Danny Reweghs

Mario Draghi reste une colombe

Danny Reweghs Journaliste

Malgré la relance économique en zone euro, la Banque centrale européenne maintient sa politique monétaire accommodante. Elle n’entend pas relever les taux d’intérêt avant 2019.

On y était préparé depuis longtemps, et Mario Draghi a enfin satisfait aux attentes: à partir du 1er janvier 2018, le montant mensuel consacré au rachat d’obligations sera réduit de moitié, à 30 milliards d’euros. Le marché a en outre appris qu’il en ira ainsi jusque fin septembre 2018. Par ailleurs, un premier relèvement des taux n’aura lieu que bien après (en 2019, donc), et la réduction du bilan de la Banque centrale européenne (BCE) ne commencera pas tout de suite. Les Bourses européennes ont réagi positivement à l’annonce, quoique timidement, les taux d’intérêt à long terme ont baissé légèrement en zone euro, et l’euro a perdu un peu de terrain. La BCE reste “dovish”, ou une colombe, ce qui, dans le jargon, signifie qu’elle maintient une politique monétaire très accommodante, malgré la relance économique en zone euro.

La Banque centrale américaine (Fed) a toujours une longueur d’avance sur la BCE. Ici, elle en a même deux, puisque, dans ce processus, elle en est déjà à la dernière étape. Après le “tapering” (l’allègement progressif du montant consacré au programme de rachats mensuels d’obligations) et une série de relèvements de taux (normalisation du niveau des taux), le moment est venu pour elle de passer au “quantative tightening” (QT ; la réduction de son bilan).

Du QE au QT

Entre 2009 et 2014, Ben Bernanke, le prédécesseur de Janet Yellen, a chargé le bilan de la Fed de 3500 milliards de dollars d’actifs financiers. Il est peu probable que celui-ci soit ramené à zéro. La plupart des économistes et stratèges tablent sur un allègement de 1500 à 2000 milliards de dollars, soit environ la moitié.

Jusqu’ici, la Fed réinvestissait à l’échéance des obligations. Son objectif est de ne plus le faire systématiquement. Dans un premier temps, elle réduit ses investissements à raison de 10 milliards de dollars par mois. Se pose à présent la question cruciale de savoir si, le QE (“quantitative easing” ou assouplissement) ayant donné lieu à une baisse des taux et à une hausse des prix des actifs (actions comprises), le QT entraînera l’inverse, une hausse des taux et une baisse des prix des actifs.

Les États-Unis présentent encore un déficit budgétaire considérable (plus de 500 milliards de dollars par an ces prochaines années, sans considérer les futurs projets d’infrastructures et de réforme fiscale du président Trump). Le ministre américain des Finances, Steven Mnuchin, devra émettre une nouvelle dette pour pouvoir honorer les obligations qui arrivent à échéance. L’an prochain, l’équivalent de 300 milliards de dollars d’emprunts arriveront à échéance ; en 2019, un total de 600 milliards de dollars. Qui, dès lors, absorbera ce surcroît d’offre d’obligations, à présent que la Fed, autrefois grand acheteur, est hors jeu ?

C’est un possible nouveau facteur d’incertitude, qui pourrait donner lieu à une hausse de la prime de risque des actions et autres actifs financiers. Déjà “chère”, Wall Street pourrait donc peiner à poursuivre sa progression l’an prochain. Bref, rien ne dit que la finalisation du processus de normalisation se déroulera sans heurts.

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