Des prestataires de services pétroliers très à la traîne

Les actions du secteur, et en particulier celles des prestataires de services pétroliers, s’échangent toujours nettement en deçà de leurs sommets historiques. Consolation: les majors offrent un rendement de dividende élevé.

Le pétrole est au coeur des préoccupations des marchés depuis plusieurs années. En 2015, l’or noir avait enfoncé de nombreux planchers. Entre l’automne 2014 et le début de 2016, le prix du baril (fût de 159,24 litres) de Brent (Mer du Nord) a plongé de 115 à 28 dollars. Le marché du pétrole est entré dans une nouvelle ère – l’acquisition récente d’Anadarko Petroleum par Chevron l’illustre aussi. Le cours du pétrole s’est peu à peu redressé depuis ces années noires, non sans accès de volatilité. Pourtant, le marché semble ignorer ce redressement.

De 80 à 50… à 70 dollars

Pour la première fois depuis des décennies, les membres de l’Opep (l’Organisation des pays exportateurs de pétrole) ont, le 30 novembre 2016, décidé de réduire leur production journalière de 1,2 million de barils. Dans le même temps, 11 pays non-membres du cartel, dont la Russie, se sont engagés à diminuer chacun leur production de 500.000 barils par jour. L’accord a été qualifié d’historique; grâce à lui, la tendance allait s’inverser. Le Brent est ainsi passé de 45 dollars à près de 85 dollars en deux ans. Pour la première fois depuis 2015, nombre de spécialistes ont à cette période envisagé un retour du cours à 100 dollars. Deux mois plus tard, le cours dégringolait en direction des 50 dollars.

La levée partielle des limitations de production a manifestement permis de compenser la baisse des exportations de pétrole iranien consécutive au boycott décrété par les Etats-Unis. Voilà pour l’offre. La demande a elle aussi évolué. Le conflit commercial sino-américain a, bien entendu, eu des répercussions sur l’économie mondiale. Selon Bloomberg, 2018 a été le témoin du ralentissement de la croissance mondiale le plus marqué depuis la crise bancaire d’il y a 10 ans. L’économie mondiale n’a enregistré qu’une croissance de 2,1% au dernier trimestre de l’an passé, son taux le plus bas de la décennie. La mauvaise santé de l’économie mondiale a entraîné un nouveau plongeon du cours du pétrole fin 2018.

L’Opep a réagi: il produit toujours moins. L’Arabie Saoudite contribue à l’effort; elle entend introduire en Bourse la compagnie publique Aramco au cours le plus élevé possible. La Russie également participe à l’effort. Comme d’autres pays, elle espère un baril cher, pour renforcer son économie. Le baril de Brent a rebondi à 70 dollars il y a quelques jours.

Imprévisible brut

L’évolution du cours de l’or noir étant de plus en plus difficile à pronostiquer, les cours prévisionnels ne sont plus jamais très éloignés des cours réels. Ainsi pour 2019, comme pour 2020 d’ailleurs, le consensus vise-t-il pour l’heure les 65-70 dollars.

L’essoufflement de la croissance économique mondiale affecte, quoique dans une faible mesure, la demande de pétrole. Mais, actuellement réduite, l’offre a, elle, une incidence positive sur le cours du pétrole. L’on a par ailleurs constaté que la baisse prononcée du cours de l’or noir au cours du quatrième trimestre de 2018 a eu pour effet, entre autres, de ralentir la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis.

Les éléments participant aux fluctuations des cours du pétrole sont nombreux. L’actuelle instabilité politique au Venezuela et en Libye, par exemple, entraîne une nette baisse de la production de pétrole dans ces pays.

Grands écarts

Comme nous le disions, les cours des actions des compagnies pétrolières n’ont pas évolué dans le sillage de ceux du baril de pétrole, depuis le plus-bas de ce dernier. Et les prestataires de services accusent un recul plus marqué encore. On le constate en comparant l’évolution de l’indice Stoxx600 Oil&Gas à celle du cours du pétrole d’une part et à celle du tracker VanEck Vectors Oil Services d’autre part. Sur les cinq dernières années, l’indice n’a progressé que de 1%, tandis que le Brent gagnait 58%. Les rendements de dividendes élevés qu’offrent les majors réduisent cependant l’écart à 27% (+31%, contre +58%). L’écart de performance entre le tracker (services pétroliers) et le cours du baril est encore plus marqué: 110% (-52%, contre +58%).

Bénéfices en cause

Ce retard des actions du secteur, plus prononcé chez celles des prestataires de services, sur l’évolution du prix du pétrole tient à l’évolution des bénéfices: leur redressement n’a pas été aussi important qu’escompté.

Prenons le plus grand prestataire de services pétroliers au monde, le groupe franco-américain Schlumberger. A la mi-2014, son action s’échangeait à un cours record d’un peu moins de 120 dollars. Il est retombé à quelque 35 dollars en décembre 2018, un plongeon de 70%. Ces derniers mois, le cours s’est redressé de 20%. Seulement.

En 2014, le groupe a réalisé son meilleur chiffre d’affaires (48,6 milliards de dollars), des cash-flows opérationnels (Ebitda) de 13,7 milliards de dollars (marge d’Ebitda: 28,2%) et un bénéfice par action de 5,61 dollars (marge bénéficiaire: 20,5 %). En 2018, le chiffre d’affaires du groupe a baissé d’un tiers, à 32,8 milliards de dollars, l’Ebitda, à 6,8 milliards (marge d’Ebitda: 20,7%) et le bénéfice par action, à 1,64 dollar (marge bénéficiaire: 10,2%), par rapport à celui de 2014. La baisse d’un tiers du chiffre d’affaires a entraîné une diminution de moitié de l’Ebitda et de 70% du bénéfice par action.

Il faut dire que les prévisions moyennes des analystes étaient très différentes de celles d’aujourd’hui, il y a deux ans. Le consensus tablait sur un bénéfice d’environ quatre dollars par action pour cette année. Celui-ci a été constamment revu à la baisse, jusqu’à 1,6 dollar par action. Les analystes ne s’attendent donc pas à voir le bénéfice de Schlumberger augmenter cette année. Mais ils envisagent une hausse (modeste) du chiffre d’affaires, à 33,4 milliards de dollars. Autrement dit: les marges vont encore se détériorer, cette année.

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