Colruyt

Doutes relatifs à la croissance bénéficiaire

41,20 EUR – 3B Conserver

Généralement, les marchés attendent de connaître, lors de l’assemblée générale des actionnaires de Colruyt, les perspectives énoncées par la direction par rapport à l’exercice en cours (qui s’étend d’avril à mars). Et généralement, Jef Colruyt et consorts sont très prudents dans ces prévisions. Pourtant, cette fois, ceux-ci se sont montrés particulièrement sombres. Pour cet exercice, Colruyt prévoit un résultat net courant conforme à celui de l’an dernier alors que les investisseurs tablaient sur une croissance bénéficiaire proche de 5%. La société est parvenue, au précédent exercice, dans des conditions globalement identiques, à signer une croissance de 6% de son chiffre d’affaires (CA) et de 3% de son bénéfice. Pourquoi n’y parviendrait-elle pas cette année, dès lors ? Le CA devrait encore augmenter mais la hausse des ventes dans les magasins Colruyt se situera plutôt dans le bas de la fourchette précédemment annoncée de 4 à 6%. Ces chiffres correspondent au CA affiché au cours de la période comprise entre avril et juin dernier. Au niveau du groupe, la hausse du CA s’est limitée à 3%, ce qui suppose des volumes stables compte tenu de l’inflation de la même ampleur. La part de marché augmente certes encore, mais moins rapidement que d’ordinaire. Et surtout : cette hausse limitée du CA ne suffirait pas pour accroître le bénéfice, ce qui trahit une légère érosion des marges. Ce constat est d’autant plus surprenant que Colruyt avait stabilisé ses marges dans le courant de l’année 2013 et que l’inflation salariale devrait continuer de s’affaiblir cette année. Colruyt note d’ailleurs subtilement que près de la moitié de la valeur ajoutée créée revient à l’Etat. En échange, la société demande au législateur de ne pas accroître cette pression sur cette valeur ajoutée et de soutenir le pouvoir d’achat des ménages. En guise d’explication pour les prévisions prudentes, Colruyt pointe du doigt la concurrence de prix persistante entre les distributeurs et l’érosion de la confiance des consommateurs. Colruyt est d’ailleurs sans doute un peu plus sombre encore concernant ce dernier point. Le taux d’emploi a encore reculé au cours des six premiers mois de cette année en Belgique, et est appelé à suivre la même tendance durant les prochains mois, mais les récentes études de la Banque Nationale trahissent une amélioration sensible de la confiance des consommateurs. Cette confiance est à nouveau au niveau le plus haut depuis l’éclatement de la crise de la dette européenne en 2011 et le fait que le Vieux Continent ait plongé dans une récession chronique. La Banque Nationale prévoit que la consommation du particulier augmentera en volumes cette année, à plus forte raison si la confiance se maintient à ce niveau, voire s’améliore encore. Une nouvelle flambée de la crise n’est cependant pas exclue et il est possible que Colruyt ne perçoive pas encore ledit regain d’enthousiasme du consommateur dans ses propres points de vente. Si les circonstances de marché sont encore difficiles en Belgique, elles poussent la direction des magasins français dans ses derniers retranchements. Le consommateur y est en effet encore plus récalcitrant et la concurrence plus acérée. Cela dit, Colruyt est parvenu à y gagner des parts de marché dans un contexte de repli du marché et les clients commencent doucement à associer l’enseigne à une chaîne de supermarchés à bas prix.

Avec un rapport cours/bénéfice de 18 pour cette année, une valeur d’entreprise qui fluctue autour de 9 fois le cash-flow opérationnel et un rendement de dividende de 2,4%, l’action n’est certainement pas bon marché. La qualité a un prix, mais cette valorisation tendue n’est en l’occurrence justifiable que si Colruyt parvient à présenter une croissance de ses bénéfices satisfaisante. N’oublions pas du reste que depuis 2000, le bénéfice par action a augmenté sans discontinuer (de 0,70 euro en 2000 à 2,26 euros à l’exercice dernier). La perspective d’un bénéfice stable cette année pourrait miner cet argument de croissance. Cela dit, nous pourrions aussi assister à une légère hausse du bénéfice par action cette année. Nous réitérons le conseil : ” à conserver “.

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