L’opportunité turque

La Turquie est l’un des marchés émergents les plus lourdement affectés par les mouvements financiers spéculatifs qu’on observe depuis plusieurs semaines.

Les marchés émergents sont en difficulté depuis un certain temps, mais la pression s’est brutalement accentuée ces dernières semaines. En cause : des mouvements financiers spéculatifs déclenchés par le programme de tapering de la Banque centrale américaine.

La Turquie est l’un des pays les plus lourdement affectés. En témoigne la dépréciation de la monnaie nationale, la livre turque, et la baisse de l’indice boursier local. La livre a perdu 20% face à l’euro (EUR) et 18% face au dollar (USD) l’an dernier. Le Borsa Istanbul 100 Index (XU100) a déjà abandonné près de 8% depuis le début de cette année, ce qui porte la perte totale à 21% sur les 12 derniers mois.

Pendant des années, la Turquie a pu profiter de la surabondance des liquidités disponibles. Mais parallèlement à sa croissance économique, le pays est également confronté à une forte augmentation des encours de crédit, un taux d’épargne réduit et surtout à un important déficit courant. Celui-ci atteignait 60,8 milliards USD entre janvier et novembre de l’an dernier, soit 7% du produit intérieur brut (PIB). La Turquie pâtit également d’une grande instabilité politique. La position du Premier ministre Erdogan s’est nettement affaiblie l’an dernier. Plusieurs ministres ont été limogés à la suite d’un gigantesque scandale de corruption. Sans compter la proximité de la Syrie, un pays en guerre. L’année 2014 sera très importante pour Erdogan et son parti AK : des élections locales sont au programme le 30 mars et des élections présidentielles suivront en août.

Relèvement des taux

Erdogan s’était vivement opposé à des augmentations des taux pour enrayer la chute de la monnaie. En lieu et place, il a préféré solliciter les réserves de devises. Une cause perdue d’avance, car la Turquie est loin d’être à même de résister à l’emballement des marchés des capitaux. Erdem Basci, le président de la Banque centrale n’a donc pas eu d’autre issue que de relever les taux. La semaine dernière, le taux de référence est passé de 7,75% à 12%. Le taux repo à 1 semaine pour les transactions interbancaires a bondi de 4,5% à 10%. Une intervention que l’on peut qualifier d’énergique. Le taux sur les obligations publiques turques à deux ans s’est envolé à 10,5%. La livre turque a rebondi de 5% face à l’EUR. Reste à savoir à présent si cette évolution est durable.

Le relèvement des taux est surtout problématique pour le secteur bancaire turc, qui voit ses charges d’intérêt augmenter et se trouve obligé de se refinancer à des taux plus élevés. Principalement financé par des prêts à court terme, le système bancaire turc est très fragile, ce qui pourrait déborder à terme sur l’économie réelle. En outre, la qualité des portefeuilles de prêts existants (et notamment les prêts assortis d’un taux variable) risque de se détériorer rapidement. Selon le ministre turc de l’économie, il n’y a aucune raison de s’inquiéter et l’objectif de croissance pour 2014 (une croissance du PIB de 4%) sera atteint sans problème. Une croissance de l’emploi sera de toute manière cruciale pour éviter des troubles sociaux au sein d’une population très jeune.

On peut se demander s’il n’est pas encore trop tôt pour investir sur les marchés émergents, et plus spécifiquement en Turquie. Difficile de répondre à cette question de timing, d’autant que la solution, au-delà des évolutions économiques, dépendra largement des développements à venir sur la scène politique. L’augmentation des taux a sans doute permis à la Turquie de racheter un peu de temps, jusqu’après les élections. Les valorisations dans le secteur financier turc n’avaient en tout cas plus été aussi basses depuis le déclenchement de la crise en 2008. De plus, les marchés financiers anticipent la situation actuelle depuis près d’un an, puisque les troubles politiques et le tapering de la Réserve fédérale n’ont rien de neuf. Nous pouvons donc estimer qu’une grande partie des mauvaises nouvelles sont déjà intégrées dans les cours.

Plusieurs trackers

Pour les investisseurs qui veulent prendre une position sur la Turquie par le biais de trackers, l’aspect timing revêt moins d’importance. Ceux qui préfèrent des produits à levier devront être plus prudents.

Le spécialiste BlackRock commercialise plusieurs trackers sur des pays, y compris sur la Turquie. Dans ce cas, il s’agit de l’iShares MSCI Turkey ETF coté sur le NYSE (ticker : TUR). Le tracker a été conçu pour répliquer l’évolution du MSCI Turkey Investable Market Index. Cet indice se compose de 98 valeurs sous-jacentes, avec une capitalisation boursière moyenne de 7,1 milliards USD. Il est constitué à 45% d’entreprises financières, suivies à bonne distance d’entreprises industrielles (14,5%), des producteurs de biens de consommation (14%) et d’opérateurs de télécommunications. Les frais annuels de gestion ont été fixés à 0,62%. Après une ascension de 66% en 2012, TUR a dû abandonner 27% l’an dernier. Depuis le début de l’année 2014, il a encore perdu 12%.

Le Turkey Certificate émis par RBS Markets est une alternative au tracker iShares. Ce certificat est coté en EUR sur Euronext, assorti du code ISIN NL0000458198. Depuis quelques semaines, il compte parmi les plus négociés. La valeur sous-jacente est le Dow Jones Turkey Titans 20, un indice composé des 20 plus grandes entreprises cotées en Bourse en Turquie. Dans la pratique, le poids du secteur financier y est encore plus important que dans l’indice MSCI. La part des banques et des prestataires de services financiers y atteint 56%. Les biens de consommation et la distribution suivent avec une part cumulée de 20%, et précèdent les télécommunications avec 11%. Le certificat est coté en EUR alors que les actions sous-jacentes le sont en livre turque. On trouve également quatre turbos long et trois turbos short ayant le Dow Jones Turkey Titans 20 comme valeur sous-jacente. Les leviers des turbos long varient entre 2,56 et 8,16.

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