Danny Reweghs

La Bourse japonaise renaît de ses cendres

Danny Reweghs Journaliste

Lorsque les investisseurs courent derrière des actions aux cours complètement décorrélés de la réalité, une bulle se crée puis se dégonfle, après quoi plusieurs décennies peuvent s’écouler avant que l’indice ne signe un nouveau record. Le franchissement récent du seuil des 30.000 points par le Nikkei en est un exemple.

Cela ne s’était plus produit depuis longtemps: l’indice Nikkei a franchi le seuil des 30.000 points. Cet indice est certes le plus populaire de la Bourse japonaise, mais il en est le moins pertinent. Tout comme l’indice Dow Jones, l’indice de référence de la Bourse américaine. Là, c’est l’indice Standard & Poor’s 500 qui est devenu le plus pertinent. Et sur la Bourse de Tokyo, c’est l’indice Topix. Mais le Dow Jones et le Nikkei présentent l’avantage d’être anciens, et une longue histoire va de pair avec de très nombreuses données.

Le Nikkei n’avait plus franchi le seuil des 30.000 points depuis 1990, ou plus de 30 ans.

Comme les grands marchés occidentaux, la Bourse japonaise bénéficiera de la reprise économique attendue une fois la pandémie de Covid-19 endiguée. Non que la situation économique soit si déterminante pour elle. Si la politique ultra-accommodante de la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, a soutenu les actions américaines, celle de la Banque du Japon a soutenu celles de son pays aussi. Et la dernière est allée encore plus loin: elle a racheté massivement et des obligations et, indirectement, des actions. Ce faisant, la banque centrale japonaise a placé un plancher sous les cours des actions. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les places boursières japonaises se portent bien depuis des années – abstraction faite du dévissage consécutif à la crise sanitaire.

Des décennies d’attente

Nous nous attardons rarement sur l’évolution du Nikkei, et pour cause: la présence d’investisseurs étrangers sur les marchés d’actions japonais est plutôt limitée. Si nous relayons cette nouvelle de la remontée de l’indice au-delà du cap psychologique de 30.000 points, c’est davantage pour préciser que la dernière fois que cela lui est arrivé, c’était… il y a plus de 30 ans (1990) – le record absolu a, lui, été atteint en 1989, à près de 39.000 points – et dès lors pour souligner que lorsque les investisseurs courent derrière des actions aux cours très élevés, complètement décorrélés de la réalité, une bulle se crée puis se dégonfle, après quoi plusieurs décennies peuvent s’écouler avant que l’indice ne signe un nouveau record. Autre exemple: les investisseurs qui ont acheté beaucoup d’actions à Wall Street en 1929 ont dû attendre 1955 (26 ans!) pour récupérer leur mise. Or les investisseurs ont rarement autant de patience.

Il est ressorti d’un sondage réalisé en 2013, année où le Nikkei est redescendu à 8.000 points, qu’à peine 8% des investisseurs qui avaient fait leurs premiers pas en Bourse 24 ans plus tôt (en 1989) étaient encore investis en actions. Tous les autres avaient depuis longtemps acté leurs pertes, grandes ou petites.

Conclusion: si les Bourses continuent sur leur lancée ces prochaines années, les investisseurs risquent bien de vivre ce qu’ont vécu leurs aïeux en 1929 (Wall Street) et en 1989 (Japon). Ce n’est naturellement pas pour demain, mais il serait bon de garder à l’esprit ce scénario.

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