Grèce: sauvetage ou tragédie ?

Tout le monde le sait, la Grèce est et sera incapable de rembourser ses dettes. On devra tôt ou tard se résigner à effacer la plus grande partie de celle-ci.

Ce 5 juin, la Grèce devra rembourser 302,5 millions d’euros (EUR) au Fonds monétaire international (FMI). Ce n’est que le premier versement de ce mois. Trois autres suivront jusqu’au 19 juin, pour un total de 1,6 milliard. La péninsule ne possède pas cette somme. Elle n’a pas l’intention non plus de faire de ces remboursements une priorité.

Les instances européennes ont dans l’intervalle démontré leur noblesse. Elles ne pourront accepter aucun plan de la Grèce sans l’aval du FMI. Le Fonds, pour sa part, souhaite que les autres créanciers de la troïka mettent un peu d’eau dans leur vin. Car si jamais la Grèce faisait défaut, le FMI devrait stopper tout contact avec elle séance tenante. Dans de telles conditions, il lui serait impossible d’imposer de nouvelles mesures. Les membres de la troïka se tirent une balle dans le pied. Le gouvernement grec, quant à lui, continue de prétendre que tout va s’arranger. Il n’a nullement l’intention de quitter la zone euro. Il joue donc tout aussi durement le jeu que celui de la troïka à son égard. Ce qui énerve au plus haut point le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble. Celui-ci préférerait voir la Grèce quitter la zone, de sorte à rester entre gens convenables.

Assouplissement

Les ministres des Finances du G-7 sont actuellement réunis à Dresde pour préparer la réunion des chefs d’Etat qui se tiendra les 7 et 8 juin prochains. C’est à cette occasion que le FMI a laissé entendre qu’il était disposé à octroyer un délai de quinze jours supplémentaires à la Grèce en vue d’aboutir à un accord. Certes, il est clair que ce ne sont pas les Grecs qui ont demandé pareille rallonge, mais bien les membres de la troïka. C’est que l’avenir de l’euro est en jeu, ainsi que celui de la survie du système financier mondial. Les Américains en sont conscients et tentent de peser sur la Banque centrale européenne (BCE) et les instances de l’Union pour qu’elles assouplissent leur point de vue à l’égard de la Grèce. Pour l’instant, rien ne présage une telle éventualité. Les ministres campent sur leurs positions et affirment à l’envi qu’ils respectent leurs principes, eux. Ni les ministres, ni les chefs d’Etat ne sont disposés à modifier les traités afin de se faciliter la tâche. Ils craignent tous que la sanction des urnes leur soit défavorable. Il est vrai que la victoire des eurosceptiques en Espagne et en Pologne n’augure rien de bon. Ils voudraient pouvoir se débarrasser du problème grec et consacrer leur énergie à d’autres sujets plus importants à leurs yeux. Il est peu probable qu’ils en auront l’occasion, la Grèce exigera toute leur attention.

L’influence d’un dérapage grec sur les marchés financiers est d’ailleurs beaucoup plus importante que ne veuillent bien l’admettre les politiciens et la majorité des économistes. En fonction des appréhensions, les marchés ont oscillé toute la semaine passée. Statistiquement, la Grèce ne pèse effectivement pas lourd. Mais le problème qu’elle a engendré démontre les lacunes dans la construction européenne. Des lacunes que seule la politique est en mesure de résoudre. Car tout le monde le sait pertinemment, bien que peu osent le dire tout haut, la Grèce est incapable de rembourser ses dettes aujourd’hui ou demain. On devra tôt ou tard se résigner à effacer la plus grande partie de celle-ci. Il vaut par conséquent mieux s’y atteler dès aujourd’hui plutôt que de laisser la situation s’envenimer et risquer que tout s’effondre.

A la fin de l’année, le FMI révisera les quotas de ses membres. Cela fait des années que les pays émergents réclament une revalorisation de leur quote-part. Ce que les Etats-Unis refusent catégoriquement. Le comité directeur du Fonds a toutefois l’intention de mener cette révision à bien. Il a même prévu de faire participer le yuan chinois (CNY) au calcul de la valeur du Droit de Tirage Spécial (DTS), le numéraire qu’affectionne le FMI. Et ce, malgré les réticences des Américains.

Récession américaine

Les marchés ont été surpris, vendredi passé, par la révision de la croissance au premier trimestre aux Etats-Unis. Au lieu d’enregistrer une croissance faiblarde de 0,2%, il s’avère que le pays a reculé de 0,7% et se retrouve en récession. Il y a peu de chance que la banque centrale (Fed) relève ses taux directeurs comme prévu cet automne. Les perspectives du dollar (USD) s’assombrissent également. Le billet vert a perdu une large partie de ses gains réalisés au cours de la semaine passée grâce au recul du prix des matières premières et à l’évolution de la crise grecque. Il a cependant terminé en hausse de 1,8% face à l’EUR.

Les devises liées aux matières premières ont souffert. Presque toutes ont clôturé en baisse. Elles ont limité les dégâts en fin de semaine. Le rouble russe (RUB) a néanmoins perdu 2,8%, le real brésilien (BRL) 1,7%, le dollar néo-zélandais (NZD) 1,5%, la couronne norvégienne (NOK) 1,45%, le rand sud-africain (ZAR) 1,4%, le dollar australien (AUD) 1,2% et le canadien (CAD) 0,2%. Seul le peso mexicain (MXN) a gagné 1%.

Qualité privilégiée

D’importants glissements ont eu lieu sur le marché des capitaux. Les investisseurs ont échangés leurs titres de moindre qualité contre d’autres de qualité supérieure. Les souverains européens en ont profité. Même la Grèce s’est redressée en yen nippon (JPY). La tendance générale était néanmoins positive, sauf parmi les devises à haut rendement, à l’exception du BRL. Les échelles des taux d’intérêt se sont légèrement aplaties tout en glissant vers le bas. Le mouvement était dérisoire, limité à quelques points de base (centième de 1%).

Le marché primaire continue de tourner à plein régime. Les émissions d’envergure sont devenues monnaie courante. Le nombre d’émetteurs chinois progresse, essentiellement en USD. Leurs émissions ne sont pas destinées aux investisseurs occidentaux, rarement dirigées par une banque occidentale et ne cotant quasiment jamais en Occident. Elles privilégient les Bourses de Hong Kong et de Singapour.

Rien pour les petits porteurs

Les petits porteurs n’ont de nouveau rien de convenable à se mettre sous la dent. Ce qui leur est destiné comporte rarement des conditions attrayantes, même si elles sont techniquement correctes. Le surrendement de la RCI Banque (Baa3), la filiale financière de Renault, par exemple, ne fait que 0,89% par rapport à la moyenne du marché. Ce qui est insuffisant. Parmi les obligations pourries, Europcar (B3), la firme française de location de voitures, et Shanks (sans notation), la firme anglaise de traitement de déchet, lancent chacune un emprunt à 7 ans en EUR. Ces derniers résistent bien sur le marché gris. Ils offrent respectivement 5,5% et 2,89% de plus que la moyenne du marché. KfW (AAA, avec garantie de l’Allemagne) en lire turque (TRY) est techniquement correcte mais ne mérite pas de recommandation.

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