Des politiques imprévisibles

” Je peux prévoir le mouvement des corps célestes, mais pas la folie des gens “, affirmait Isaac Newton au 18esiècle, après avoir perdu une fortune lors de l’explosion de la bulle spéculative de South Sea. De la même façon, tenter de comprendre les motivations et actions actuelles de la classe politique est impossible.

Dans une économie mondiale où dettes publiques en hausse et une politique monétaire expansive se tiennent en équilibre, les politiques et les banquiers centraux, qui se comportent d’ailleurs (par la force des choses) de plus en plus comme les premiers, jouent hélas un rôle majeur sur les marchés financiers. Même si d’aucuns ont compris qu’il est préférable de ne pas tenir compte des mésententes politiques, l’économie prenant de toute façon le dessus, et le redressement économique mondial se poursuivant, quoi que fassent les politiques.

Cela dit, la classe politique américaine vit une période difficile. Le ” shutdown “, cette mesure visant à fermer brièvement plusieurs services publics fédéraux, a déjà été prise par le passé, et n’affecte finalement que peu l’économie du pays. Mais l’impasse politique dans laquelle se trouvent actuellement les Démocrates (qui se rangent derrière Obama et ont la majorité au Sénat) et les Républicains (qui contrôlent la Chambre des Représentants) compromet en revanche la discussion beaucoup plus importante relative au relèvement du plafond de la dette. Or le temps presse. A la mi-octobre environ, le gouvernement fédéral atteindra le plafond actuel de la dette et ne pourra plus souscrire de nouveaux emprunts. Les fonds suffiraient alors encore pour tenir jusque début novembre, mais ensuite, les dettes ouvertes ne pourront plus être honorées.

A moins que le gouvernement Obama ne parvienne en peu de temps à rétablir l’équilibre budgétaire, ce qui implique une économie représentant plus de 4% du produit intérieur brut (PIB) et se traduirait par une profonde récession. Depuis le déficit record de 10% du PIB affiché en 2010, le déficit budgétaire américain a heureusement déjà diminué de moitié. Le ratio d’endettement stagne autour de 75% du PIB. Ces trois dernières années, les USA ont même appliqué une politique fiscale plus restrictive que l’Europe dans son ensemble. Et pourtant, ils sont parvenus à maintenir un rythme de croissance modeste.

Nervosité croissante

N’oublions pas que la précédente discussion relative au plafond de la dette, en 2011, avait fait plonger le S&P500 de près de 20%. A l’époque, la crise européenne de la dette n’était pas sans incidence, cependant. Ce n’est pas le cas actuellement : les marchés boursiers américains sont en baisse, les taux des titres d’Etat américains à court terme sont à la hausse, de même que le coût des assurances contre un défaut de paiement, même s’il se situe toujours à un niveau relativement faible. Autrement dit, il n’y a pas encore de raison de paniquer, une situation de défaut de paiement aux Etats-Unis relevant d’un scénario de film d’horreur fantaisiste.

Les investisseurs semblent en effet toujours espérer que la Banque centrale américaine interviendra avant qu’il soit trop tard. En attendant, compte tenu de leur valorisation relativement élevée, les actions américaines sont devenues plus vulnérables à des accès de panique ou d’autres facteurs négatifs. La probabilité d’une correction ultérieure est dès lors réelle, si la nouvelle saison de résultats ne laisse pas transparaître d’amélioration des bénéfices. La discussion relative au plafond de la dette pourrait donc servir de prétexte à une prise de bénéfice. Suivez de près la situation des prochaines semaines, jusqu’à ce que les politiques américains redeviennent au moins légèrement plus prévisibles.

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