La troisième hausse la plus longue

Rien ne laissait présager, le 9 mars 2009, que nous avions amorcé la troisième hausse la plus longue de l’histoire à Wall Street depuis 1900. Car nonante mois ou sept ans et demi plus tard, la tendance haussière est toujours intacte.

Selon la définition classique, il est question de tendance boursière orientée à la hausse ou de marché haussier (ou “bull market”, le taureau étant synonyme de hausse en Bourse, tandis que l’ours symbolise la baisse) quand ladite hausse dépasse les 20% par rapport au plancher et tant qu’il n’y a pas de repli de plus de 20%. Il s’en est d’ailleurs fallu de peu pour que la tendance s’interrompe au début de cette année, avec une correction de 18% par rapport au sommet de 2015. Mais le nouveau sommet historique atteint en août a confirmé que le marché était toujours orienté à la hausse.

Nous ne retrouvons de marchés haussiers qui ont duré plus longtemps que dans les années 1920 et 1990. Si nous n’avons pas assisté à une baisse de 20% par rapport au sommet d’ici l’été de l’an prochain, nous établirons un nouveau record. La durée moyenne historique d’un marché haussier est en effet de 54mois, ou quatre ans et demi.

Au cours de ces 18derniers mois, il a plus été question de consolidation au sommet que de tendance clairement haussière. Cela explique en partie pourquoi ce marché haussier ne monte toujours pas sur le podium en ce qui concerne son ampleur. Il se classe cependant dans le top5 et l’action moyenne du Standard&Poor’s500 (l’indice des 500 plus grandes entreprises américaines cotées en Bourse) a plus que triplé de valeur depuis mars 2009, par rapport à une moyenne historique de +136%. Mais l’indice devra encore gagner 100% pour égaler l’ampleur de la hausse des années 1920. Il est peu probable qu’il y parvienne.

L’Europe à la traîne

La hausse boursière américaine ne trouve pas de prolongement sur les marchés d’actions européens. Du moins pas selon la définition classique. Si nous estimons qu’un marché baissier prend fin à partir d’un recul de 20%, l’ascension de l’Eurostoxx50 ou du Stoxx600, qui représentent respectivement les 50 plus grandes entreprises de la zone euro et les 600 plus grandes entreprises de l’Union européenne, s’est interrompue une première fois en 2011, une deuxième fois au début de cette année.

Mais même en faisant abstraction de ces deux corrections, la hausse amorcée en mars 2009 est nettement plus modeste pour les principaux indices européens. Ainsi l’Eurostoxx50 n’a-t-il gagné que 65% par rapport à son plancher de mars 2009, et l’indice se trouve-t-il encore 43% sous son plus-haut de mars 2000. Les chiffres de l’indice Stoxx600 sont plus favorables: +115% depuis mars 2009 et “seulement” 18% sous le pic historique.

Une analyse des motivations sous-jacentes à la hausse entamée en 2009 donne d’emblée une explication à cet écart de performance notable et assez rare dans l’histoire entre les indices boursiers américains et européens.

? Politique monétaire exceptionnellement souple des banques centrales: le premier et principal facteur d’explication à l’ampleur spectaculaire de la hausse actuelle de Wall Street est lié aux interventions uniques dans l’histoire des banques centrales. Non seulement les taux ont été ramenés à zéro, mais les Banques ont mis en oeuvre une stratégie d’assouplissement quantitatif (“Quantitative Easing” ou QE), c’est-à-dire de rachat d’obligations (publiques) pour plusieurs milliers de milliards de dollars et d’euros. Sauf que la Banque centrale américaine (Fed) est intervenue beaucoup plus rapidement et vigoureusement que la Banque centrale européenne (BCE), qui n’a par exemple mené sa politique d’assouplissement qualitatif qu’à partir de 2015, soit cinq ans après la Fed.

? Redressement des résultats des entreprises: la “Grande récession” de 2009 a lourdement pesé sur les résultats des entreprises. Mais en raison de la réaction plus rapide et plus ferme de la Fed, ceux-ci se sont redressés plus nettement aux États-Unis, où les marges ont atteint des records historiques. En Europe, le redressement des bénéfices des entreprises est intervenu plus tard, et fut nettement moins marqué.

? Absence de nouvelles crises: les États-Unis n’ont plus connu de véritable crise économique, financière ou immobilière depuis 2009. L’Union européenne semble en revanche naviguer de crise en crise. Du problème grec au “Brexit”, chaque année est marquée par un événement qui perturbe les investisseurs en actions.

Cinq conseils utiles

Nous pouvons estimer que le marché haussier actuel est mature et touche à sa fin. Mais il pourrait aussi bien s’interrompre le mois prochain que dans quelques années. D’où ces quelques conseils sur la manière d’appréhender un marché haussier “mûr” dans la gestion quotidienne d’un portefeuille d’actions.

? Réduisez le pourcentage d’actions: dans la pratique, nous faisons généralement le contraire. Mais conformément au principe “Acheter bas, vendre cher”, il est indiqué de réduire progressivement le pourcentage d’actions en portefeuille à mesure que les Bourses poursuivent leur hausse afin de le protéger d’une brutale inversion de tendance.

? Intégrez une protection: une possibilité consiste à couvrir les portefeuilles d’actions à l’aide d’une “assurance”, p.ex. en achetant un tracker short sur un indice boursier. Un exemple pour le S&P500 est le Proshares Short S&P500 (coté sur NYSE; ticker: SH). Une baisse de l’indice se traduira par une augmentation de la valeur du tracker. Cette couverture n’est cependant pas gratuite. Si l’indice boursier poursuit sa hausse, le tracker perdra d’abord de la valeur. Mais celle du portefeuille va naturellement suivre l’indice.

? Privilégiez les secteurs restés à la traîne: à la fin d’une hausse boursière, il faut avant tout éviter de rester massivement investi dans les actions favorites du marché. Elles sont en effet beaucoup plus exposées à une inversion de tendance que la moyenne du marché. L’ascension finale est généralement portée par les secteurs qui n’ont pas ou que très peu participé à la hausse générale. Si l’on applique ce principe à la situation actuelle, il s’agit de l’énergie, des matières premières et du secteur agricole.

? Préférez les marchés émergents aux Bourses occidentales: l’Europe, mais plus encore les marchés émergents, sont restés en retrait de la hausse des grandes Bourses américaines. L’écart de performance se chiffre en dizaines de pour cent ces dernières années. Mais il tend à se réduire cette année et nous pensons que les marchés émergents se montreront plus performants au cours des mois à venir.

? Préférez la valeur à la croissance: pendant plusieurs années, les “actions de croissance” ont fait nettement mieux que les “actions de valeur”. La hausse spectaculaire d’Amazon par rapport à Wal-Mart Stores dans le secteur américain de la grande distribution en est le symbole. Mais dans ce domaine aussi, nous observons un retournement de tendance ces derniers mois. La transition d’un marché haussier à un marché baissier pèsera beaucoup moins sur les actions de valeur.

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