Des acheteurs peu nombreux mais puissants

Une importante proportion d’entreprises rachètent leurs propres titres.

La demande d’actions américaines ne connaît pas la même évolution selon qu’elle émane des entreprises ou des investisseurs, ce qui constitue par ailleurs un phénomène sans précédent. Ce sont essentiellement les rachats d’actions propres qui ont soutenu cette huitième année consécutive de marché haussier. On estime qu’au premier trimestre de l’année, une somme de 165milliards USD a été affectée par les entreprises intégrées à l’indice Standard & Poor’s500 (500principales entreprises cotées) au rachat d’actions propres. Le record du 4etrimestre 2007 a ainsi été égalé.

Cette fièvre de rachats contraste clairement avec les ventes des fonds d’investissement et des trackers (ETF) par les investisseurs individuels et professionnels. On évoque à cet égard des montants compris entre 50 et 60milliards USD, parmi les chiffres les plus élevés jamais constatés. Les analystes pointent surtout du doigt le risque que ce rachat d’actions propres soit financé partiellement par des fonds empruntés. Aidés en cela par les taux d’intérêt extrêmement faibles découlant de la politique monétaire ultra accommodante. L’argent n’est pas emprunté pour consentir des investissements et assurer la croissance future, mais pour accroître le bénéfice par action par le rachat d’actions propres.

Les entreprises américaines de l’indice S&P500 sont confrontées depuis trois trimestres déjà à une baisse des bénéfices, ce qui nous amène à évoquer une possible récession de ceux-ci. Qui plus est, les analystes craignent en ce début de saison des résultats américains que les bénéfices du premier trimestre de cette année aient baissé en rythme annuel pour l’indice S&P500, possiblement de 8%. C’est la raison pour laquelle les programmes de rachat d’actions propres sont en train de ralentir.

Bénéfices d’entreprises sous pression

Le fait que les programmes de rachats d’actions propres aient soutenu dans une importante mesure Wall Street est du reste attesté par le constat suivant: pendant le “black out”, la période pendant laquelle il est interdit ou en tout cas déconseillé d’échanger des actions (en conséquence de la publication des chiffres trimestriels), les indices ont affiché la performance la plus faible sur une base trimestrielle.

Pour les stratèges, il est clair que la situation actuelle, caractérisée par une importante proportion d’entreprises rachetant leurs propres titres, ne peut perdurer. Soit les investisseurs reviennent du côté des acheteurs dans les prochains mois et redeviennent “acheteurs nets” d’actions, de fonds d’actions ou d’ETF sur actions, soit une nouvelle correction risque de survenir parce que les entreprises ne suivront plus le rythme de rachats d’actions, compte tenu de l’évolution baissière de leurs bénéfices. Au cours des décennies précédentes, nous avons également constaté un ralentissement ou l’arrêt des programmes de rachat d’actions propres dès lors que les bénéfices des entreprises sont sous pression. Dès que ce processus est amorcé, il se poursuit généralement pendant un certain laps de temps. En moyenne, entre le sommet des rachats et le plancher, on note un repli de 62% des sommes affectées aux rachats. Il est manifeste que si ce phénomène venait à se répéter dans les prochains temps, Wall Street finirait par glisser lui aussi, et l’importante zone de soutien de 1700 à 1800points de l’indice S&P500 serait alors à nouveau compromise.

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