Lourdes incertitudes

De plus en plus de grands groupes gaziers et pétroliers s’adaptent à la nouvelle donne économique : il n’est plus question d’envisager un baril à 100 USD, voire plus, à court terme. L’accent est donc placé sur les économies. Les actifs non rentables sont vendus, et on n’hésite pas à porter le fer dans les dépenses d’investissement. Pour l’instant, les actionnaires sont épargnés tant que faire se peut. Le géant pétrolier américain Chevron a certes suspendu le programme de rachat d’actions propres, mais la plupart des dividendes ont été maintenus. C’est également le cas chez BP, qui a laissé inchangé le dividende trimestriel et continue à afficher un rendement particulièrement élevé de près de 6%. BP a d’ailleurs surpris avec un bénéfice (artificiellement) supérieur aux attentes au 4e trimestre. Il s’est en effet établi à 2,2 milliards USD, alors que l’on tablait sur 1,5 milliard USD. Le bénéfice des activités upstream (production) a certes baissé de 42%, mais ce recul a été compensé par un gain de 1,21 milliard USD sur le raffinage et les activités commerciales. BP a surtout bénéficié d’un coup de pouce inattendu en Russie, où le groupe possède une participation de 19,75% dans Rosneft. Sa couverture contre une baisse du rouble lui a en effet rapporté plus de 450 millions USD. Il ne s’agit cependant que d’une plus-value papier (comptable) qui n’a aucune influence sur les cash-flows. D’autre part, le groupe a également dû déprécier certains actifs dans la mer du Nord et en Angola. Dépréciations incluses, mais sans tenir compte de la baisse de la valeur des réserves provoquée par l’effondrement du cours du pétrole, le groupe a enregistré une perte de 963 millions USD contre un bénéfice de 1,51 milliard USD il y a un an. BP a produit 3,21 millions de barils d’équivalent pétrole par jour au 4e trimestre, à peine moins qu’il y a un an (3,23 millions). Sur l’ensemble de l’exercice, la production s’est établie à 3,15 millions de barils par jour, un niveau légèrement supérieur à Shell. Le chiffre d’affaires (CA) trimestriel a reculé de 21% à 74 milliards USD; sur l’ensemble de l’année 2014, le repli se chiffre à 6,7%, à 353,6 milliards USD. Rosneft prend à son compte un peu plus du tiers de la production du groupe. Sur le milliard de dollars que devait coûter le plan de restructuration annoncé, 433 millions USD ont déjà été dépensés. Comme ses collègues, BP a également réduit son programme d’investissement. Pour 2015, le budget d’investissement a été ramené à 20 milliards USD, 13% de moins que l’an dernier, et un niveau nettement inférieur aux 24 à 25 milliards USD prévus initialement. A peine 62% des réserves consommées l’an dernier ont été remplacées. Un chiffre qui va d’ailleurs plutôt baisser qu’augmenter au cours des années à venir. Les cash-flows opérationnels de 30 milliards USD en 2014 suffisaient à peine à couvrir les dépenses d’investissement et le dividende, alors que le cours moyen du pétrole s’élevait encore à 77 USD au cours du trimestre passé. Pour le trimestre actuel, il est jusqu’à présent inférieur à 50 USD.

Conclusion

En l’absence de croissance, le principal attrait de l’action réside dans sa faible valorisation (1 fois la valeur comptable) et le rendement de dividende élevé. Mais BP, ce sont aussi de lourdes incertitudes, comme l’évolution de la situation en Russie et l’ampleur jusqu’à présent inconnue des coûts liés à la catastrophe pétrolière de 2010. D’où la baisse de notre conseil.

Conseil: conserver

Risque: élevé

Rating: 2C

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