Danny Reweghs

Explosive, la bulle obligataire?

Danny Reweghs Journaliste

L’histoire boursière nous enseigne qu’aussi longtemps que les taux à dix ans demeurent inférieurs à 3%, il n’y a pas péril en la demeure; au-delà, les Bourses commencent à s’agiter et quand le cap des 4% est franchi, l’on peut s’attendre à une sérieuse correction, voire à un krach.

Nous n’encouragerons jamais assez l’investisseur à suivre l’évolution des taux cette année et les années suivantes. La hausse récente de toutes les catégories d’actifs ou presque résulte en effet, dans une mesure plus ou moins marquée, de la politique monétaire extrêmement souple des banques centrales qui, en maintenant les taux à des niveaux artificiellement bas, ont dopé les cours.

Or les taux (longs) ont pris de la hauteur ces derniers mois. Le taux américain à dix ans est passé d’un plancher de 1,35% mi-2016 à un sommet de 2,60% début 2017, avant de reprendre la direction des 2% en automne. Depuis lors cependant, les bons du Trésor sont repartis à la hausse, allant jusqu’à flirter avec les 3%. Les taux américains à dix ans n’ont plus dépassé ce chiffre depuis le printemps 2014. Le constat en Europe est identique, bien qu’à des niveaux beaucoup moins élevés. En réaction au référendum sur le Brexit, les taux allemands à dix ans se sont établis à -0,2% à l’été 2016, pour remonter à +0,75% il y a quelques semaines. Le Bund n’a plus atteint 1% depuis la mi-2015, ni franchi le cap des 2% depuis l’automne 2013.

Reste à savoir si l’inflexion est réellement amorcée, ou si elle n’en est qu’à ses premiers balbutiements. L’un des épisodes haussiers les plus marqués des huit derniers siècles de fonctionnement du marché obligataire est donc peut-être clos, ou en passe de l’être. Le taux moyen des obligations de qualité dans le monde occidental a chuté de quelque 1.200 points de base (12%) depuis 1981 (soit en 37 ans). Les cours obligataires n’avaient reflué d’une manière plus nette encore – en l’occurrence, de 1.525 points de base – qu’au 15e siècle (1441-1482).

Le tsunami américain

L’inflexion mondiale des taux est évidemment liée à la disparition du spectre déflationniste (baisse du niveau moyen des prix), à l’amélioration sensible des perspectives de croissance à l’échelle mondiale et, partant, au retrait progressif mais inévitable des banques centrales des marchés obligataires.

Donald Trump constitue toutefois une autre menace pour les marchés obligataires. La discipline budgétaire n’étant clairement pas son fort, de nombreuses obligations nouvelles seront émises ces prochaines années. Deutsche Bank évoque une explosion, de quelque 1.000 milliards de dollars l’an dernier à environ 2.000 milliards l’an prochain, de l’encours des émissions obligataires. Il faut voir là une conséquence de l’aggravation du déficit budgétaire, de l’allégement de la fiscalité, du retrait de la Fed (QT) et de l’arrivée à échéance d’un certain nombre d’obligations d’entreprises. Dans ce domaine, la théorie financière est claire: une offre en (nette) hausse engendre une baisse (marquée) des cours obligataires et donc, une envolée des taux d’intérêt.

Ceci étant, l’évolution n’est pas linéaire et le bon rapport américain sur l’emploi permet aux Etats-Unis de respirer. L’histoire boursière nous enseigne qu’aussi longtemps que les taux à dix ans demeurent inférieurs à 3%, il n’y a pas péril en la demeure; au-delà, les Bourses commencent à s’agiter et quand le cap des 4% est franchi, l’on peut s’attendre à une sérieuse correction, voire à un krach. Nous n’en sommes évidemment pas là, tant s’en faut.

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