Chasse au rendement

La chasse au rendement était le sport favori pratiqué sur le marché obligataire international la semaine dernière.

Le marasme en Ukraine a rempli ses fonctions. A savoir, détourner l’attention des manquements de certains pays occidentaux. Car, en vérité, l’Ukraine n’a aucun avantage réel à se rapprocher de l’Occident. Par contre, l’Occident a toutes les raisons de couler le gouvernement de ce pays.

Commençons par l’Europe. Les gouvernants et les instances européennes doivent se prononcer bientôt sur deux affaires épineuses, qu’ils ont par ailleurs créées eux-mêmes. La première concerne l’union bancaire, la seconde l’introduction d’une taxe sur les transactions financières, mieux connue sous l’appellation de taxe Tobin. Le gouvernement allemand est opposé aux deux affaires. Il ne peut toutefois pas exprimer sa désapprobation ouvertement. Aussi s’ingénie-t-il à rendre chaque affaire tellement compliquée qu’aucune des deux ne verra véritablement le jour.

Taxe Tobin

Pour la taxe Tobin, il prévoit toute une série d’exceptions. Les principales ont trait aux produits dérivés, donc aux produits financiers les plus dévastateurs qu’on connaisse. Les Français épousent d’ailleurs leur point de vue. On les comprend. Les grandes banques françaises, dont la Société Générale et BNP Paribas, sont d’importants créateurs de ce genre de produits. Les deux gouvernements ne veulent pas que leurs banques puissent subir de préjudice face à leurs concurrentes anglaises.

Au niveau de l’union bancaire, là aussi le gouvernement allemand souhaite instaurer une procédure contraignante entravant la mise en place de l’union. Ainsi, le fonds chargé d’intervenir en cas de malheur ne disposera que de 55 milliards d’euros. Un montant totalement dérisoire face au total des bilans bancaires européens qui sont mille fois plus élevés. Même sans cela, toute intervention du fonds serait soumise à l’approbation des Etats membres. Elle sera donc forcément conditionnelle et évitera aux Etats la mutualisation de cette dette.

L’Allemagne exige en outre que ce fonds soit opérationnel après que les banques aient éliminé la totalité de leurs créances insolvables. Quand on sait que ces banques débordent d’emprunts d’Etat, on comprend que cette tâche est totalement irréalisable. Ce qui signifie que les Etats devront toujours secourir leurs banques en difficulté. Il est clair que par toutes ces restrictions, les gouvernements européens remettent toute solution aux calendes grecques. Au lieu de gagner du temps, ils hypothèquent en fait leur système bancaire et, surtout, l’avenir de l’euro.

Enquêtes dévastatrices

Aux Etats-Unis, les affaires sont différentes mais tout aussi aiguës. Depuis quelque temps, les grandes banques américaines sont traduites en justice pour malversations diverses. Selon le système judiciaire américain, elles s’en tirent jusqu’à présent en payant de fortes amendes. Ce qui fait qu’aucun banquier n’est sous les verrous de nos jours.

Mais ces enquêtes ont un effet dévastateur sur ces banques. On n’a jamais dénombré autant de suicides depuis le début d’année dans ce milieu. Une dizaine provient d’une seule institution, la JPMorgan Chase. Il s’agit de directeurs de tables d’arbitrage, de départements de produits dérivés, de relations internationales et bien d’autres encore. D’autres banques connaissent le même fléau, même la Réserve fédérale (Fed), la banque centrale américaine, n’est pas épargnée. Et à chaque fois, le suicide concerne une personne qui avait connaissance des pratiques douteuses de sa banque. De plus, ces suicides sont parfois très étranges, comme celui de ce directeur qui s’est martelé des clous dans le crâne. La justice enquête.

Recul du rouble, hausse du réal brésilien

Les médias n’ont pas fait grand bruit de ces cas. Ils préféraient tous regarder du côté de Kiev et interprétaient tout le reste en fonction de ce qui se passait là-bas. Ainsi, la forte dégringolade du rouble (RUB) provenait des tensions en Ukraine. La devise russe a effectivement perdu 1,95% la semaine passée. Mais si on regarde de plus près ce qui s’est produit, on constate que ce sont les spéculateurs occidentaux qui ont clôturé leurs positions précipitamment. La banque centrale russe n’a pas jugé opportun de calmer le jeu. La Russie enregistrant un recul conjoncturel, comme partout ailleurs du reste, a tout intérêt à laisser filer sa devise actuellement. Cela lui permettrait de relancer la machine économique. Les autres devises de l’Europe de l’Est ont également souffert. Le forint hongrois (HUF) a cédé 0,9%, le zloty polonais (PLN) 0,4%.

Les autres devises liées aux matières premières ont aussi été chahutées. Ici, les spécialistes désignent le recul conjoncturel en Chine comme cause principale. Le dollar canadien (CAD) a perdu 1,9%, son homonyme australien (AUD) 0,7% et le néo-zélandais (NZD) 1,1%. Le rand sud-africain (ZAR) a chuté de 1%, secoué par les grèves des travailleurs dans les mines. On épinglera cependant le redressement spectaculaire du réal brésilien (BRL), gagnant 0,8%. Les obligations libellées en BRL ont elles aussi regagné pas mal de terrain.

La chasse au rendement était le sport favori pratiqué sur le marché obligataire international. Les titres industriels et de pacotille ont progressé. En EUR, on remarquera le redressement des obligations cypriotes. On soulignera aussi l’effondrement des obligations au nom d’Hypo Alpe Adria. La banque autrichienne, très active dans les pays issus de l’éclatement de la Yougoslavie et en Italie, est quasiment en faillite, selon les dires du gouvernement autrichien. En dollar (USD) on notera la montée des titres au nom de l’Ukraine alors que ceux au nom de Kiev chutaient. Les utilitaires en livre (GBP) ont perdu pas mal de terrain alors que les obligations pourries en gagnait.

Les banques continuent de submerger le marché primaire de leurs émissions. Et comme d’habitude, elles en soutiennent férocement le cours sur le marché gris. Darty (BB-), la chaîne française d’électroménagers, offre 4,42% de plus que la moyenne du marché avec son émission en EUR à 7 ans. Dommage que les coupures soient aussi importantes. Le titre s’échange déjà à 103,41% (5,36%) sur le marché gris. Même constatation pour la chaîne de grands magasins français Casino (BBB-). Les deux bons d’Etat belges sont tout sauf attrayants. Vous trouverez facilement mieux et de meilleure qualité sur le marché secondaire.

Dans le compartiment des devises exotiques, les deux émissions en ZAR sont intéressantes. Elles s’adressent exclusivement à ceux qui ont une position à prolonger ou une perte de change à récupérer. Achetez de préférence un emprunt en ZAR sous le pair (100%). La nouvelle tranche de la KfW (AAA, avec garantie de l’Allemagne) en NZD est trop chère. Préférez la tranche existante disponible à 97,13% (4,5%) sur le marché secondaire ou optez pour la BNG (AAA, avec la garantie des Pays-Bas, alt.2) tant que frais et différence de prix ne dépassent pas 1,45%. Les deux émissions en lires turques (TRY) sont chiches. Vous trouverez mieux sur le marché secondaire. Un emprunt en TRY s’achète de préférence fortement sous le pair.

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