Le cannabis fait planer les investisseurs aussi

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Le marché mondial du cannabis est estimé à 177 milliards de dollars, dont 12 milliards à peine font partie du circuit légal. Mais ces rapports vont considérablement changer ces prochaines années.

Les entreprises actives dans le secteur du cannabis commencent à faire un carton sur les marchés. Le 20 juillet par exemple, Tilray, qui produit des médicaments à base de cannabis, faisait son entrée en Bourse à 20 dollars; deux mois plus tard, l’action se négocie à 120 dollars. A un début d’année explosif avait certes succédé une nette accalmie, mais les cours remontent résolument ces dernières semaines. Entre la mi-août et la mi-septembre, la hausse a atteint 38% en moyenne. Que l’on apprécie ou non, le cannabis pourrait être un marché en forte croissance.

Drogue la plus prisée

“Cannabis” est la dénomination latine du chanvre cultivé, tiré du Cannabis sativa. De là viennent la marihuana, ou herbe, et le haschisch, “shit“. Le cannabis est généralement mélangé à du tabac puis roulé – c’est le ” joint “, dont l’effet est très rapide. La plante de cannabis contient 500 agents chimiques, mais son composant essentiel est le tétrahydrocannabinol (THC); à cela s’ajoutent 85 autres cannabinoïdes et c’est du rapport entre le THC et ces différentes substances que dépend l’effet.

En 2015, les Nations unies recensaient 294 millions de consommateurs de drogue dans le monde, dont 183 millions (62%) s’adonnaient au cannabis – soit 3,8% de la population mondiale, contre 3,4% autour de l’an 2000. Vingt-deux pour cent des consommateurs de cannabis vivent en Amérique du Nord et 16%, en Europe. Le marché mondial est estimé à 177 milliards de dollars, dont 12 milliards à peine font partie du circuit légal. Mais ces rapports vont considérablement changer ces prochaines années.

Tendance à la légalisation

Dans la plupart des pays du monde, la détention et la consommation de cannabis sont toujours passibles de sanctions. En 2014, cinq pays à peine les autorisaient sur leur territoire. Reste que de plus en plus d’Etats établissent une distinction entre drogues douces (cannabis) et drogues dures (cocaïne, héroïne, etc.) et que la question de la légalisation du cannabis sous l’une ou l’autre forme est abondamment abordée depuis quelques années.

Si les Etats-Unis maintiennent l’interdiction au niveau fédéral, neuf Etats autorisent l’usage récréatif et vingt, la consommation à des fins médicales, du cannabis. D’après une récente enquête, 64% des Américains sont partisans d’une légalisation, contre 25% seulement il y a vingt ans. Il n’est pas impossible que le cannabis soit autorisé dans toute l’Amérique du Nord ainsi que dans une majorité des pays d’Europe, d’Amérique latine et d’Océanie, d’ici dix ans; pour l’Asie et l’Afrique, ce serait encore un peu tôt. Selon la société de Bourse Bryan, Garnier & Co, le marché légal pourrait grimper à 140 milliards de dollars en 2027, sur un marché total de 260 milliards de dollars.

Menace pour l’industrie de l’alcool

L’usage, quand il est autorisé, est généralement médicinal. Maintes études démontrent l’effet thérapeutique – antalgique, lutte contre les spasmes musculaires… – de plusieurs cannabinoïdes. De nombreux chercheurs se penchent actuellement sur leur utilisation contre le cancer, l’autisme, la sclérose en plaques, le diabète, etc. Les applications médicales constituent donc un premier pôle de croissance.

La récente hausse des titres du secteur est surtout liée à la capacité du cannabis à remplacer l’alcool.

Mais la récente hausse des titres est surtout liée à la capacité du cannabis à remplacer l’alcool. Plusieurs cultivateurs ont inventé des boissons contenant du cannabis: elles auraient le même effet que l’alcool, sans en avoir tous les inconvénients, comme la gueule de bois, l’incompatibilité avec certains médicaments ou la forte teneur en calories. L’industrie des boissons ne considère pas ce scénario comme une fiction, puisque Constellation Brands a annoncé, à la mi-août, un investissement de 5 milliards de dollars dans Canopy Growth, le numéro 1 sur le marché; il s’agit de la transaction la plus importante à ce jour dans le secteur. La participation du géant de la boisson passe de la sorte de moins de 10% à 38%, ce qui fait de lui, de loin, le principal actionnaire du producteur de cannabis. Plusieurs concurrents étudient la question également. Hors industrie de l’alcool, The Coca-Cola Company se penche lui aussi, en collaboration avec Aurora Cannabis, le numéro 2 du secteur, sur la préparation d’une boisson à base de cannabis.

Le Canada, leader du secteur

Autre facteur déterminant: la décision du gouvernement canadien d’autoriser dès cet automne l’usage récréatif du cannabis et de le mettre en vente dans des magasins organisés par les provinces, de manière à générer des recettes pour l’Etat. Cette décision élargira naturellement considérablement le potentiel commercial.

Le Canada a légalisé le cannabis à usage médicinal dès 2001. C’est pourquoi en Bourse, l’industrie est presque entièrement dominée par des entreprises canadiennes. L’on distingue trois catégories d’entreprises actives sur le marché du cannabis légalisé:

1. Producteurs globaux: les principaux cultivateurs et revendeurs sont généralement d’origine canadienne. Le leader absolu est Canopy Growth, mais nous citerons également Aurora Cannabis et Aphria.

2. Entreprises biopharmaceutiques/biotechnologiques: elles développent des composants chimiques utilisés dans les applications médicales. Evoquons, outre Tilray et GW Pharmaceuticals, Arena Pharmaceuticals, Insys Therapeutics ou Medical Marijuana.

3. Sous-traitants: il s’agit d’entreprises spécialisées dans le conditionnement, les serres, les engrais, etc. Scotts Miracle-Gro domine largement ce segment.

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