Friture persistante sur les lignes européennes

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A court terme, aucune amélioration notable n’est à attendre dans le secteur européen des télécoms. Les valorisations sont faibles, mais parfois doublées d’une rémunération pour l’actionnaire.

L’industrie européenne des télécommunications, un secteur généralement considéré comme défensif (produisant des cash-flows stables et procurant, bien souvent, un rendement de dividende intéressant), connaît une nouvelle année décevante. Le secteur sous-performe toujours la moyenne boursière. Ces derniers temps, les entreprises font quasi systématiquement état d’une croissance faible ou nulle de leur chiffre d’affaires, qu’expliquent la concurrence, intense, et les baisses de tarif imposées par la Commission européenne. Sur le marché belge, la perspective de l’arrivée d’un quatrième opérateur mobile a entraîné la chute des actions des acteurs existants.

Organes de contrôle

Le secteur des télécoms subit une pression tant de la part des organes de contrôle nationaux que des instances européennes. Il n’a pas seulement dû encaisser plusieurs abaissements du prix des communications. Même les frais d’itinérance (roaming), que payaient les utilisateurs lorsqu’ils passaient des appels par l’intermédiaire du réseau d’un opérateur étranger, ont été intégralement supprimés (le 15 juin 2017). Et ce n’est pas tout. Les tarifs de terminaison d’appel ont été plafonnés. Ces mesures ont affecté le chiffre d’affaires et la rentabilité de la plupart des opérateurs européens.

Il n’est certes pas illogique de voir les investisseurs délaisser un secteur qui voit son pouvoir de tarification s’amenuiser à ce point. Il faut savoir, toutefois, que l’effet des réductions forcées des tarifs s’atténuera au fil des ans. Et qu’en outre, les spécialistes du secteur s’attendent à ce que les utilisateurs mobiles génèrent de plus en plus de chiffre d’affaires à l’étranger. Le trafic de données, en particulier, devrait augmenter. Une chose est sûre, par ailleurs: il n’y a plus beaucoup de tarifs que la Commission européenne peut encore réduire.

Convergence

Par convergence, on entend, ici, la combinaison de services fixes et mobiles. Grâce à cette formule, les clients peuvent s’adresser à un seul fournisseur pour obtenir la téléphonie fixe et mobile, l’Internet et la télévision numérique. Les entreprises qui ne disposent pas de l’infrastructure nécessaire peuvent soit l’acheter, soit coopérer (joint-venture) avec un autre opérateur pour en profiter. Ainsi en Belgique Telenet a-t-il racheté le réseau de Base à KPN afin d’avoir son réseau mobile propre et donc, de ne plus devoir louer à Orange Belgium sa capacité. Mais la convergence n’est pas la recette miracle. Car elle implique que les acteurs ne se distinguent plus de leurs concurrents seulement par le nombre de services proposés, mais aussi par le contenu. Désormais, les opérateurs acquièrent des droits pour pouvoir réserver du contenu en exclusivité à leurs abonnés – pensons aux droits de retransmission du championnat de football. C’est un moyen, pour les opérateurs, de concurrencer des géants comme Netflix ou Amazon. Et la frontière entre les acteurs télécoms et médias est de plus en plus floue. Chez nous, Telenet est propriétaire des chaînes de télévision flamandes Vier, Vijf et Zes. Cela dit, investir dans le contenu demeure souvent très coûteux pour les opérateurs. Pour améliorer le rendement, il leur faudra trouver autre chose.

Concurrence intense

Les entreprises du secteur devraient souffrir un temps encore de la pression sur les tarifs, même sans nouvelle ingérence des pouvoirs publics, en raison de la concurrence croissante en Europe. Le discounter Iliad a déjà bouleversé les marchés français et italien. En Belgique, Proximus dispose avec Scarlet de sa propre filiale à bas coûts, et Orange Belgium se profile comme un discounter dans la nouvelle offre de télédistribution. Les pouvoirs locaux mettent par ailleurs tout en oeuvre pour doper la concurrence.

Simultanément, les baisses des tarifs bouleversent les modèles opérationnels existants. Pour rester compétitives, les entreprises doivent moins maintenir à niveau leur service, et si possible continuer à l’améliorer. Cela nécessite de lourds investissements. Dans la téléphonie mobile, la 5G, qui accélère encore le trafic de données, est à nos portes. En outre, il faut investir encore dans le réseau fixe (fibre optique). Mais il est difficile de rentabiliser ces investissements: les groupes de télécommunications ne peuvent se réserver la capacité dans laquelle ils ont investi, d’autres fournisseurs doivent également pouvoir l’utiliser. En Belgique, Telenet a dû ouvrir son réseau de télédistribution à la concurrence en 2011. Proximus devra bientôt l’imiter pour le réseau de fibre optique dans lequel il investit considérablement depuis 2016. Ce n’est d’ailleurs pas seulement la concurrence directe qui profite de leurs dépenses dans des réseaux rapides. Netflix, Spotify, Google et Facebook en récolteront directement les fruits.

Fusions et acquisitions

Sur le marché des télécoms, il n’est possible d’accroître son chiffre d’affaires qu’en ravissant des parts à un concurrent. En cassant les prix, mais cela nuira aux marges, ou – et c’est presque l’unique autre option – en se consolidant. On a assisté à plusieurs fusions/acquisitions dans le secteur, ces dernières années. Qui n’ont pas toutes été couronnées de succès sur les plans opérationnel et financier (pensons à Altice)! Un modèle d’affaires fondé sur la croissance par acquisitions se heurte inévitablement à ses limites quand les coûts de financement sont élevés. Ajoutons qu’une brutale hausse des taux pourrait avoir raison de toute velléité de consolidation.

En Belgique, de telles opérations restent peu probables. Telenet est entre les mains du groupe de télédistribution américain Liberty Global. Pas de risque pour Orange Belgium: la maison mère, en France, tient les rênes. Quant à Proximus, son actionnaire majoritaire est l’Etat belge. Que peuvent encore faire les opérateurs, si fusionner n’est pas non plus la solution idéale? Réduire les coûts? Certes, mais il est impossible de les minimiser indéfiniment.

De bien basses valorisations

A court terme, il ne faut pas s’attendre à une amélioration notable dans le secteur. Si l’effet de la réglementation sur les tarifs se dissipera peu à peu, la concurrence tend à s’intensifier. Les valorisations sont faibles, mais parfois doublées d’une rémunération pour l’actionnaire. En Europe, Orange (FR) et Telefonica détonnent: leur valorisation est inférieure à la moyenne du secteur et le rendement élevé les rendent attrayantes. Il en irait presque de même de Vodafone, qui n’a plus été aussi bon marché depuis 2009 et dont le rendement du dividende dépasse les 8% (brut), si le groupe n’était très endetté.

Les entreprises de télécommunications belges s’échangent moyennant une décote par rapport à l’indice large et, dans le cas de Proximus et d’Orange Belgium, même par rapport à la moyenne du secteur. Cette dernière allie une valorisation particulièrement attrayante et des marges d’amélioration sur le plan opérationnel.

Nous recommandons de conserver les actions Proximus et Telenet. Leur rendement est appréciable; mais l’on peut voir dans ce cadeau (dividende élevé) un aveu de manque de possibilités de croissance.

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