A Draghi de jouer !

Le 7 novembre, le président de la BCE devra composer avec un euro fort.

Le vent soufflant en ce début de l’automne a déjà décroché quelques tuiles du toit européen. L’indicateur de la Banque Nationale, qui jauge la confiance des chefs d’entreprise belges et est considéré comme un baromètre précoce des inflexions conjoncturelles, a connu un creux en octobre, après le mouvement de redressement progressif mais constant amorcé au printemps. L’indicateur allemand IFO, qui mesure lui aussi l’enthousiasme des chefs d’entreprise allemands, et l’indicateur PMI pour la zone euro, ont également perdu quelques plumes récemment. Ce creux conjoncturel n’est pas encore alarmant mais les investisseurs en actions européennes feraient tout de même bien de suivre de près l’évolution de ce dossier car les cours des actions, et surtout leur valorisation, ont pris de l’avance ces derniers mois sur l’embellie économique européenne. Une amélioration des bénéfices sera nécessaire pour prolonger le rallye boursier européen.

La légère érosion de la confiance des chefs d’entreprise européens n’est pas totalement étrangère à la hausse continue de l’euro. La monnaie s’approche à nouveau de 1,40 dollar (USD), considéré comme un premier signal d’alarme. De plus en plus d’entreprises européennes pointent du doigt la robustesse de l’euro pour justifier la baisse des commandes. Pour les pays du Sud de l’Europe surtout, mais aussi de plus en plus pour la France et la Belgique, un euro relativement faible est idéal pour redresser la compétitivité. Ces pays, et l’Europe dans son ensemble, comptent sur une augmentation des exportations nettes pour soutenir l’économie. Hélas, le reste du monde espère pouvoir mettre en oeuvre une stratégie identique, ce qui est évidemment impossible. La vigueur de l’euro menace donc la reprise, fait le bonheur des concurrents basés en dehors de la zone euro et ravive les tensions internes. Le ministre français de l’Economie Arnaud Montebourg estime pour sa part que l’euro est “trop cher, trop vigoureux et un peu trop allemand”.

A court terme, la probabilité est grande, du reste, que l’euro poursuive son redressement. Les Banques centrales américaine et japonaise appliquent toujours une politique monétaire agressive et expansive, alors que la Banque centrale européenne (BCE) lève le pied de manière extrêmement discrète. Car alors que la Federal Reserve et la Bank of Japan continuent d’injecter respectivement des dollars et des yens dans le système, la BCE rapatrie progressivement ses euros à partir des marchés monétaires européens, grâce au fait que les banques les plus solides des pays de l’euro les mieux lotis lui remboursent presque systématiquement les emprunts à un et trois ans (LTRO). Le total du bilan de la BCE s’est déjà allégé, passant de 3.000 milliards EUR à son plus haut, l’été dernier, à environ 2.300 milliards EUR aujourd’hui, alors que le total bilantaire de la Fed s’alourdit encore de 85 milliards USD mois après mois. L’effet combiné d’une augmentation du nombre de dollars et d’une diminution du nombre d’euros en circulation sur les marchés monétaires internationaux n’est pas le seul facteur à l’origine de la hausse de l’euro, mais l’un des principaux.

Jeudi 7 novembre, Mario Draghi, président de la BCE, n’aura donc d’autre choix que de composer avec un euro fort. N’oublions pas du reste que l’octroi de crédits aux entreprises et aux ménages est toujours en recul dans la zone euro, ce qui fait de la déflation le danger le plus menaçant pour l’Europe. Un danger attisé par ailleurs par la vigueur de l’euro, précisément. Un nouveau LTRO et/ou abaissement des taux ne serai(en)t donc pas superflu(s).

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