Adaptation difficile

Manifestement, les marchés financiers digèrent assez difficilement la perspective d’un retournement de situation sur le plan monétaire. Pour la première fois en plusieurs années, nous constatons d’importantes corrections sur tous les marchés financiers : des devises, des obligations, des actions et des matières premières.

Pourtant, l’objectif de la politique d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale américaine était précisément de permettre un redressement durable de l’économie américaine et d’éviter une dépression économique comme celle des années Trente. A présent que l’économie yankee montre effectivement des signes d’embellie, il est normal que cette forme sans précédent de soutien au marché soit progressivement allégée.

La durée de cette politique monétaire extrêmement souple fut exceptionnellement longue et son ampleur fut telle que les observateurs finirent par y percevoir un phénomène d’addiction au ” doping monétaire “. Pour de nombreux négociants et investisseurs, il est mentalement difficile de s’adapter à une nouvelle donne. C’est un rêve qui doit s’achever, en quelque sorte. La bonne nouvelle pour l’économie réelle (une embellie réelle) se transforme en une mauvaise nouvelle pour l’économie financière.

Comme pour toute drogue, la désintoxication est une phase douloureuse. Mais indépendamment de cela, il est évident que pour les entreprises américaines, un redressement de l’économie propre est nécessaire. La marge d’amélioration est ténue désormais. La rentabilité a atteint un sommet presque historique ces derniers trimestres, ce qui suppose qu’une augmentation des chiffres d’affaires est à nouveau nécessaire pour permettre une croissance du bénéfice digne de ce nom. Dans la mesure où l’Europe occidentale et le Japon sont encore en difficulté et que la Chine affiche désormais un rythme de croissance plus lent, cette amélioration des chiffres d’affaires devra provenir des Etats-Unis eux-mêmes. Par rapport à une croissance économique attendue de 1,9% pour cette année, on table pour l’an prochain sur une évolution de 2,7%. Le ” wake-up call ” de Ben Bernanke conscientise les marchés par rapport au risque ambiant et interrompt la course aux rendements qui s’était accélérée ces derniers mois.

Révolution du gaz de schiste

Ceci dit, les Etats-Unis auront un important atout à faire valoir au cours des prochaines années : l’accès à une énergie moins chère grâce à l’utilisation de gaz de schiste. Celui-ci contribue également à la réindustrialisation du pays, surtout dans les secteurs à forte intensité énergétique comme les engrais, la chimie, etc. Des secteurs où de nombreux emplois ont été perdus. Ce gaz est prélevé dans le schiste grâce à des forages horizontaux réalisés dans la roche. Pour libérer le gaz, on utilise la technique du ” fracking “(fracturation hydraulique ou craquage). Cette technique, peu écologique, consiste à fracturer la roche par l’injection de grandes quantités d’eau, de sable et de substances chimiques à très haute pression. Grâce à ce type d’extraction, le prix du gaz a baissé à environ 4 USD par mBTU (million de British thermal units). En Europe et en Asie, c’est facilement 3 à 4 fois plus. L’avantage compétitif pour l’économie américaine n’est donc pas à sous-estimer. Pendant de longues décennies, les Etats-Unis ont dû importer d’énormes quantités de pétrole et de gaz. Grâce au gaz de schiste, l’Oncle Sam peut devenir un exportateur de gaz, et l’importation de pétrole en provenance d’Arabie saoudite, par exemple, peut diminuer drastiquement.

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