Le bazooka manque sa cible

Mario Draghi a tenté de donner un coup de fouet aux marchés, mais n’y est pas parvenu.

Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a sorti tout son arsenal. Son objectif? Convaincre ses ouailles, après la grosse déception de décembre. Il a donc annoncé un abaissement de tous les taux, y compris le taux de dépôt applicable aux banques souhaitant parquer leurs excédents liquides auprès de la BCE, de -0,3 à -0,4%. Pour apaiser les banques, un nouveau programme TLTRO (Targeted Longer-Term Refinancing Operations) sera lancé. L’autre ” surprise du chef ” réside dans le relèvement du montant alloué au programme de rachat d’obligations (d’État) de 60milliards à 80milliards EUR mensuellement. Un montant supérieur aux attentes (on espérait 70 à 75milliards EUR). Qui plus est, le terrain d’action pour les achats d’obligations a été élargi aux obligations de société (de qualité ; “investment grade”).

Ces nouvelles mesures ont d’abord été accueillies avec enthousiasme par les marchés. Les Bourses européennes ont rebondi aussitôt de plus de 3%. Pendant la conférence cependant, Draghi annonçant que les limites de la politique monétaire extrêmement souple étaient proches, l’euphorie s’est muée en hésitations.

Des signaux d’alerte

Nous ne voudrions pas gâcher l’ambiance, mais si les marchés ne progressent pas lorsque la BCE les surprend positivement et ouvre grand les vannes, on peut raisonnablement se questionner sur la situation. Cette réaction neutre est à ajouter à la liste des signaux d’alerte qui vont dans le sens d’un renversement de tendance :

• Les valorisations des actions ne sont plus intéressantes: le repli depuis début 2016 a occasionné une baisse des valorisations mais celles-ci ne sont pas assez faibles, dans une perspective historique, pour justifier qu’on se positionne de manière sereine. Ce n’est que comparées à des obligations très chères que leur valorisation est intéressante.

• Sommet des bénéfices aux USA : les marges semblent avoir dépassé leur sommet, et les bilans des entreprises s’affaiblissent.

• Le durcissement de la politique monétaire US se heurte au ralentissement de l’économie américaine: une courbe de taux plane et l’industrie dérive. Reste à savoir si le consommateur américain tiendra le coup.

• La situation de l’économie chinoise reste inquiétante: combinaison d’un ralentissement de la croissance à une augmentation nette des dettes ; signaux mitigés.

• Redressement économique européen en retard: hélas, les indicateurs précurseurs devraient plutôt atteindre un pic, et les Bourses européennes drainent déjà nombre de fonds (anglosaxons) qui pourraient en ressortir si la situation se dégrade. Les actions européennes sous-performent les actions américaines depuis le début de l’année, et la donne pourrait ne pas changer dans les douze prochains mois.

Draghi a tenté de donner un coup de fouet aux marchés, et n’y est pas parvenu. Ce qui attise encore notre défiance et nous incite une fois de plus à appeler à la prudence (lire également notre commentaire en rubrique Portefeuille).

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