Accord factice

La Grèce n’a pas capitulé.

Le soulagement était palpable auprès des instances européennes. Il leur a fallu près de onze heures de discussions pour donner l’impression que le gouvernement grec s’est plié aux exigences européennes. Pour obtenir sa rallonge pour les quatre mois à venir, il s’est en effet engagé à respecter les accords. La presse s’est empressée d’affirmer que la Grèce venait de capituler.

Il n’en est rien. L’accord n’entrera effectivement en vigueur qu’après l’acceptation des nouvelles mesures que la Grèce doit fournir avant ce mardi. L’argent ne lui sera transmis que si ces nouvelles mesures satisfont les instances européennes. L’accord actuel n’est donc que factice. Certes, les deux parties ont mis de l’eau dans leur vin, mais le fait qu’elles ont tenu leur conférence de presse séparément en dit long sur leur entente.

Quatre points épineux

Pour les créanciers de la Grèce, le dilemme est quadruple. Premièrement, la péninsule doit se conformer au diktat de la troïka, dorénavant appelée “institutions”. Ces dernières veulent suivre de près l’instauration des réformes accompagnant leurs largesses. Ce point particulier n’a pas été abordé durant les pourparlers. On s’imagine donc que tout est resté comme avant. Ce qui est impossible et on le constatera dès ce lundi.

Le deuxième point d’achoppement concerne l’euro (EUR). Les Grecs ont retiré pour plus d’un milliard de leurs comptes bancaires la semaine passée. Les instances européennes ne tolèrent pas de tels agissements. Comment pourraient-elles contrôler les transactions financières si ces dernières se font en dehors du système bancaire ? Il leur serait dès lors impossible d’imposer des restrictions, comme cela s’est produit pour Chypre. Selon les estimations, les Grecs auraient déjà retiré pour près de 20 milliards EUR. La Banque centrale européenne (BCE) a fourni les liquidités nécessaires. Elle a même levé (temporairement) sa menace d’instaurer un contrôle des capitaux. Elle espère que tout cet argent liquide retournera vers le système bancaire. Un atout que le gouvernement grec utilisera dans ses pourparlers futurs.

Le troisième point concerne les conditions. Il va de soi que le gouvernement grec réclamera plus d’autonomie. On parle de flexibilité. Le ministre des Finances grec, Varoufakis, parle de collaboration et de cogestion. Chose que les créanciers voient d’un mauvais oeil. Cela pourrait donner des idées aux autres !

Le quatrième point épineux concerne le remboursement des crédits alloués. La péninsule devra s’acquitter de quelque 6,7 milliards EUR d’ici à la fin de l’été. Le nouveau gouvernement ne l’a pas caché, il ne les remboursera que s’il réalise un excédent budgétaire. Ce dernier devrait correspondre à 3% du PIB, chose confirmée dans l’accord de vendredi passé, sans pour autant l’avoir lié aux remboursements. Pour 2016, il était prévu un remboursement de près de 5 milliards et que l’excédent primaire fasse 4,5%. Cette clause n’a pas été reprise. Ce qui ne signifie pas pour autant que cela soit une concession de la part des créanciers.

Question clé

Reste à savoir si les instances européennes sont disposées à sacrifier les 172 milliards EUR qu’elles ont déjà déboursés. Il est clair que les principales concessions devront émaner de l’Union et non de la Grèce. Tsipras et Varoufakis, qui n’ont strictement rien à perdre, ont par ailleurs distillé un peu de zizanie au sein des membres de l’Union. Ils augmenteront la pression quand cela les arrangera. Non, pour être franc, la saga grecque ne fait que commencer et les temps seront de plus en plus incertains.

Les investisseurs sont restés attentifs. Ils se sont persuadés qu’une solution serait trouvée, mais sont néanmoins restés prudents. L’EUR a perdu du terrain vis-à-vis d’une majorité de devises durant toute la semaine. Il s’est légèrement redressé à la fin de celle-ci. Le dollar (USD) a gagné sans encombre 0,7%, autant que la livre (GBP). Le redressement du prix du baril, qui fluctue actuellement au-dessus des 60 USD, a entraîné celui des devises liées aux matières premières. La couronne norvégienne (NOK) a progressé de 0,7%, le dollar canadien (CAD) de 1,15%, le rand sud-africain (ZAR) de 1,3%, le dollar australien (AUD) de 2%, le néo-zélandais (NZD) de 2,35% et le rouble russe (RUB) de 4%.

Baisses

Le raidissement des échelles des taux d’intérêt s’est accentué. Le mouvement était certes moins prononcé que la semaine précédente. Le marché des capitaux était orienté à la baisse. A l’exception des titres libellés en RUB, où la majorité a progressé, les baisses l’emportaient sur les hausses dans une proportion de 2 contre 1. Les souveraines européennes de qualité ont perdu pas mal de terrain tandis que les grecques et les russes en gagnaient. Les titres ukrainiens se sont effondrés, accusant des pertes dépassant souvent les 10%.

L’activité était morose sur le marché primaire, si on excepte les émissions bancaires. L’assureur autrichien Vienna Insurance Group (sans notation) lance un emprunt en EUR de très longue durée. Il a été bien accueilli, surtout par les investisseurs institutionnels. Les titres sont subordonnés et assortis d’une clause de remboursement anticipé exécutable à partir de 2026. Aux conditions de souscription, l’émission rapporte 2,26% de plus que la moyenne actuelle du marché. La Banque européenne d’investissement (AAA, supranationale) est de nouveau très active. Son émission en NOK est chiche. Si vous parvenez à maîtriser différence de prix et frais de transaction en dessous de 1,23%, achetez-la de préférence sur le marché gris (alt.1). Des deux tranches supplémentaires en ZAR, la courte est la plus intéressante. Il y a 68 jours d’intérêts révolus à régler. Pour la longue, il y en a 127. BNP Paribas (A+) en NZD est correcte.

La nouvelle tranche en AUD au nom de la Kommunalbanken (AAA, avec garantie d’Etat), où il y a 226 jours d’intérêts révolus à régler, est une alternative idéale pour des emprunts échus en AUD ou USD. Si vous souhaitez cependant des USD, nous vous conseillons Microsoft (AAA, alt.2). Ce titre n’est pas coté officiellement mais tout courtier qui se respecte le négocie. Si vous êtes friand de GBP, la CADES (AA, avec garantie de la France) vous conviendra.

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