Emission massive d’obligations industrielles

En une semaine, pas moins de 60 milliards EUR d’obligations industrielles ont été émises.

Peu de gens s’en rendent compte, mais les grandes manoeuvres sont enclenchées. La troïka (FMI, BCE, Commission européenne) analyse la situation des pays en difficulté. La BCE conduit en parallèle ses pourparlers avec les banques pour définir la manière de les valoriser. Le but étant d’en conserver autant que possible sans que les créanciers y perdent un sou.

Les conséquences seront probablement dramatiques. L’Irlande, par exemple, refuse de se plier aux exigences qu’on lui impose et veut agir toute seule. Elle y parvient actuellement grâce aux taux historiquement bas. Le gouvernement pousse par ailleurs ses banques à émettre. Allied Irish Banks (Ba3) a levé avec succès 500 millions d’euros (EUR) la semaine passée. Elle a toutefois dû consentir un surrendement de 2,4%. Il est difficilement concevable que l’Irlande puisse s’en sortir seule après avoir bénéficié d’une aide de l’ordre de 85 milliards EUR. Surtout qu’avec son refus, ni le pays ni ses banques ne pourront avoir recours à la facilité de la BCE, l’OMT ou Outright Monetary Transactions.

L’Espagne, quant à elle, tente d’éviter de nouvelles impositions. La péninsule aimerait bien que la troïka oublie les dettes pourries que les banques ont transférées à la Sareb, la bad bank espagnole. Il est peu probable qu’elle obtienne gain de cause. C’est que les dettes pourries continuent de croître dans le secteur bancaire et représentent déjà plus de 12% de leur fonds propres. L’Eurogroupe, de sont côté, perd patience avec la Grèce qui semble éterniser les mises en application des mesures d’assainissement qu’on lui avait imposées. Le mois de décembre risque donc d’être particulièrement houleux en Europe.

D’autant plus que l’Allemagne est montrée du doigt. On lui reproche de ne rien entreprendre pour réduire son excédent sur sa balance des paiements. Le gouvernement prétend que le gros de cet excédent provient des exportations en dehors de l’Union. Mais force est de constater que son montant, enregistré sur les comptes du Target 2, le système de compensation monétaire européen, correspond à peu de choses près aux déficits cumulés des pays déficitaires.

Tous ces problèmes ne semblent pas gêner les banques actuellement, alors qu’elles en sont responsables. Même la fin de l’assouplissement monétaire ne paraît pas les importuner. Tout l’argent qui leur est confié débouche d’une façon ou d’une autre sur un des marchés qu’elles contrôlent. Celui des capitaux en fait bien sûr partie. On n’y a jamais vu autant de nouvelles émissions qu’aujourd’hui. Les investisseurs institutionnels les achètent sans compter, pourvu qu’elles soient assorties d’un coupon attrayant. Les emprunts de qualité médiocre trouvent ainsi facilement preneurs.

En une semaine, pas moins de 60 milliards EUR d’obligations industrielles ont été émises. La plupart étaient libellées en dollar (USD). Sur les onze mois écoulés, près de 1.360 milliards USD ont été émis. La majeure partie à court terme, alors que les émetteurs souhaitaient placer des emprunts à 30 ans. Toutes les émissions échues sont remplacées par de nouvelles. Si cette tendance se poursuit l’année prochaine, on peut d’ores et déjà avancer qu’un montant équivalent sera atteint. C’est qu’il y a pour plus de 900 milliards USD d’emprunts qui arriveront à échéance en 2014.

Cette frénésie émettrice a toutefois pesé sur le marché obligataire. Les titres en baisse excédaient de loin ceux en hausse, surtout dans les devises principales. Les échelles des taux d’intérêt se sont raidies. Le mouvement était toutefois insignifiant. Les émissions des pays émergents ont mieux résisté que celles des autres. Leur performance est due à la guerre des devises. Le réal brésilien (BRL) a progressé de 0,75% face à l’EUR. La lire turque (TRY) s’est raffermie de 0,7% et le rand sud-africain (ZAR) de 0,4%. Le dollar australien (AUD), par contre, a fléchi de 2,2%, suivi comme son ombre par le néo-zélandais (NZD). La déclaration du gouverneur de la banque centrale du pays annonçant la mise en place de mesures nouvelles, voire d’interventions directes pour atténuer la hausse de la devise, était à l’origine de cette déconfiture. Une aubaine pour consolider les positions dans cette devise.

Comme énoncé plus haut, l’effervescence sur le marché primaire était grande. Les banques ont émis avec férocité et soutenu le cours de leurs émissions durant toute la période de souscription. VPG (sans notation), le promoteur industriel flamand, plaira à bon nombre d’investisseurs. Il s’apprête à lever entre 40 et 75 millions EUR sur un peu moins de cinq ans. Il offre un rendement de 5,1%, soit 4% de plus que la moyenne du marché. Ses titres coteront en Irlande. Ce qui signifie que les titres se comporteront comme ceux d’un emprunt privé. Celui qui les achète devra être disposé à les conserver jusqu’à leur échéance.

Trafigura Funding (sans notation) est la filiale luxembourgeoise du courtier français de matières premières du même nom opérant depuis Londres mais ayant son siège social aux Pays-Bas. Une construction financière compliquée donc, qui n’est pas exempte de risques. Ces derniers sont compensés par un coupon généreux. L’émission s’adresse cependant aux investisseurs les plus nantis. Le promoteur immobilier anglais Grainger (BB+) fait ses débuts sur le marché obligataire international. Son émission est typiquement britannique, assortie d’un coupon semestriel. Le premier est réglé le 16 juin 2014. Le succès était au rendez-vous, les investisseurs sont déjà prêts à débourser 101,53% (4,8%) pour acquérir le titre.

BNP Paribas (A) émet un emprunt à 6 ans en NZD. Ses conditions sont satisfaisantes. La nouvelle tranche de KfW (AAA, avec garantie de l’Allemagne) en BRL est meilleur marché que les titres existants. Il y a 311 jours d’intérêt encourus à régler. Nous lui préférons néanmoins la NIB (AAA, supranationale, alt.1). Les deux nouvelles tranches de la BEI (AAA, supranationale) en TRY sont trop onéreuses. Il en est de même pour la VW (A-). Achetez ces titres de préférence sur le marché secondaire ou optez pour l’un des autres proposés. Notez qu’il y a 183 jours d’intérêt encourus à régler pour les deux BEI.

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