les consommateurs du monde entier veulent désormais de la qualité. La division Soins est particulièrement performante. Ses produits sont principalement vendus dans les aéroports et les boutiques spécialisées, mais aussi, désormais, en ligne. Les marges n’en ont pas moins reculé de 90 points de base, à un peu moins de 9%, par rapport à l’an dernier. L’augmentation des marges du pôle Soins est contrebalancée par les investissements en Amérique du Nord, où les dépenses de marketing sont plus élevées que celles de la concurrence.

Partner Content