L’éolien marin a le vent en poupe

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Entre 2016 et 2020, le marché de l’éolien marin a progressé de 29% par an. Un rythme de croissance identique est prévu jusqu’en 2025, après quoi il passera à 13% environ au cours des cinq années qui suivront. Les défis et les risques sont, ceci dit, nombreux.

Nous évoquions la semaine dernière l’importance de l’hydrogène dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les énergies renouvelables jouent évidemment un rôle crucial dans ce domaine elles aussi. Nous avons choisi de nous pencher cette fois sur l’éolien. Si les éoliennes font désormais partie intégrante du paysage, elles ne produisaient toujours, fin 2019, qu’entre 5% et 6% de l’électricité mondiale. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la capacité totale installée s’élève actuellement à 623 gigawatts (GW). Pour limiter le réchauffement à 2 °C, la part de l’éolien doit passer à 30% d’ici à 2050.

L’on a enregistré l’an passé un nombre record de nouvelles installations: 93 GW ont été placés, soit une hausse de 53% en un an. Cette ruée s’explique par l’extinction, à partir de 2020, d’un certain nombre de subventions au profit des installations terrestres en Chine et aux Etats-Unis: pour l’onshore, la croissance, ces cinq prochaines années, devrait donc être à peine supérieure à 1% l’an, après quoi elle s’accélérera à nouveau.

L’éolien offshore progressera, lui, de plus de 30% par an. Sa capacité aura quadruplé d’ici à 2025, ce qui le rendra, ces prochaines années, plus intéressant pour l’investisseur que l’onshore. La capacité offshore mondiale s’élève actuellement à 35 GW, soit une toute petite fraction de la capacité totale. Pour pouvoir limiter le réchauffement à 1,5 °C, elle doit être portée à 270 GW en 2030 et à plus de 2.000 GW en 2050. Entre 2016 et 2020, le marché de l’éolien marin a progressé de 29% par an. Un rythme de croissance identique est prévu jusqu’en 2025, après quoi il passera à 13% environ au cours des cinq années qui suivront.

Le défi du large

Les défis et les risques sont, ceci dit, nombreux. Le prix du kilowatt généré en mer ayant fortement baissé ces dernières années, cette énergie est devenue plus compétitive, mais elle reste plus chère que l’éolien terrestre. La rentabilité de l’offshore dépend toujours des subventions gouvernementales et autres mécanismes de soutien. Les parcs éoliens en mer sont également plus complexes à autoriser et à construire. L’Europe et l’Asie sont les leaders des installations au large des côtes, alors que les Etats-Unis sont à la traîne. Joe Biden veut par conséquent que la capacité marine du pays augmente de 21 à 28 GW d’ici à 2030.

Siemens Gamesa Renewable Energy (SGRE) et Vestas Wind Systems sont les deux grands fabricants exclusivement spécialisés dans les éoliennes au monde. L’Initié de la Bourse évoque régulièrement le second, lequel se concentre toutefois sur l’éolien terrestre. SGRE a vu le jour en 2017, lorsque l’allemand Siemens a racheté le fabricant espagnol d’aérogénérateurs Gamesa. En 2020, l’offshore représentait 26% de son chiffre d’affaires (CA), 34% des nouvelles commandes et 28% des commandes à traiter. SGRE, qui tire des revenus de l’installation de turbines terrestres et de contrats de maintenance des turbines installées, bénéficiera en partie de la croissance de l’offshore. Dans l’ensemble toutefois, le groupe est moins rentable et moins performant que le constructeur danois Vestas, très peu présent pour l’heure au large des côtes. Sur le plan financier, SGRE est une entreprise saine, raisonnablement endettée. Depuis la récente baisse du cours de son action, sa valorisation est plus acceptable, mais les doutes à propos de sa rentabilité sont tels que nous n’investirions pas maintenant.

L’entreprise suisse Gurit Holding est le numéro 1 mondial de la production de pales d’éoliennes. Son activité s’articule autour de quatre segments: la fourniture des matières plastiques et du bois nécessaires à la production de pales; la production des colles et des mastics qui entrent dans la composition des pales; la production des moules dans lesquels sont coulées les pales, un segment qu’elle domine sur le plan mondial; et enfin, les réparations des pales installées. Gurit réalise plus de 80% de son CA dans le secteur de l’éolien. Son savoir-faire est crucial pour l’offshore: autrefois, les pales étaient longues de 20 à 30 mètres, contre plus de 100 aujourd’hui, ce qui exige de solides connaissances des matériaux plastiques, lesquels doivent être à la fois légers et résistants. Gurit a franchi un grand pas en 2020, en passant du PVC au PET recyclé. Elle a beaucoup investi ces dernières années dans deux usines de PET, situées en Inde et au Mexique. Le balsa, un bois tropical, est un autre matériau important, mais Gurit l’abandonne désormais au profit du PET, plus durable. La mutation a beau avoir pesé sur les derniers résultats, elle place la société dans une position plus avantageuse pour l’avenir.

L’année dernière a été exceptionnellement bonne pour Gurit, en raison de la forte demande. Celle-ci ralentissant cette année, les résultats vont s’en ressentir. Les investissements évoqués plus haut ont de surcroît provoqué une diminution des flux de trésorerie, mais le programme est presque achevé. Gurit affiche d’importants fonds propres et un ratio d’endettement pas trop élevé, ce qui lui permettra de continuer à investir. La rentabilité et la croissance s’annonçant inférieures, au cours des prochains trimestres, à ce qu’elles étaient l’an dernier, le titre a chuté de plus de 30% depuis janvier. Il pourrait rester sous pression un temps encore car après les excellents résultats enregistrés en 2020, le secteur de l’éolien doit recommencer à séduire. Cette baisse de cours a ramené la valorisation à des niveaux acceptables. L’investisseur ayant un horizon long et qui n’est pas encore exposé au secteur de l’éolien, peut prendre une position dans Gurit.

Transport maritime

La construction de parcs éoliens en mer exige un transport et une logistique spécifiques. Les navires acheminent les matériaux, interviennent dans l’installation des aérogénérateurs et assurent le câblage des fonds marins. Seaway 7 cible précisément ce domaine. Le groupe norvégien est né il y a quelques mois à peine de la fusion entre OHT, une compagnie norvégienne spécialisée dans le transport maritime et l’installation d’éoliennes en mer, et la division Energies renouvelables de Subsea 7, établi de longue date dans la construction de plateformes pétrolières et gazières au large des côtes. Seaway 7 dispose grâce à cette fusion d’une flotte qui lui permet de prendre en charge la construction complète de parcs offshore, depuis le creusement des fondations jusqu’à l’installation des aérogénérateurs en passant par le câblage sous-marin. Subsea 7 lui assure en outre une assise financière suffisante pour continuer à investir dans l’expansion de sa flotte. Seaway 7 qui, grâce à la fusion, n’a pratiquement aucune dette, est présent sur les principaux marchés offshore, ce qui le place en bonne position pour profiter de la croissance de cette activité durant les prochaines décennies. Le groupe est coté sur l’Euronext Oslo Growth Market, mais devrait faire son entrée dans la Bourse principale l’an prochain. Au profit, sans doute, d’une augmentation de son flottant, qui ne dépasse pas 7% actuellement.

La société belge de dragage DEME est un concurrent majeur de Seaway 7. Filiale de CFE, spécialisé dans l’ingénierie marine, le contracting et la promotion immobilière, et du holding Ackermans & van Haaren, DEME a réalisé, en 2020, 43% de son CA dans des projets offshore, et assuré 68% du CA de CFE. CFE tirera un profit indirect de l’essor de l’éolien offshore dans les années qui viennent.

Autre acteur appelé à bénéficier de la tendance: le groupe italien Prysmian, spécialisé dans la production et l’installation de câbles sous-marins pour les secteurs des télécommunications, du pétrole et du gaz et dont les services sont essentiels pour les parcs éoliens au large des côtes également. L’entreprise compte parmi ses clients les principaux constructeurs de parcs éoliens, et l’éolien marin représente une part de plus en plus importante de son CA (les chiffres exacts ne sont pas publiés). Prysmian a émis cette année un avertissement sur bénéfices positif, que le cours de l’action a fortement anticipé; sa valorisation est dès lors tendue, ce qui rend le titre moins intéressant. Il s’agit toutefois d’une action à suivre, voire à intégrer en cas de repli.

Quatre grands acteurs de l’éolien marin

Nom

Capit. boursière

Cours

Perf. cours sur 1 an

Perf. cours sur 5 ans

C/B 2021

Rendement en dividende

SGRE

14 milliards EUR

20,49 EUR

-16%

-2%

Gurit Holding

732 millions CHF

1.698 CHF

-19%

+92%

30

1,80%

Seaway 7

8,6 milliards NOK

20,2 NOK

93

Prysmian

7,9 milliards EUR

29,6 EUR

+15%

+29%

23

1,70%

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