Danny Reweghs

Des figues avant Pâques

Danny Reweghs Journaliste

Depuis mars 2020, les banques centrales sont sur le pont pour éviter une crise économique et financière profonde et structurelle. Pour notre part, nous sommes curieux de voir comment seront gérées, ensuite, les conséquences des largesses budgétaires et les montagnes de dette en résultant.

Savez-vous ce que signifie “Arriver comme des figues après Pâques”? Cette expression aujourd’hui désuète désignait une chose arrivée trop tard et donc devenue hors de propos. Autrefois, les figues sèches, qui faisaient partie des rares aliments pouvant être consommés pendant le carême, devaient être importées depuis la Turquie. Si elles arrivaient trop tard, elles perdaient toute leur valeur, puisque les chrétiens reprenaient une alimentation normale après Pâques.

Face à la pandémie, les gouvernements et les banques centrales craignent manifestement de recevoir leurs figues après Pâques: ils ne veulent en aucun cas rater le coche et font dès lors preuve d’une vigilance et d’une anticipation remarquables. Depuis mars 2020, tout le monde est sur le pont pour éviter une crise économique et financière profonde et structurelle.

Les cigales européennes

C’est sous cet angle que doivent être comprises les récentes décisions récentes des deux principales banques centrales. La Réserve fédérale (Fed) a relevé ses anticipations de croissance et d’inflation, tout en indiquant qu’elle ne toucherait pas aux taux avant 2023. La Banque centrale européenne (BCE) a pour sa part décidé d’accélérer ses rachats d’obligations pour freiner dès ses prémices l’emballement des taux.

Sur le plan budgétaire, l’Union européenne apporte une réponse bien différente de celle d’il y a dix ans, lors de la crise bancaire. Jean de La Fontaine aurait constaté que nous n’agissons plus comme des fourmis, mais comme des cigales. En 2008, l’Europe, menée par l’Allemagne, prônait, pour surmonter la crise, une extrême discipline budgétaire et un allègement des déficits. De nombreux politiques affirment aujourd’hui que cette politique a tué la reprise économique dans l’oeuf et privilégient désormais la largesse budgétaire.

Ce modèle suppose toutefois un prérequis essentiel: les gouvernements européens ne doivent payer que peu ou pas d’intérêts sur cet endettement supplémentaire, ce qui implique que les taux à long terme restent bas et inférieurs à l’inflation. Or vu l’évolution de ces dernières semaines, c’est tout le contraire qui risque de se produire.

Clairement, les décisions de la BCE et de la Fed montrent que les “colombes” (partisans d’une politique monétaire très conciliante) dominent encore largement les “faucons” (ceux qui plébiscitent une politique stricte et restrictive). Tout le monde veut visiblement donner toutes les chances à la reprise économique. En d’autres termes, les figues doivent impérativement être livrées à temps – avant Pâques, et pas après!

Pour notre part, nous sommes curieux de voir comment, dans un an ou deux, les autorités politiques et monétaires géreront la gueule de bois budgétaire et les montagnes de dettes qui résulteront des choix actuels. Resterons-nous des cigales, ou redeviendrons-nous fourmis? La période s’annonce à la fois fascinante et volatile sur les marchés financiers.

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