Valse-hésitation de la Fed

Les marchés des changes et des capitaux sont actuellement malmenés par l’assouplissement monétaire décidé par la Banque centrale européenne (BCE). Les perturbations sont accentuées par l’indécision de la Réserve fédérale (Fed).

Le dollar (USD) et l’euro (EUR) se sont comportés comme deux devises exotiques. Ils ont tellement oscillé qu’ils ont déréglé le marché des changes. L’USD a grimpé de près de 2,5% jeudi après-midi quand on a appris que la Fed allait durcir sa politique plus tôt que prévu. Janet Yellen, la présidente de la Fed, avait effectivement annoncé vouloir relever les taux directeurs plus rapidement que prévu. Mais la moindre hausse des taux d’intérêt pourrait mettre en danger la fragile reprise économique du pays. Il n’a pas fallu longtemps pour que tout le monde revienne à la raison et se convainque que la Fed ne pourra relever ses taux que si la reprise devenait durable. Ce qui n’est pas encore le cas actuellement. Cela fait que l’USD a perdu tout le terrain gagné la veille, terminant la semaine en recul de 1,9% face à l’EUR. Ce dernier s’est raffermi par rapport à une majorité de devises, essentiellement pour des raisons techniques.

Hausse des repos

Il se fait que les achats d’emprunts d’Etat par la BCE ont propulsé le taux des repos vers le haut. Les banques mobilisent volontiers des emprunts d’Etat pour financer leurs repos. Quand une banque est confrontée à un manque de trésorerie temporaire, elle emprunte de l’argent sur le marché du repo auprès d’une autre banque ayant un surplus de trésorerie. L’échange se fait contre la remise d’emprunts d’Etat servant de garantie. Un repo court quelques heures à quelques jours et se clôture toujours par l’opération inverse, d’où son appellation repurchase agreement ou repo. Le taux consenti pour un repo est normalement bas et similaire aux taux à très court terme. Ce n’est plus le cas de nos jours.

Les banques engagent leurs emprunts d’Etat non seulement contre une rémunération plus élevée mais aussi pour des durées beaucoup plus courtes que précédemment. Ce nouveau comportement a pour effet, d’une part, d’assécher le marché et, d’autre part, d’obliger les banques à acheter de plus en plus emprunts d’Etat. Depuis, le cours de tous les titres susceptibles de servir de garantie grimpe inlassablement. Cela inclut non seulement les emprunts d’Etat, mais aussi ceux d’institutions internationales et ceux jouissant d’une garantie d’Etat, le plus souvent de longue durée – ce sont les seuls à encore offrir un rendement positif. Il va de soi que les échelles des taux d’intérêt s’aplatissent davantage encore tout en perdant de la hauteur.

Taux suédois négatifs

Cette tendance alimente la guerre des devises. La Banque centrale suédoise a décidé mercredi dernier d’abaisser ses taux directeurs. Ils se retrouvent tous sous la barre de zéro. La Riksbank poursuit aussi son assouplissement monétaire, achetant pour 30 milliards de couronnes (SEK) par mois. La SEK a immédiatement cédé 1,6% face à l’EUR et se retrouve à son plus bas niveau depuis que la crise sévit. La Banque centrale chinoise est elle aussi intervenue sur le marché des changes pour stabiliser son yuan (CNY). Le pays tente d’endiguer une fuite de capitaux actuellement et a pris des dispositions à cet égard. Le CNY a perdu 1% entretemps. Les tensions politiques au Brésil ont coûté 3,8% au real (BRL). L’assouplissement monétaire envisagé en Grande-Bretagne a pesé sur la livre (GBP) qui a cédé 1,4%. Le dollar australien (AUD) s’est lui aussi effrité de 1,3% depuis que la banque centrale souhaite assouplir sa politique. Parmi les devises exotiques, notons le redressement du rand sud-africain (ZAR) de 0,9%.

Terrains d’action grecs

Les semaines à venir seront sans conteste chaotiques. Surtout pour ce qui concerne la zone euro. La crise grecque concentrera toutes les attentions. La péninsule doit fournir un nouveau plan de redressement afin d’obtenir son enveloppe. Il semble que les créanciers de la Troïka veulent absolument lire quelque chose qui leur plaît. Le temps presse. Pas spécialement qu’une pénurie monétaire compliquerait les affaires en Grèce – le pays peut temporairement émettre des chèques ou des bons pour pallier ce manque – mais inquiéterait plutôt les créanciers ne se voyant pas remboursés à temps. Tsipras, le Premier ministre, ne fera aucune concession. Soyons en certains. Il exige le paiement des intérêts que la BCE a perçus sur les titres grecs qu’elle détient (quelque 1,9 milliard d’EUR). Il a aussi entamé l’audit de la dette grecque. Une vingtaine de spécialistes (10 Grecs et 10 étrangers, sous la direction du Belge Eric Toussaint) s’interrogeront sur la légitimité de cette dette. La probabilité est grande que plus de la moitié de celle-ci sera jugée illégitime. Le Premier ministre a aussi anticipé d’un mois sa visite en Russie. Ce pays vient d’accepter le nouveau plan de redressement financier proposé par Chypre. En clair, Tsipras veille à augmenter la pression sur les instances européennes en élargissant ses terrains d’action.

Emissions à long terme

Une fébrilité s’est emparée du marché primaire. Chacun se hâte de profiter des conditions particulièrement clémentes qui y sévissent. La demande continue de titres à très long terme par les institutionnels favorise l’émission de ce genre de titres. Quand un émetteur souverain profite de cette aubaine, il y a peu à dire sinon que le rendement offert laisse souvent fort à désirer. Il en va tout autrement pour les émissions industrielles. On ne sait jamais très bien à quoi serviront leurs produits. S’ils servent à rehausser les dividendes ou à financer le rachat d’actions, mieux vaut éviter ces émissions-là. S’ils servent à renouveler des emprunts échus, les émissions ne seront retenues que si leur rendement est satisfaisant. Les émissions servant au financement d’activités nouvelles, par contre, auront toujours la préférence. C’est par exemple le cas des deux émissions de constructeurs en bâtiment espagnols Grupo Actividades de Construccion y Servicios (sans notation) et Obrascon Huarte Lain (B1). Elles s’adressent malheureusement aux investisseurs institutionnels.

Il n’y a pas grand-chose pour les petits porteurs. L’émission à 10 ans de la BEI (supranationale, AAA) en EUR n’offre pas assez. KBC Ifima (A) lance un emprunt à 3 ans en peso mexicain (MXN). Son rendement est correct. Notez cependant que l’émission est assortie de la clause bail-in permettant à la banque d’annuler le remboursement en cas de difficultés financières. Le montant émis dépendant du succès des inscriptions, la négociabilité de cette obligation demeurera médiocre. Aucune des deux émissions en lire turque (TRY) n’est recommandée. Vous trouverez sans problème mieux sur le marché secondaire. La TRY n’est intéressante que si vous avez une perte de change à recouvrer et que vous achetez le titre sous le pair (100%).

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