CFE et Australian Agricultural Company

Le cours de CFE s’est envolé depuis vendredi et l’annonce concernant DEME. Pourriez-vous expliquer en quoi change la situation de l’actionnaire de CFE ? L’action est-elle à conserver ?

L’action CFE (53,7 EUR; NYSE Euronext Bruxelles) a explosé après que le holding anversois Ackermans & Van Haaren (AvH) a annoncé une offre d’achat sur CFE à 45 EUR par action. AvH a trouvé un accord avec Vinci, actionnaire principal de CFE dont il détient 46,84% des actions, concernant l’intégration dans CFE de la participation de 50% qu’AvH possède dans DEME. Les 50% restants de DEME, l’un des leaders mondiaux du secteur du dragage, sont déjà entre les mains de CFE dont ils représentaient l’an dernier 85% du bénéfice opérationnel (ebit). L’apport par AvH sera payé sous la forme d’une émission de 12,2 millions d’actions nouvelles CFE à 45 EUR par action. De ce fait, le nombre d’actions CFE en circulation passera de 13,1 millions à 25,3 millions. Après l’augmentation de capital, Vinci vendra la moitié de ses actions CFE à AvH, au prix de 45 EUR par action. De ce fait, Vinci possèdera encore 12,1% de la nouvelle CFE, alors qu’AvH en détiendra 60,4%. Ceci obligera alors AvH à lancer une offre publique à 45 EUR par action sur les 27,5% des actions CFE encore en circulation. L’ensemble de l’opération sera sans doute clôturée au 1er trimestre 2014. La transaction valorise DEME à 1,1 milliard EUR, mais n’attribue (presque) aucune valeur aux activités cycliques (construction) de CFE. Logique dès lors que le marché considère cette offre opportuniste comme trop basse et envoie le cours largement au-delà des 45 EUR par action.

AvH a habilement profité du fait que les activités de dragage ne relèvent pas du coeur d’activités de Vinci (voir IB-24B pour de plus amples infos sur Vinci). Pour CFE aussi, la perspective de devenir propriétaire à 100% du pôle de croissance DEME est un scénario de rêve, même s’il y a naturellement un prix à payer avec un presque doublement du nombre d’actions en circulation. La transaction aura en tout cas une influence positive sur des marges en déclin et réduira l’exposition de CFE aux fluctuations des activités de construction. Après une forte hausse méritée, nous ne courrions pas derrière le cours et nous confirmons l’avis ” à conserver ” (3C).

L’Australian Agricultural Company procède à une augmentation de capital avec droit de souscription. Recommandez-vous d’exercer ce droit ?

Australian Agricultural Company (AAco; 1,08 AUD, ticker : AAC sur la Bourse de Sydney et OTC à New York) est le premier producteur de viande de boeuf en Australie. L’entreprise possède 6,8 millions d’hectares et un cheptel de 650.000 têtes dans le nord-est du pays. Vu la situation géographique, elle est parfaitement placée pour profiter de l’augmentation de la consommation de viande en Asie. Cependant, AAco éprouve des difficultés à développer une entreprise structurellement rentable. Le prix du boeuf australien, exprimé par l’Eastern Young Cattle Indicator, est retombé à son niveau de 2009, soit 3,2 AUD le kilo. Une stabilité en total décalage avec l’évolution du prix de la viande de boeuf sur la Chicago Mercantile Exchange, qui est passé d’un cours plancher de 0,8 USD la livre (lb; environ 450 grammes) en 2008 à 1,26 USD la livre aujourd’hui. Pourtant, le cours australien suivait la même tendance orientée à la hausse jusqu’à l’année 2011. C’est alors que le gouvernement australien a décidé d’interdire les exportations de boeuf en Indonésie – 60% des exportations de viande australiennes – en raison des mauvais traitements qui y sont infligés aux animaux. Il en a résulté une hausse significative de l’offre sur le marché local, et une baisse du cours de plus de 4,2 à 3,2 AUD le kilo de viande de boeuf. De plus, des conditions climatiques extrêmes entraînent régulièrement des coûts supplémentaires. Au final, AAco n’a pas enregistré des bénéfices depuis 2010. L’entreprise va maintenant travailler à son intégration verticale en assurant elle-même la transformation de la viande. Elle construit à cet effet un grand abattoir à proximité du port de Darwin, dans le nord-est. L’objectif est de réduire les frais de transport et surtout d’accroître son exposition aux prix internationaux de la viande, plus élevés et plus stables, en exportant davantage. Compte tenu de l’endettement élevé (plus de 400 millions AUD), l’investissement de 90 millions AUD a incité AAco à procéder à une augmentation de capital de 219 millions AUD couplée à une émission d’obligations convertibles pour 80 millions AUD. Tout lot de 10 actions existantes donne droit à 7 actions nouvelles à 1 AUD par action.

Il faut revenir à 2003 pour retrouver un cours de 1 AUD par action AAco sur les tables de cotation. Cependant, nous estimons que la réorientation stratégique d’AAco vers la transformation de la viande est opportune. Une partie de l’émission et l’ensemble de l’emprunt obligataire ont déjà été souscrits par l’actionnaire principal, AA Trust. Vu la forte dilution engendrée par l’opération, nous conseillons de souscrire à l’augmentation de capital, à condition toutefois que la position de l’entreprise dans votre portefeuille reste limitée. Nous maintenons l’avis ” digne d’achat ” pour le long terme (1C).

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