L’hydrogène a de l’avenir, mais soyez sélectif

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On ignore si l’hydrogène vert pourra, à terme, intégralement remplacer le pétrole et le gaz. Quoi qu’il en soit, les projets énergétiques européens lui réservent un rôle de choix. Ce qui profite d’ores et déjà aux actions de certaines entreprises.

Les investissements verts en général, et les actions liées à l’hydrogène en particulier, ont suscité un véritable engouement sur les marchés boursiers en début d’année, époque où les cours ont subitement grimpé de 10%. Ils ont toutefois nettement reculé depuis, et l’attention à leur égard s’est relâchée. Mais bien qu’il ait encore du chemin à parcourir, le thème n’a évidemment pas disparu.

Pour obtenir de l’hydrogène, il faut énormément d’électricité. Aujourd’hui, l’hydrogène est essentiellement produit à partir de combustibles fossiles: c’est ce que l’on appelle l’hydrogène gris, lequel n’est naturellement pas parfait en termes écologiques. Bill Gates s’est lancé sur ce marché, avec le projet Breakthrough Energy, qui se concentre, entre autres, sur l’hydrogène vert et le carburéacteur durable. Le fondateur de Microsoft a su convaincre plusieurs entreprises américaines, comme American Airlines, General Motors et Microsoft elle-même, de faire don d’un milliard de dollars au total au profit de son initiative, par le biais de laquelle il entend contribuer à réduire quasi intégralement les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. La Commission européenne, dont l’hydrogène est un des fers de lance de son Pacte vert, poursuit les mêmes objectifs. Elle a l’intention de consacrer de 240 à 380 milliards d’euros au cours des 10 prochaines années au développement d’une économie de l’hydrogène européenne.

Maintes initiatives

Construit par le français Alstom, le Coradia iLint est le premier train à hydrogène au monde. Les piles à combustible installées sur son toit convertissent l’hydrogène stocké en électricité. L’Allemagne a commandé 41 Coradia iLint, dont le premier devrait être mis en service au début de 2022. Bien que la fabrication d’hydrogène ne fasse pas partie de son business model, Alstom mise beaucoup sur ce carburant propre qui, pour les véhicules lourds notamment, pourrait être une solution d’avenir. Si les trains à hydrogène d’Alstom se répandent, le cours de l’action pourrait partir résolument à la hausse.

L’entreprise de dragage DEME construit à Oman une vaste installation dédiée à la production d’hydrogène vert. L’usine sera destinée à l’industrie chimique, mais l’hydrogène et ses dérivés (méthanol et ammoniac verts) seront vendus à des clients internationaux. Hyport Duqm devrait pouvoir produire, en phase initiale, entre 250 et 500 mégawatts.

DEME construit également, en collaboration avec l’investisseur public ParticipatieMaatschappij Vlaanderen et le port d’Ostende, une usine d’hydrogène qui fonctionnera avec de l’énergie issue de parcs éoliens offshore. Forte d’une capacité de 50.000 tonnes d’hydrogène par an, Hyport Ostende pourrait bien être la plus grande usine européenne de ce type en 2025. Le principal actionnaire de DEME est CFE, contrôlée par Ackermans & van Haaren (AvH). Toutes deux sont cotées sur Euronext Bruxelles. CFE bénéficie à nouveau des faveurs des investisseurs; quant à AvH, elle enregistre elle aussi d’excellents résultats depuis plusieurs mois. Sans être, bien sûr, des “actions hydrogène”, les deux sociétés peuvent, au travers de leur participation dans DEME, surfer sur l’intérêt croissant à l’égard des énergies renouvelables.

Carburant du futur

La production d’électricité au moyen d’énergie éolienne ou solaire est très irrégulière, en tout cas en Belgique. L’électricité excédentaire peut néanmoins être utilisée dans la fabrication d’hydrogène. Stocker ces excédents pour les utiliser ultérieurement est une solution durable, l’hydrogène vert pouvant de la sorte bénéficier d’une électricité bon marché, voire gratuite. L’hydrogène vert est aujourd’hui deux à trois fois plus cher encore que le gris, mais la baisse rapide du coût des énergies éolienne et solaire réduit l’écart entre les deux.

On ignore si l’hydrogène vert pourra, à terme, intégralement remplacer le pétrole et le gaz; quoi qu’il en soit, les projets énergétiques européens lui réservent un rôle de choix. L’hydrogène est en effet facile à produire, puisqu’il suffit de scinder l’eau en hydrogène et en oxygène; pour autant que le processus fasse appel à de l’électricité verte, on obtient une énergie non fossile facile à transporter et à stocker.

La société d’ingénierie belge Tractebel fait partie du groupe français Engie. Elle a élaboré un concept d’usine à hydrogène ancrée au fond marin et étudie par ailleurs des solutions de parcs éoliens flottants susceptibles d’être déployés en eaux profondes, dans lesquels la production d’hydrogène sera intégrée aux éoliennes. Les possibilités sont considérables et Engie entend bien, par le biais de Tractebel, en tirer pleinement profit. Engie est une action à suivre dans le contexte de la transition vers l’hydrogène vert.

Sur l’île allemande d’Heligoland, un consortium réuni autour du groupe énergétique RWE va transporter de l’hydrogène éolien produit sur place. Baptisé AquaVentus, le projet compte pouvoir acheminer un million de tonnes d’hydrogène vert d’ici à 2035. RWE est la seule entreprise allemande impliquée à tous les stades de la chaîne de production d’hydrogène vert, qui va de la génération d’électricité durable à la distribution de l’hydrogène aux clients industriels, en passant par la production et le stockage.

RWE, Royal Dutch Shell et Equinor, notamment, font partie du consortium NortH2, qui ambitionne de créer un système de parcs éoliens marins, d’électrolyseurs, d’installations de stockage de gaz et de pipelines destiné à convertir l’électricité produite par les éoliennes offshore en hydrogène vert, lequel sera ensuite stocké et transporté. NortH2 pourrait donc jouer un rôle majeur dans la concrétisation de l’objectif européen, qui consiste à installer des usines de production d’hydrogène par électrolyse d’une capacité combinée de 40 gigawatts au moins d’ici à 2030. Le titre RWE s’est apprécié de 120% en cinq ans. Relativement stable, le rendement en dividende fluctue autour de 2,5%. RWE évolue dans un secteur tourné vers l’avenir et son action convient au bon père de famille.

Pour les camions

L’Union européenne impose aux constructeurs automobiles de chercher à remplacer les moteurs à combustion, polluants. Les moteurs à hydrogène sont envisagés, mais les piles à combustible à hydrogène ne constituent pas encore une option rentable pour les véhicules légers. Ceci dit, dans la mesure où l’hydrogène fournit trois fois plus d’énergie par kilo que le diesel, il pourrait être une solution pour les camions.

L’hydrogène ne semble en revanche pas encore sur le point de remplacer le kérosène – les scénarios les plus optimistes font état d’une utilisation dans l’aviation après 2045 seulement. La compagnie maritime danoise Maersk a commandé huit porte-conteneurs pouvant fonctionner au méthanol, un carburant neutre en carbone. Les navires, capables d’accueillir 16.000 conteneurs chacun, sont construits par la société sud-coréenne Hyundai Heavy Industries.

De leur côté, les grandes entreprises énergétiques ne sont pas inactives. Nous avons mentionné RWE. Royal Dutch Shell a construit plusieurs stations-service à hydrogène au Royaume-Uni et en Californie. Les producteurs de gaz industriels, tels qu’Air Liquide, Air Products et la société allemande Linde, tirent déjà un chiffre d’affaires de la fabrication d’hydrogène.

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