Guerre des devises

La guerre des devises a pris une nouvelle tournure. Alors que les pays BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) démontraient lors de leur venue à Davos les bienfaits de leurs interventions économiques sur la scène mondiale, lui évitant un effondrement, voilà que leurs devises sont fortement chahutées sur le marché des changes. La raison officielle veut que ce soit le déclin économique de la Chine qui les perturbe. Les spécialistes affirment, en effet, que leur balance commerciale se détériore à cause de ce déclin et que leurs perspectives conjoncturelles s’assombrissent.

L’argument est, bien sûr, exagéré. Lorsque les relations commerciales entre deux pays se détériorent, les commerçants impliqués dans l’import-export prennent d’emblée leurs dispositions. S’ils prévoient une baisse de la devise, ils reporteront à plus tard leurs achats et le paiement de leurs factures. S’ils craignent un raffermissement, par contre, ils agiront de façon inverse. Leur attitude, communément appelée leads and lags, détériore effectivement la balance des paiements du pays en question et pèse sur la cotation de la devise. Vu par cette oeillère, le déclin chinois pourrait expliquer la dégringolade de certaines de ces devises.

Troc

On ne peut toutefois pas aborder la chose de cette manière pour le Brésil ou pour l’Afrique du Sud. Leur relation avec la Chine est basée sur le troc. Aucun transfert d’argent n’est requis dans une relation pareille. Elle n’influence pas le prix des choses échangées non plus. Elle ne peut donc engendrer des leads and lags. On peut donc conclure que l’effritement abrupt des devises tels que le réal brésilien (BRL), le rand sud-africain (ZAR), la roupie indienne (INR) et le rouble russe (RUB) est d’origine spéculative.

C’est qu’il règne une atmosphère pesante dans le monde occidental. Malgré les belles paroles des dirigeants, tout le monde se rend compte que la reprise économique reste fragile voire inexistante. Les récentes déclarations des gouverneurs des banques centrales occidentales le prouvent. Tant Draghi, celui de la BCE, que Carney, celui de la banque d’Angleterre, s’interrogent sur la fermeté de la reprise. Ils abandonnent aussi leur forward guidance, cette politique visant à prévenir les marchés de leurs intentions.

Le stress test inquiète

Il est vrai que dans l’intervalle, la fuite d’un rapport réalisé par l’autorité bancaire allemande, Bafin, dans lequel on apprend qu’elle s’inquiète au sujet des besoins de capitaux des banques qu’elle supervise, a causé de graves interrogations. Sans un apport de capitaux frais, ni les banques allemandes ne passeront le test de résistance de la BCE, ni les françaises. Alors, attiser la guerre des devises vient bien à propos.

La débandade des ces devises n’est pas partout pareille. Le recul du BRL (-2,7%), du ZAR (-2,9%) et du RUB (-3,25%) peut être mis à profit pour consolider des positions dans ces devises, du moins si on a une vision à long terme. L’effondrement de la lire turque (TRY), en revanche, est d’une autre nature. La devise a cédé 5,5% la semaine dernière, suite aux complications politiques de sa participation à la guerre syrienne.

D’autres devises liées aux matières premières ont aussi fléchi, telles que le dollar australien (AUD) qui a perdu 1,65%, le canadien (CAD) 1,6% et le néo-zélandais (NZD) 0,7%. L’euro (EUR) s’est raffermi face à toutes les autres monnaies, hormis le yen (JPY) qui a gagné 1,2%, et le franc suisse (CHF) qui a progressé de 0,6%. Le dollar (USD) a perdu 0,75%, autant que le yuan chinois (CNY) et deux fois plus que la livre (GBP).

Mouvements spéculatifs

L’inquiétude était aussi palpable sur le marché des capitaux. Les titres souverains s’y sont vendus comme des petits pains, principalement les allemands. Ceux des pays périphériques européens ont souffert, perdant 1% en moyenne. Les obligations industrielles ont bien résisté en USD et les banques ont cédé du terrain en GBP. Les mouvements étaient souvent importants. Les taux d’intérêt ont cependant fléchi tout en s’aplatissant (les taux longs baissant plus vite que les courts). Contre toute attente, on comptait sept fois plus de titres à la hausse en BRL qu’inversement, tandis qu’il en allait autrement dans les devises malmenées. Ce qui démontre qu’il s’agit bel bien de mouvements spéculatifs.

L’activité sur le marché primaire reste soutenue. De nouvelles tranches complémentaires ont vu le jour. Elles ont facilement trouvé preneur. Les deux émissions en AUD sont techniquement correctes. Nous conseillons toutefois d’acheter les titres sur le marché secondaire et de préférence des non bancaires. Ignorez la KfW (AAA, avec garantie de l’Allemagne) en TRY. Une TRY doit donner plus de 10% de nos jours. Nous conseillons cette autre KfW (alt.3) tant que frais et différence de prix ne dépassent pas 2,47%. Le titre s’adresse uniquement à celui qui à une perte de change à récupérer. Les deux tranches de la BEI (AAA, supranationale) en ZAR sont chères. Nous recommandons les alternatives du marché secondaire. Frais et différence de prix peuvent s’élever jusqu’à 4,09% (alt.4) et 0,72% (alt.5). Il y a 74 jours d’intérêts encourus pour la BEI 6,75% et 40 jours pour l’autre. La BERD (AAA, supranationale) en BRL convient à quiconque souhaitant consolider sa position dans cette devise. Préférez cependant des titres cotant largement sous le pair (100%) sur le marché secondaire.

Le petit porteur ne trouvera rien à son goût en EUR. Autodis (B3), le concessionnaire d’automobiles luxembourgeois, offre 5,45% de plus que la moyenne du marché, tandis que le spécialiste belge des systèmes de refroidissement Hamon & Cie (sans notation) donne 4,11% de mieux. Les deux émetteurs font partie de la qualité de pacotille. Les émissions en GBP sont techniquement correctes et de qualité impeccable. Elles s’adressent à ceux qui utilisent effectivement la GBP. Il y a 53 jours d’intérêts encourus à régler pour l’IADB, 55 jours pour la Rentenbank et 53 pour la BNG.

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