Danny Reweghs

La croissance l’emporte sur la valeur

Danny Reweghs Journaliste

Si les entreprises de croissance devaient faire l’objet d’une prise de bénéfices dans les semaines qui viennent, il s’agirait sans doute moins d’un éclatement de bulle ou des prémices d’un krach majeur que d’une saine correction.

L’on a beaucoup écrit à son propos ces derniers mois, et il est vrai qu’il ne saurait passer inaperçu: l’écart de performance entre les actions traditionnelles et les valeurs technologiques (ou entre les actions de valeur et les actions de croissance) est énorme, même si la situation évolue légèrement depuis quelques jours. Cet écart existe de longue date, mais il s’est considérablement creusé cette année. Nous avons comparé les performances de l’indice Standard & Poor’s 500 Growth à celles du S&P 500 Value et du S&P 500: depuis la fin mars, le premier s’est apprécié de plus de 26% par rapport à l’indice Value et de près de 12% face au S&P 500, qui accueille certes à la fois des actions de valeur et de croissance, mais où le poids de ces dernières a nettement augmenté depuis quelques années.

L’écart de performance extrême procède en partie d’une différence de valorisation de plus en plus marquée.

Depuis le 1er janvier, soit en moins de trois trimestres, l’écart entre les indices Growth et Value a grimpé à 35% (+25%, contre -10%). L’indice Growth surclasse de 17% le S&P 500. Au cours des 10 dernières années, il a augmenté presque trois fois plus vite que l’indice Value (314%, contre 116%). Avec une hausse de 209%, le S&P 500 se situe entre les deux. Sur 20 ans, la différence est de 77% “seulement”; après l’éclatement de la bulle technologique, en 2000, les actions de valeur avaient en effet dépassé les actions de croissance pendant des années – dans une mesure presque aussi spectaculaire qu’aujourd’hui, mais en sens inverse.

Ecart de valorisation

De nombreux lecteurs nous interrogent sur une série d’actions du Nasdaq et sur les raisons pour lesquelles nous ne les détenons pas, ou plus. La plupart des titres de croissance présentent de très bons fondamentaux et dominent le marché, ce qui leur permet de dégager des marges bénéficiaires et d’accumuler une trésorerie nette très élevées – exactement ce qui manque à maints autres secteurs plus classiques où, en provoquant une lutte pour les parts de marché, la surcapacité obère les marges.

Mais l’analyse révèle également que les valeurs de croissance se sont de surcroît sensiblement appréciées. L’écart de performance extrême procède en partie d’une différence de valorisation de plus en plus marquée. Par exemple, le S&P 500 Growth affiche un rapport cours/bénéfice (C/B) escompté de 34 en moyenne pour les 12 prochains mois (voire, pour les cinq principales valeurs technologiques, de 44), mais ses valeurs s’échangent aussi à plus de 8 fois la valeur comptable et de 5 fois le chiffre d’affaires (CA) en moyenne. Pour le S&P 500 Value, en revanche, le ratio C/B escompté est de 21 et surtout, les actions ne se négocient pas à plus de 2,1 fois la valeur comptable et 1,5 fois le CA. En d’autres termes, les entreprises de croissance sont actuellement appréciées pour leur perfection et il ne faudrait pas grand-chose pour qu’une prise de bénéfices s’amorce dans les semaines qui viennent. Il s’agirait selon nous moins d’un véritable éclatement de bulle ou des prémices d’un krach majeur que d’une saine correction.

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