Cher, l’investissement électrique !

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On sera prudent à l’égard des actions du secteur électrique les plus populaires du moment, dont les cours ont récemment atteint des hauteurs spectaculaires. Nous éviterions l’action Tesla, et profiterions de toute correction pour acquérir BYD Company (batteries) ou Aumann (éléments de moteurs), par exemple.

Les moteurs diesel ou essence polluant trop, une transition énergétique est indispensable, entend-on. Les voitures électriques seraient l’avenir. Un nombre croissant d’investisseurs s’interrogent dès lors sur la manière d’intégrer ces voitures dans leur portefeuille. Mais, est-il si judicieux pour l’investisseur de miser pleinement sur ce marché ? Les voitures électriques sont-elles la solution ? Et que se passera-t-il, en outre, si la Chine réalise son ambition de devenir un acteur dominant dans le segment des batteries ? Car l’investisseur n’a pas oublié ce qu’il est advenu des producteurs de panneaux solaires. On sera donc prudent vis-à-vis des actions du secteur électrique les plus populaires du moment, dont les cours ont récemment atteint des hauteurs stratosphériques. À l’instar des prix des voitures électriques.

Tesla, vedette de la Bourse

Qui parle de voitures électriques pense immédiatement à Tesla Motors. L’entreprise (parmi d’autres) du visionnaire Elon Musk est une authentique vedette à Wall Street avec une valeur boursière proche de 60 milliards de dollars. C’est nettement plus que Ford Motor (moins de 50 milliards de dollars), c’est presque autant que General Motors (65 milliards de dollars), et ce n’est plus très loin de Volkswagen (près de 75 milliards d’euros). Pourtant, avec moins de 50.000 véhicules livrés au premier semestre, Tesla reste un constructeur de niche dont le volume de ventes représente à peine une fraction de ceux des grands constructeurs automobiles.

La capacité de l’entreprise à justifier une valeur boursière gigantesque de 60 milliards de dollars dépendra du nombre d’exemplaires de son troisième véhicule électrique, le Model 3 (la version de base coûte 35.000 dollars), qu’elle parviendra à écouler, et surtout des marges qu’elle pourra réaliser. Le Model 3 doit être celui de la percée commerciale si le groupe veut réaliser ses projets ambitieux, dont la construction de “gigafactories” pour la production de batteries et d’autres éléments de voitures électriques.

Manifestement, nous ne sommes pas seuls à penser que Tesla va au-devant d’années difficiles. Sur le marché obligataire, où sont actifs des investisseurs plus prudents, la dernière obligation en dollar de Tesla affiche un rendement de 5,50%. Avec une note B- chez Standard & Poor’s, Tesla relève en effet des émetteurs spéculatifs. Sa charge d’endettement est proche de 10 milliards de dollars. Les grands constructeurs aussi ont amorcé le virage électrique, et la lutte sera âpre pour Tesla. Nous éviterions l’action.

Suffisamment d’électricité ?

Par ailleurs, est-elle aussi innocente qu’on le prétend, la voiture électrique silencieuse ? Dans le monde, environ 60% de l’électricité que consomment nos Tesla et autres BMW i3 est produite à partir de charbon et de gaz. Des combustibles fossiles, donc, au même titre que les voitures essence ou diesel traditionnelles. En Europe, la situation est moins grave, puisque de nombreuses sources d’énergie n’émettent pas de CO2. Pensez aux centrales nucléaires, à l’énergie éolienne ou solaire, à l’hydro-électricité. En Belgique, les voitures électriques émettraient 3 à 4 fois moins de CO2 au kilomètre qu’une voiture classique. Pour autant que l’approvisionnement en électricité soit suffisant. À ce propos, d’où la Belgique tirera-t-elle suffisamment d’électricité si la percée de la voiture électrique coïncide avec la fermeture des centrales nucléaires ?

Une voiture électrique, comme toute autre voiture, émet du CO2 tout au long de sa vie : lors de la production, de la livraison, de l’utilisation, mais aussi lors du recyclage des différents composants. Par ailleurs, la production de batteries pour voitures électriques s’avère très polluante. Ces dernières exigent en effet des matériaux rares comme du lithium et du cobalt. Leur extraction n’aurait rien d’écologique.

La part des véhicules équipés de motorisations alternatives (électrique ou hybride) a augmenté de 2,9 à 3% en 2016. Si la voiture électrique trouve de plus en plus de partisans, le chemin à parcourir est donc encore long. Beaucoup dépendra du développement des batteries. En 2025, les Li-ion représenteront de loin le plus grand segment du marché des batteries rechargeables.

Asie

Le groupe sud-coréen Samsung est bien connu chez nous comme fabricant de téléviseurs et de smartphones. C’est aussi l’un des premiers fabricants mondiaux de batteries pour voitures électriques. LG Chemical, une autre entreprise sud-coréenne, est l’un des plus grands groupes chimiques au monde. Il possède des usines en Chine, où il a nettement étendu la production de batteries.

Le groupe japonais Panasonic va prendre une participation dans la ” gigafactory ” de Tesla Motors, qui deviendrait le fournisseur exclusif de batteries pour la Tesla Model 3. Les batteries (peu à peu obsolètes) qui équipent le Model S et le Model X viennent déjà de Panasonic.

Le groupe chinois Guoxuan High Tech fabrique des batteries lithium-ion, mais aussi des accumulateurs, des moteurs, des systèmes de contrôle de véhicules, des éclairages de secours au lithium-ion, des dispositifs de stockage d’énergie et des piles. Une autre entreprise chinoise, BYD Company, prend à son compte la moitié de la production mondiale de batteries nickel-cadmium, ainsi qu’un tiers de toutes les batteries lithium-ion utilisées dans les téléphones mobiles. BYD Auto veut même devenir un producteur important de voitures hybrides et électriques. Le grand investisseur Warren Buffett possède déjà un quart de ses actions. BYD Company recèle assurément du potentiel à long terme, mais l’action a gagné 75% ces derniers temps, et sa valorisation est pour le moins tendue. Toute correction constituerait une opportunité.

Plus près de chez nous

Aumann se négocie sur la Bourse de Francfort depuis le printemps. Le producteur allemand d’éléments de moteurs électriques et à combustion ainsi que de composants légers profite beaucoup du vent nouveau qui souffle dans le secteur de la mobilité électrique et des bobines pour moteurs électriques. L’action a doublé de valeur en six mois, mais a décroché récemment à l’annonce de l’acquisition de Karl Utz Sondermaschinen GmbH. Peut-être un nouveau repli offrira-t-il une opportunité.

La demande de lithium proprement dit, le matériau de base, est en forte hausse, mais il ne faut pas s’attendre à une hausse spectaculaire des cours tant que l’offre peut suivre. Nous gardons un oeil sur les producteurs de lithium Albemarle et Advanced Metallurgical Group, mais les actions sont très chères, et ont déjà beaucoup augmenté cette année. L’action Advanced Metallurgical Group a même doublé de valeur. Idem pour le cobalt, dont le cours a beaucoup progressé cette année.

La production de batteries est surtout un processus d’assemblage. Associez une cathode et une anode, et vous obtenez une batterie. La valeur ajoutée réside donc surtout dans les matériaux cathodiques. Le groupe belge Umicore en est le plus grand producteur. L’entreprise est donc bien placée si la mode des voitures électriques se prolonge. Pas étonnant que ce membre du BEL20 batte record sur record.

Actuellement, tous les grands constructeurs expérimentent des voitures hybrides, des moteurs à combustion efficaces combinés à des moteurs électriques et diverses solutions pour se passer des moteurs à combustion traditionnels. D’autres entreprises misent sur l’évolution et la révolution du secteur automobile. Des fabricants de composants intégrés dans les produits finaux (les voitures) se préparent également à en profiter. Comme le groupe britannique ARM Holdings, le plus grand producteur de microcontrôleurs intégrés dans les voitures modernes. Plus près de chez nous, il y a Melexis. En moyenne, chaque nouvelle voiture comprend huit de leurs puces électroniques qui mesurent toutes sortes de données, comme le poids des passagers, la pression des pneus et le conditionnement d’air. Une percée de la voiture électrique serait une bénédiction pour l’entreprise de l’écurie Roland Duchâtelet.

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