Pas de vacances pour le marché obligataire

Le marché primaire tourne à plein régime.

La Grèce a capitulé. Ou pas ? A première vue, oui. Le gouvernement grec a accepté un accord pire que tous les précédents. Ce, en sachant qu’il ne résoudra rien. La péninsule est retombée en récession. Selon les premières estimations, elle afficherait un recul de plus de 6% alors que la Troïka tablait sur 2 à 4%. C’est dire que les conditions qu’elle a posées ne seront jamais atteintes.

Idées saugrenues

L’empressement avec lequel le gouvernement grec a imposé à sa population ces restrictions suicidaires pose question. Le mémorandum prévoyait que de telles restrictions devaient être mises en place avant de pouvoir démarrer les négociations sur un troisième plan de sauvetage. C’est donc chose faite. La balle se retrouve dans le camp de la troïka. Et comme l’entente s’y délite, le pire est à craindre. Le Fonds monétaire international (FMI) ne veut participer que si une restructuration de la dette figure au programme. Quant aux instances européennes, elles se chamaillent. La mésentente sévit même dans les chancelleries.

L’allemande, par exemple, parle volontiers d’un Grexit temporaire, mais la chancelière Merkel ne l’entend pas de cette oreille. D’autres pays membres proposent à la Grèce qu’elle réinstaure sa drachme. Personne ne se rend compte que tout cela ne résoudra rien, ni pour la Grèce, ni pour l’Union. La Commission, elle, accepte de prolonger la dette, voire une remise partielle de celle-ci. La Banque centrale européenne (BCE) s’inquiète principalement du sort des banques grecques. Elle sait que si ces dernières s’effondrent, le pays en fera autant. Mais elle n’agira pas sans obtenir des garanties fermes des autres membres de la troïka. Il y a finalement autant d’idées saugrenues qu’il y a de négociateurs à la table.

Rééquilibre

Le problème principal est que les membres européens de la troïka souhaitent conserver l’euro (EUR) coûte que coûte, sans même se soucier de ses fondements. Or pour sauver l’EUR, il est indispensable de rééquilibrer les comptes intereuropéens. Ce qui n’a strictement rien à voir avec la constitution d’une union bancaire ou l’harmonisation de la fiscalité. Celles-ci sont certes importantes, mais n’ont aucune incidence sur l’EUR. L’Union monétaire ne peut survivre sans mécanisme de redistribution des surplus des uns vers les déficits des autres. L’Allemagne, très réticente à cette idée, refuse d’aborder le problème de front. On peut la comprendre. Elle verrait ses excédents fondre comme neige au soleil. Dans l’attente d’une avancée dans ce domaine, la zone euro connaîtra crise sur crise et l’EUR sera régulièrement bousculé sur le marché des changes. Ce qui produira inévitablement des tensions, tant au niveau politique que sur les marchés. La BCE ne sera pas en mesure de juguler l’effritement inéluctable de l’EUR. Elle ne dispose d’aucun moyen pour empêcher pareille mésaventure et cela ne fait pas partie de ses prérogatives. Ce problème doit trouver une solution politique.

Pour l’heure, les marchés réagissent avec soulagement. Sur le marché des capitaux, l’achat soutenu d’emprunts étatiques et similaires en EUR a fait fléchir les taux d’intérêt. Les titres bancaires grecs étaient particulièrement prisés et ont progressé parfois de plus de 9% en moins d’une semaine. Les titres de pacotille, pour leur part, se sont tassés. Ailleurs, on constatait l’effondrement de tous les emprunts ayant de près ou de loin un lien quelconque avec les matières premières. Leurs cours ont reculé de plus de 9%.

L’euro résiste

L’EUR a bien résisté sur le marché des changes et s’est redressé face à toutes les autres devises. Sa performance était essentiellement due à la déception causée par le recul conjoncturel signalé aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. On se pose aujourd’hui la question de savoir si la banque centrale de ces deux pays sera capable de relever ses taux directeurs en septembre, comme elle l’avait annoncé. Le dollar (USD) s’est effrité de 0,5%, la livre (GBP) de 1,2%.

Les devises directement liées aux matières premières se sont effondrées. Le real brésilien (BRL) a mené la danse, perdant 5,5%. Le peso mexicain (MXN) lui a emboîté le pas, reculant de 3,3%, le rouble russe (RUB) de 3,1%, le rand sud-africain (ZAR) de 2,9%, le dollar australien (AUD) de 2,3%, son homonyme canadien (CAD) de 1,3%, autant que la couronne norvégienne (NOK). La lire turque (TRY) a cédé 4%.

A plein régime

Le marché obligataire ne connaît toujours pas de vacances. Le marché primaire tourne à plein régime. Les banques continuent d’émettre des emprunts de très grande envergure. Plusieurs entreprises de renom troquent leurs anciens emprunts contre des nouveaux dont les conditions leur sont plus favorables. De plus petites entreprises, souvent de qualité médiocre, sollicitent l’attention des petits épargnants. Leurs émissions rencontrent souvent le succès, grâce à leurs coupons plus que généreux. Elles s’adressent malheureusement aux plus fortunés d’entre nous.

Eurofins Scientific (sans notation), la firme biopharmaceutique implantée dans le monde entier, offre 3,34% de plus que la moyenne du marché avec son émission à 7,5 ans en EUR. Si vous désirez davantage, rabattez-vous sur les emprunts d’émetteurs russes. Le producteur suédois de produits ophtalmologiques Ephios (B2) offre encore plus : 7,75% de mieux que la moyenne du marché. Ces deux émissions font partie des emprunts pourris. Ce qui n’empêche pas qu’elles rencontrent le succès et cotent déjà au-dessus de leur prix de souscription sur le marché gris.

KBC Ifima (A2) lance deux émissions structurées en USD, échéant dans six ans. La première porte un coupon de 3% payable jusqu’en 2018. Il correspondra ensuite à trois fois la différence entre le taux swap à 10 et 2 ans, sans que le résultat puisse être inférieur à 1% ou supérieur à 4,5%. Le rendement se situera donc entre 1,76 et 3,43%. La seconde émission est du même acabit. Le coupon correspondra au résultat le plus avantageux entre 0% et 1,05 fois le taux swap à maturité constante. Deux structures passablement compliquées pour des émissions de très petite envergure qui ne seront pas facilement négociables. Totalement déconseillées.

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