Vendredi noir pour les actionnaires de Kraft Heinz

© Heinz

Combien de mauvaises nouvelles un rapport trimestriel peut-il cumuler? Celui du géant américain Kraft Heinz conjugue en tout cas résultats décevants, perspectives sombres, diminution du dividende, enquête par le gendarme de la Bourse et dépréciation de 15,4 milliards de dollars de son portefeuille de marques.

L’actionnaire vient de vivre un vendredi noir, sanctionné par une chute historique (-27,5%) du cours, pour un volume record d’actions négociées – 135 millions de titres, contre une moyenne qui n’atteint normalement pas 8 millions par jour. Lors de l’annonce des résultats du trimestre précédent, début novembre, le cours avait dégringolé de 9,7%; il s’agissait, là déjà, de la plus mauvaise performance journalière du groupe issu de la fusion réalisée en 2015. A ses commandes, Bernardo Hees n’a désormais d’autre choix que de sortir l’artillerie lourde. C’est une mauvaise nouvelle également pour Berkshire Hathaway (Warren Buffett) et 3G Global Food Holding (des actionnaires brésiliens d’AB InBev, notamment, comme Jorge Paulo Lemann) qui, pas plus que les autres, n’échappent à l’onde de choc. Ensemble, ces prestigieux holdings détiennent quelque 49% des actions du groupe.

Kraft Heinz a le courage de reconnaître que son portefeuille de marques est désuet. Il a achevé les trois derniers mois de l’exercice 2018 sur un chiffre d’affaires (CA) de 6,89 milliards de dollars, soit, malgré une croissance organique de 2,4%, un résultat inférieur au consensus (6,941 milliards) pour le sixième trimestre en deux ans. La baisse, de 0,90 dollar par action au quatrième trimestre de 2017 à 0,84 dollar un an plus tard (-7%), pour un résultat de 10,5% inférieur au consensus (0,94), est plus décevante encore. La croissance du CA coûte donc cher, notamment en termes de marketing, ce dont souffrent les marges. Le recul, de 28,8 à 24,6%, de la marge d’Ebitda (cash-flows opérationnels/CA), montre que la lourde dépréciation ne tombe pas du ciel. L’opération aboutit à une perte nette colossale de 12,61 milliards de dollars (-10,34 dollars par action). La direction se voit par conséquent contrainte de faire passer le dividende trimestriel de 62,5 à 0,40 dollar par action.

La stagnation du CA, voire son recul, ces dernières années, alimente les spéculations à propos d’opérations de rachat. Bernardo Hees maintient que le secteur a besoin de nouvelles consolidations mais les probabilités de voir Kraft Heinz frapper un grand coup sont, pour un groupe dont la capitalisation boursière vient de chuter et qui est par ailleurs considérablement endetté, faibles. Evoqué à plusieurs reprises déjà, son compatriote Campbell Soup (10 milliards de dollars de valorisation boursière) reste une cible envisageable.

Conclusion

Les résultats de Kraft Heinz ont été très mal accueillis à Wall Street, qui n’a pas hésité à évoquer un “désastre”, sinon une “crise existentielle”. Cette thérapie par le choc a eu le mérite de ramener en une fois la valorisation à un niveau très raisonnable. Kraft Heinz est à notre connaissance le premier géant agroalimentaire à se négocier sous sa valeur comptable (42,5 dollars par action), à 11,5 fois le bénéfice (revu à la baisse) escompté pour 2019. Seule la valorisation, de 11 fois le rapport valeur d’entreprise (EV)/cash-flows opérationnels (Ebitda), révèle que le groupe n’a pas encore dit son dernier mot. Le traumatisme doit être digéré; nous ne relevons pas encore notre conseil, mais surveillons de près cette action devenue bon marché.

Conseil: conserver/attendre

Risque: moyen

Rating: 2B

Cours: 34,95 dollars

Ticker: KHC US

Code ISIN: US500751064

Marché: Nasdaq

Capit. boursière: 42,6 milliards USD

C/B 2018: 10,5

C/B attendu 2019: 11,5

Perf. cours sur 12 mois: -47 %

Perf. cours depuis le 01/01: -19 %

Rendement du dividende: 4,6 %

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